« Je suis arrivée à un point où j’ai moins peur de partager mes idées quand on est en période d’écriture », dit Alessia Cara, gagnante d’un Grammy et de plusieurs JUNOs, après une décennie de travail de coécriture depuis la parution de son premier album, Know-It-All (2014), qui s’est inscrit au Top 10. Elle compte aujourd’hui trois albums et cumule aujourd’hui plus de 12,5 millions d’écoutes toutes plateformes confondues et des dizaines de certifications Or et Platine.

Bien que l’artiste pop et R&B de 28 ans écrive des chansons seule, on retrouve pas moins d’une vingtaine de coauteurs au fil des 14 pièces de son quatrième album, Love & Hyperbole, qui paraîtra le jour de la Saint-Valentin (le 14 février) 2025. Mais soyons clairs : là où elle ne collabore à peu près pas, c’est au chapitre des textes. C’est sa chasse gardée, comme on peut l’entendre sur les simples (Isn’t It) Obvious, mettant en vedette le guitariste John Mayer, et Slow Motion.

Alessia Cara, Slow Motion, video

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« Évidemment il y a toujours des exceptions, comme si je dis le mot “blue” et qu’on me répond “Et si tu disais le mot ‘do’?”, et des trucs de ce genre », ajoute-t-elle en rigolant. « Ce n’est pas comme si j’étais du genre “non, ça doit venir juste de moi!”, mais règle générale, je tiens quand même à ce que ça vienne de moi. » C’est ainsi qu’elle a travaillé pour tout ce qu’il a écrit après son deuxième album.

C’est au début de l’adolescence que la chanteuse, guitariste et pianiste originaire de Brampton, en Ontario, et désormais installée à Toronto, a commencé à attirer l’attention du public. Elle publiait des vidéos de ses reprises, au piano ou à la guitare, de chansons de Jessie J ou Adele, mais c’est sa version de Sweater Weather, une chanson de The Neighbourhood, qui la vraiment fait connaître.

Lorsqu’elle a signé son contrat de disques à l’âge de 18 ans, on a mis à sa disposition une équipe d’auteurs professionnels dont elle dit qu’ils étaient « très collaboratifs » et l’ont fait « tomber en amour avec l’idée d’écrire des chansons ». C’était pour elle une magnifique opportunité d’apprentissage.

« J’ai toujours rêvé d’écrire toute ma musique moi-même parce que je pensais que c’est ce que tout le monde fait », avoue-t-elle. « C’est vraiment spécial pour moi que les gens qui m’écoutent sachent que ce que je raconte vient de moi. C’est ce qu’il y a de plus personnel. Et de cette façon, je peux comprendre mes propres émotions en les écrivant. »

Mais que ce soit en collaboration ou seule, ce sont ses textes qui touchent les gens, surtout les jeunes femmes, mais sûrement quelques-unes plus âgées aussi. Elle chante la timidité maladroite, l’estime de soi, les normes de beauté inaccessibles, l’anxiété, l’intégration, le fait de grandir et les inévitables complications qui accompagnent les relations amoureuses.

Son tout premier simple, Here (2015), racontait très simplement le fait de se sentir différente dans les « partys ». La chanson s’est hissée dans le Top 5 aux États-Unis et a permis de propulser son album dans le Top 10 du Hot 100 de Billboard. Le troisième extrait du même album, Scars to Your Beautiful, qui parle d’amour de soi, a aussi atteint le Top 10 aux États-Unis, en Australie, en Islande, en Slovénie et en Suède ainsi que le Top 15 au Canada. Elle a remporté le JUNO de la Découverte de l’année en 2016 et celui de l’Album pop de l’année en 2017.

« C’est vraiment spécial pour moi que les gens qui m’écoutent sachent que ce que je raconte vient de moi »

En plus de voir sa chanson How Far I’ll Go utilisée sur la trame sonore du film Moana de Disney, elle a été artiste invitée sur « Wild » de Troye Sivan en 2015, sur « Stay » de Zedd en 2017 et sur « 1-800-273-8255 » de Logic qui mettait également en vedette Khalid.

