Showcase, SOCAN, Francos, 2025, Blynk, Katherine SansregretLe premier est l’un des nouveaux visages du R&B québécois. Il a suivi les traces de son père musicien, un pianiste libanais qui l’a trimballé dans tous ses spectacles dès sa naissance. La deuxième propose une chanson piano-voix plus classique. Malgré l’absence de musiciens dans son entourage, elle a suivi le circuit traditionnel des concours de chant depuis l’enfance.

À première vue, peu de choses rassemblent Blynk et Katrine Sansregret. Mais tout s’éclaircit quand ils s’assoient l’un en face de l’autre dans les bureaux de la SOCAN, à quelques jours de leur spectacle-vitrine commun du 19 juin, présente durant les Francos de Montréal.

« Moi, je suis un gars de Laval », lance spontanément Blynk, quand on lui demande de se présenter. « Mon père est musicien dans le monde de la musique orientale. C’est un pianiste qui a fait des tournées avec plein d’artistes du Liban. J’ai toujours été entouré par la musique. Ma tante et ma sœur, aussi, sont des chanteuses. J’avais comme pas le choix de faire de la musique aussi. J’ai été presque modelé pour ça ! Ma première scène ever, j’avais trois ans. J’ai chanté une toune arabe dans un resto avec mon père. Je m’en rappelle comme si c’était hier. On m’avait payé en gomme balloune ! La barre était haute… Depuis, je demande cinq gommes ballounes minimum à chaque show. »

« Moi, je viens de la Rive-Sud, de Saint-Hubert », lance, à son tour, Katrine Sansregret.

« Ça y est, on est en beef ! C’est Laval ou RIEN ! » l’interrompt en riant Blynk, reprenant l’adage dorénavant emblématique de la banlieue montréalaise.

« Pour vrai, mon parcours est totalement à l’inverse du tien », poursuit la chanteuse, qui a atteint la finale de la plus récente saison de Star Académie. « On m’a souvent dit que j’avais hérité du talent artistique de toute la famille. Comme si tout le monde l’avait perdu quand je suis née ! Dès l’enfance, je chantais tout le temps, je dansais… Mes parents ont vu qu’il se passait quelque chose et ils m’ont envoyé faire des cours et des petits concours. J’ai appris le piano en même temps que j’ai appris à chanter. Je dois dire, quand même, que mes parents consommaient énormément de musique. J’écoutais du Plume avec mon père quand j’étais petite. J’aimais beaucoup ça car ça me donnait l’occasion de sacrer ! Ensuite, j’ai découvert Marie-Pierre Arthur, Ariane Moffatt. Ce sont elles, mes vraies premières influences à moi. »

Showcase, SOCAN, Francos, 2025, BlynkL’évolution de Blynk passe aussi par un certain affranchissement de son héritage musical. Après des années à traîner dans les soupers-spectacles de son père, il a découvert toute la richesse et la créativité du R&B, entre autres celui des premiers albums de The Weeknd et de Drake. « Il faut comprendre que je passais chaque fin de semaine à manger et à m’endormir sur les chaises d’un resto en attendant que ça finisse. C’est une expérience typiquement libanaise ! » raconte-t-il, en riant. « Donc c’est sûr que la musique de mes parents (essentiellement du folklore libanais) ne m’intéressait pas beaucoup. Mais j’ai appris à l’apprécier, en combinant des touches de musique moyen-orientale (à ma signature R&B). »

Catapultés sur scène dès l’enfance, Blynk et Katrine Sansregret n’ont jamais eu de questions à se poser sur leur avenir. La musique a toujours été la seule avenue possible. « C’est instinctif. J’ai jamais eu de déclic du genre ‘’Ha, c’est ça que je veux faire !’’ C’est toujours quelque chose que j’ai fait, c’est tout », observe le chanteur de 24 ans.

