Il est assez facile de comprendre pourquoi A Tribe Called Red a mis deux ans à réaliser leur troisième album, We Are The Halluci Nation, qui paraîtra le 16 septembre. Le trio ottavien de producteurs/DJs a été salué partout à travers le monde et récompensé d’un prix JUNO pour son mélange créatif d’EDM et d’éléments de musique des Premières nations, et sur ce troisième album, ils ont décidé de passer au niveau supérieur.

Le groupe a donc assemblé une importante cohorte d’impressionnants collaborateurs pour ce projet, puis a créé et enregistré ses chansons un peu partout sur la planète. Comme l’explique Tim Hill (alias 2oolman), la clé du projet était de collaborer créativement avec d’autres musiciens, chanteurs et paroliers.

« Nous voulions créer un album concept. C’était le plan depuis le début et tout a commencé par notre collaboration avec [l’auteure-compositrice-interprète torontoise] Lido Pimienta », raconte-t-il. « Notre première chanson pour cet album, “The Light”, a été créée il y a environ deux ans. Elle a beaucoup contribué à donner le ton pour cet album et c’est à ce moment que nous avons décidé d’en faire un projet collaboratif. Nous nous sommes assis et avons écrit avec Lido et son “band” pendant deux jours. »

« Nous serons toujours un groupe autochtone et nous en somme fiers. Reste néanmoins que nous voulions évoluer et gagner en maturité. » — Tim Hill, alias 2oolman, A Tribe Called Red

Ce sont donc des contacts personnels et directs qui ont sous-tendu plusieurs des collaborations sur cet album. « Une bonne part de ce projet s’articulait autour du travail d’équipe en studio », poursuit-il, « tandis que la majorité des pièces sur nos albums précédents étaient créées à partir d’échantillonnages de chants a cappella et de pistes musicales. Pouvoir bénéficier de la présence en studio de l’artiste plutôt que de recevoir ces pistes par courriel a été génial. »

La liste des collaborateurs sur We Are The Halluci Nation est tout aussi impressionnante que diversifiée du point de vue des styles musicaux. Outre Pimienta, on y retrouve Shad, Tanya Tagaq, Black Bear, Yasiin Bey (alias le rappeur et acteur Mos Def) et Narcy, Saul Williams, John Trudell, l’auteur autochtone primé Joseph Boyden ainsi qu’OKA.

Une des pièces pour lesquelles les échanges électroniques de fichiers ont été nécessaires est « Sila », mettant en vedette l’exploratrice musicale autochtone Tanya Tagaq. « Nous avons toujours voulu travailler avec Tanya et elle est une fan de notre travail », raconte Hill. « Nous lui avons envoyé des “beats” et elle a enregistré ses trucs, mais lorsqu’elle nous a retourné les fichiers, nous avons tenté de travailler avec ce qu’elle nous avait envoyé, mais ça ne cadrait pas tout à fait avec le son de l’album. Nous l’avons donc retravaillée et rendue un peu plus sombre?; on voulait que ça sonne comme un dialogue entre elle et nous, et je crois qu’on a réussi. C’est une de nos chansons préférées sur l’album. »

Un des catalyseurs créatifs de ce nouvel album a été le célèbre poète, activiste et musicien autochtone John Trudell. « Nous avons donné un spectacle à Santa Fe, et John nous a présentés en disant de très belles choses à notre sujet avant que nous montions sur scène », se souvient Tim Hill. « C’était fou, pour nous, car nous l’admirons profondément. Il a suggéré que nous collaborions sans même savoir que nous avons une liste des gens avec qui nous désirons collaborer et qu’il en faisait partie?! Notre super héros nous demandait à nous de collaborer avec lui?! »

Trudell s’est rendu dans un studio de San Francisco pour y enregistrer un poème que le groupe pourrait utiliser. « Ensuite, il nous a écrit pour nous dire “j’ai inclus un autre poème pour vous” », raconte encore Hill. « Il s’agissait de “We Are The Halluci Nation”. Lorsque nous l’avons entendu, on s’est regardé et on s’est dit, “On tient quelque chose”. Ce poème a permis aux idées que l’on avait pour cet album de prendre toute leur ampleur. »

A Tribe Called Red a rendu visite à un John Trudell désormais malade, et l’homme est mort en décembre dernier alors que le groupe était en tournée en Australie. « Pour nous, c’est tout simplement incroyable que notre héros ait pu nous transmettre autant de connaissances et de sagesse », dit humblement Hill. « Nous sommes heureux de pouvoir partager sa vision avec le reste du monde. »

Tim Hill décrit la pièce titre de l’album comme le reflet du son concept. « À la base, c’est un album au sujet de gens qui partagent des idées et qui désirent du changement, alors ils se regroupent en tant que nation, sans affiliations culturelles. Nous voulons que tous les humains ne fassent qu’un. »

Et comme pour renforcer cette idée, l’album a été créé sur plusieurs continents. « Nous avons créé la première partie de “R.E.D.” [la pièce mettant en vedette Bey et Narcy] dans une chambre d’hôtel en France, nous avons continué à la travailler dans un chalet de pêche dans le nord de la Norvège, puis à L.A., Montréal, Ottawa, Toronto, San Francisco, New York et en Australie », explique Hill.

« Lorsque nous étions dans tous ces endroits différents, ce n’est pas que nous avions une quelconque obligation de livrer l’album, c’est simplement que nous voulions créer de la musique parce qu’il y avait tant de sources d’inspiration tout autour de nous. Quand nous nous sentions inspirés, on sortait notre matos et on se mettait au travail. J’espère vraiment que les gens sentiront l’influence du monde sur cet album. »

Tous ces voyages d’un bout à l’autre de monde ont eu un réel impact sur le groupe, poursuit Tim Hill. « Nous serons toujours un groupe autochtone et nous en somme fiers », dit-il. « Reste néanmoins que nous voulions évoluer et gagner en maturité, et cela nous a été possible grâce à nos tournées et nos rencontres avec tous ces gens de partout à travers le monde, toutes ces cultures autochtones que nous avons eu la chance de découvrir. »