Puis, en 2018, Alessia Cara a écrit une page de l’histoire des Grammys en devenant la première Canadienne à remporter le trophée de la Meilleure nouvelle artiste juste avant de lancer son très attendu deuxième album intitulé The Pains of Growing. Ce projet remportera trois JUNOs – meilleur album, meilleur album pop et auteure-compositrice de l’année, prix qu’elle a reçu conjointement avec son équipe d’écriture pour récompenser ses chansons « Growing Pains », « Out of Love » et « Rooting for You ».

Lorsqu’est venu le temps d’écrire son troisième album, la COVID a frappé. Maintenant à la mi-vingtaine, Cara a traversé une période difficile. Sa thérapeute de l’époque lui avait même suggéré de réserver une demi-heure par jour pour « concentrer tous ses soucis », mais heureusement, tout cela est derrière elle, maintenant. « C’était au plus fort de mon anxiété », dit-elle à propos de l’année 2020. « Je traversais vraiment une période difficile, mentalement. » L’album qui est né de cette période, In The Meantime, a été qualifié de « mordant et plus introspectif que jamais » par le New York Times, et c’est un projet où elle « chante le temps qui passe, les déceptions amoureuses et le sentiment de ne pas être à la hauteur ».

Son nouvel album est beaucoup plus positif, du moins vers la fin. Love & Hyperbole est une chronologie de ses changements émotionnels. L’album commence avec Go Outside! où on entend une personne qui « se sent seule à L.A. » et qui « fixe son plafond ». Puis on passe au vertige de « je m’ennuie de toi avant même que tu partes » sur Slow Motion et au désir de « plonger tête première » sur Fire. Tout ça culmine sur la dernière pièce, Clearly, qui résume toute la maturité acquise pour enfin réaliser que « la fumée s’est dissipée, on a guéri, oublions tout le reste et recommençons à zéro ».

C’est toutefois sur la troisième chanson de l’album, Dead Man, qu’on retrouve « le début de cette histoire qui parle d’amour », comme elle l’explique, même si elle a écrit cette chanson plus tard dans le processus de création. « Je pense vraiment que c’est crucial de laisser aller le passé et de comprendre ce qu’on ne veut pas pour arriver à trouver ce qu’on veut, que ce soit dans notre vie amoureuse ou dans la vie en général. »

Alessia Cara, (Isn't It) Obvious, video

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Seul le texte de Nighttime Thing est le fruit d’une coécriture tandis que la musique, écriture et production, est le fruit du travail de nombreux collaborateurs. Jon Levine et Mike Elizondo sont les seuls collaborateurs dont le nom revient à plus d’une reprise. Levine a participé à la création de Run Run, Clearly et Get to You, et Elizondo à Go Outside!, Dead Man, et Subside.

« T’as une perspective différente quand tu fais de la musique avec d’autres personnes dans la pièce », dit Cara. « J’étais une autrice super timide avant, et j’arrivais toujours avec des chansons complètes parce que j’étais trop gênée de proposer une mauvaise idée devant tout le monde. » Aujourd’hui, elle a adopté une façon plutôt unique de trouver des mots et des mélodies. Elle « marmonne ». C’est comme ça que les auteurs et producteurs dans la pièce avec elle l’aident à trouver les bonnes idées à partir desquelles écrire une bonne chanson.

« C’est vraiment bien d’être entourée de gens qui ont du goût et qui me disent “Oh! ce que tu viens de faire là c’était vraiment cool”, ou “ça pourrait être un peu mieux”, ou encore “ça c’était génial, continue dans cette direction”. J’ai la chance de pouvoir compter sur une perspective extérieure grâce à toutes ces oreilles différentes. »

Une des raisons pour lesquelles elle ne travaille pas qu’avec un seul producteur comme le ferait un groupe rock, par exemple, n’est pas motivée par le fait que c’est devenu la norme dans le monde de la pop, mais simplement par qu’elle aime les gens.

« Tout le monde a une perspective et une façon de travailler tellement différente, ça m’intrigue et ça me donne envie d’essayer plus de trucs. J’avais vraiment l’impression d’avoir besoin de ça pour cet album », dit l’autrice-compositrice. « J’aimais tout le monde et ç’a été difficile de choisir avec qui travailler justement parce que tout le monde avait tellement de choses différentes à m’offrir. J’adore les gens et j’adore les créateurs. »