« Je comprends ça », poursuit Katrine. « Pour moi, ça n’a jamais été un travail, la musique. J’ai commencé jeune et j’ai fait ça toutes mes semaines et fins de semaine depuis. C’est ma vie. »

Les moments de doute ont été peu nombreux dans les deux cas. « En fait, il y en a eu au moment où j’ai découvert comment l’industrie fonctionnait. Quand j’ai compris que faire de la musique, c’était plus compliqué… que faire de la musique », explique Blynk, entraînant instantanément plusieurs hochements de tête bien sentis de Katrine. « L’art, ça me vient naturellement. J’ai aucun doute là-dessus. Mais quand tu vois la business autour, tu peux commencer à douter. J’aurais jamais réussi sans mon team de feu. Y’a juste trop de choses à faire sinon. »

« Être artiste, c’est aussi être sa propre entreprise », explique à son tour Katrine. « Et il faut dissocier absolument l’artiste et l’entrepreneure, car l’un déstabilise l’autre. »

Showcase, SOCAN, Francos, 2025, Katherine SansregretLa chanteuse de 21 ans a aussi eu des doutes quant à son talent d’autrice-compositrice. C’est en chantant deux de ses chansons en demi-finale et en finale de Star Académie (respectivement Minable et Par où partir) qu’elle a davantage assumé ses qualités de créatrice. « Que la production ait cru en moi et que le public, ensuite, ait cru en moi, ça a tout changé. Ça m’a amené à croire en ce que je fais. Le plus beau moment, c’est quand j’ai chanté l’une de mes compositions à Pierre Lapointe (professeur de musique à Star Académie cette saison) et qu’il m’a dit : ‘’OK, maintenant, tu fais officiellement partie des auteurs-compositeurs du Québec !’’ J’ai été renversée d’avoir cette reconnaissance-là. »

Même s’ils semblent confiants, les deux artistes l’admettent : ils sont plutôt sensibles à ce que les autres disent. « Au début, on me reprochait beaucoup mon manque de constance », dit Blynk. « Les gens ne venaient pas à mes shows et me disaient des trucs comme : ‘’Je suis sûr que tu ne performes pas bien !’’ Je suis très têtu comme personne, alors j’ai pris ça comme un défi. J’ai voulu leur prouver le contraire. »

« J’ai toujours cru en ce que je faisais, mais je me suis souvent fait dire que ça ne fonctionnerait pas », poursuit Katrine. « On me disait des trucs comme ‘’T’as pas assez de caractère’’ ou ‘’Tu parles pas assez fort !’’. En fait, j’ai l’impression que comme femme dans l’industrie, c’est long avant qu’on ne nous prenne plus comme une petite fille (…) C’est comme ça qu’est née ma chanson Minable. C’est l’idée de dire que je ne suis pas prête à tout pour plaire aux autres. Je voulais prouver aux gens qu’ils n’avaient pas raison, que je pouvais réussir sans avoir à me changer. »

C’est avec une formule piano-voix, mettant en valeur ses propres compositions, que Katrine Sansregret convie le public pour sa première apparition aux Francos de Montréal. « Mais je ne joue pas de piano sur scène. J’ai des tounes très émotives qui parlent de trucs très intimes comme le décès de ma grand-mère ou la fin de ma dernière relation. Ma performance est très vocale et très intense, donc je veux centrer toute mon énergie sur ma voix et mon émotion. »

« Wow, j’ai hâte de voir ça ! » s’exclame Blynk qui proposera lui aussi une formule duo sur scène, mais aux côtés d’un DJ. « Moi, je veux que mon spectacle soit une conversation avec le public. Je veux connecter avec les spectateurs, les faire chanter. Même si mes sujets sont sombres, je veux que les gens aient du fun. »

« C’est fou, on a des univers tellement opposés ! » s’exclame à son tour Katrine.

Des univers aux influences effectivement opposées, mais poussés par des artistes à la démarche et aux aspirations similaires.