Lauréate du Festival en chanson de Petite-Vallée en 2003, la comédienne et chanteuse Viviane Audet propose trois ans plus tard un premier album, Le long jeu. Astiqué, bourré d’envolées grandiloquentes, l’opus présente l’univers musical d’une jeune femme au talent certain, mais dont la personnalité reste quelque peu camouflée. C’est avec Le couloir des ouragans, paru en février dernier, que la dame affiche enfin son véritable visage. L’auteure-compositrice-interprète met de l’avant une folk-pop toute en délicatesse, portée par une voix fragile et une interprétation plus ténue, moins théâtrale. Le ton est celui de la confidence sur Le couloir des ouragans, album de séparation en demi-teintes, à la fois sensible et lumineux, qui caresse les tympans.

En jetant un œil furtif à la photo de pochette, un mot unique vient à l’esprit : fuite. « Ce n’est pas un hasard parce j’ai souhaité une rupture d’avec le premier album. Être dans la suggestion plutôt que dans l’expressivité. J’ai chanté mon premier album comme si c’était mon dernier. J’ai tout donné! Bori m’avait dit : “C’est étrange parce qu’on a beau écouter tes chansons, on ne te connaît pas. Il y a un voile devant tes chansons.” Je ne l’avais pas très bien pris et je ne comprenais pas vraiment ce qu’il voulait dire.

« Puis, j’ai eu 30 ans et j’ai enlevé mon masque de comédienne pour ce disque qui se veut plus personnel, en retenue. Lors de mes dernières années de travail au cinéma et à la télé, les réalisateurs me disaient “mets-en moins, on va aller chercher tes yeux, ton expression” et ça a probablement déteint sur moi également, » raconte la jeune femme de 32 ans, gaspésienne d’origine.

« La création est vraiment un moment très intime. Ce n’est vraiment pas quelque chose que je peux partager avec quelqu’un d’autre. »

Si l’attente fut longue (presque huit ans) avant de mettre la main sur l’opus, c’est que le pan « business » s’est écroulé après la sortie du Long jeu. Ainsi, la dame fut obligée de changer de maison de disques et de spectacles. Forcée de se rebâtir un répertoire et une équipe, Viviane va de l’avant. « J’ai suivi des cours de chant et je me suis collée à des projets qui ont fait en sorte que je me suis transformée en tant que musicienne. Comme écrire la musique du film Camion de Rafaël Ouellet (avec son amoureux Robin-Joël Cool et Erik West-Millette). J’ai vraiment ouvert mes horizons et je me suis sortie de mes influences très présentes. Je me suis intéressée à la chanson folk dans son essence la plus pure. Aller chercher une pureté dans les arrangements, c’est ce que je voulais. Ce serait mentir de dire que ce fut facile d’accoucher de ce nouveau disque, mais je suis contente d’avoir tenu bon car c’est mon projet artistique dont je suis le plus fier, » avoue la multi-instrumentiste.

Et avec raison. C’est que Viviane a eu le bon goût de s’entourer de gens de talent pour cette aventure. D’abord, une poignée de collaborateurs de choix pour les textes (la poétesse acadienne Georgette LeBlanc et les auteurs Baptiste et Émile Proulx). Puis, elle a recruté Philippe Brault (Pierre Lapointe) qui signe une réalisation efficace, habitée par des arrangements à la fois discrets et soignés mettant en relief ses chansons aériennes. Chansons qu’elle construit de manière particulière. « L’écriture est un processus beaucoup plus souffrant que la composition qui est le bonbon. J’aime être seule chez moi, le matin. J’ai l’impression de sortir du sommeil. Je ne suis pas contaminée par quoi que ce soit. C’est la feuille blanche. Je dépose mes mains sur le piano, j’appuie sur la touche record de mon iPhone et je décolle. Je tente alors de trouver un thème. Je suis très pudique. Je suis incapable de travailler s’il y a quelqu’un à côté de moi ou dans la même pièce. La création est vraiment un moment très intime. Ce n’est vraiment pas quelque chose que je peux partager avec quelqu’un d’autre. »

Après un moment de silence, elle poursuit : « J’ai le syndrome de trouver mauvais presque tout ce que j’écris. Puis, deux mois plus tard, je ressors le texte et je le trouve pas si pire! Je ne jette jamais ce que j’écris parce que je sais que j’aurai un autre regard. J’ai vraiment une relation amour-haine avec l’écriture. Un problème de distanciation. Voilà pourquoi j’aime m’entourer d’auteurs. Ça me permet de respirer un peu. De plus, j’aime travailler en équipe, » précise-t-elle.

Patrice Desbiens, Thomas Fersen, Barbara, Chloé Ste-Marie, Gilles Bélanger, Yann Perreau, Juliette Gréco, Bruce Springsteen, Bob Dylan, Simon & Garfunkel, autant de noms qui surgissent lorsqu’on demande à Viviane ce qui l’a marquée musicalement. « Mais il ne faut pas non plus oublier Richard Desjardins qui a une incroyable poésie du quotidien. On retrouve souvent quatre dimensions à ses textes. Je m’inspire de ce type d’écriture. »

En plus d’avoir composé la musique du prochain film de Rafaël Ouellet (Gurov et Anna) en compagnie de son partenaire Robin-Joël Cool, Viviane effectuera la première partie des spectacles de Louis-Jean Cormier ainsi que de celui d’Isabelle Boulay lors de la prochaine édition des FrancoFolies. Puis, une rentrée montréalaise officielle est prévue cet automne. Période où l’on sera aussi en mesure d’entendre le premier EP de son projet folk anglophone Mentana (avec Cool). « Je me vois d’abord comme une communicatrice. Que ce soit à travers une chanson, un personnage, une histoire, une émotion. J’ai besoin de communiquer par la voix. Être sur une scène. Et tout ça découle de mon enfance. Aujourd’hui, je m’assume, j’aime me mettre en scène peu importe le projet et j’ai envie de faire ça encore longtemps. »