Avec la parution de Oobopopop, album au nom aussi pétillant qu’imprononçable, on découvre une version allégée de la formidable machine à groove autrefois connue sous le nom de Misteur Valaire. La bête à cinq têtes n’a pas perdu de membres, rassurez-vous, mais elle a décidé d’écourter son nom, réduit à un simple patronyme. Bienvenue chez Valaire, nouvelle incarnation d’un groupe en constante évolution.
Ce n’est qu’à la fin de notre conversation que sera abordée la question du changement de nom, qui semble avoir été l’une des décisions les moins traumatisantes de l’histoire du groupe. Lorsqu’on les questionne sur le sujet, KiloJules, Luis, Tô, France et DRouin se souviennent à peine du moment où c’est arrivé. Pas de grandes discussions, juste une envie de passer à nouvelle étape et de marquer le coup de manière subtile. Le changement dans la continuité quoi.
Mais du changement, il y en a sur ce disque funky à souhait, à commencer par la présence d’un chanteur qui pourrait presque être considéré comme un nouveau membre en règle de Valaire. Véritable légende qui a déjà partagé la scène avec Michael Jackson, Alan Prater, chanteur et musicien originaire de Floride, est bien connu des habitués du bar Dièze Onze, à Montréal, où il chante chaque semaine en compagnie du groupe The Brooks. « L’intention derrière ce disque est très simple : faire du bien à ceux qui l’écoutent, explique Luis. Les paroles sont légères et droites au but et elles collent parfaitement à la personnalité d’Alan, qui est une véritable machine à party! »
On entend d’autres voix sur le disque, celles des membres du band, Luis en tête, celles de leurs amies de toujours, Fanny Bloom et Camille Poliquin (Milk & Bone), ainsi que celles du rappeur new-yorkais Kahli Abdu et de Pierre Kwenders, invités sur l’excellente Apata Palace, une petite bombe d’afrofunk aux relents de hip-hop et de soca. Mais celle de Prater se démarque. « Auparavant, on pensait à nos invités en fonction de la chanson ; si elle avait une vibe plus rock ou plus hip-hop, on trouvait le chanteur qui lui correspondait, sans penser à créer une unité de ton », explique Luis. « C’est vrai que jusqu’ici, on n’avait jamais vraiment défini la place du vocal dans Valaire », poursuit Tô. « Avec Alan, ç’a tout de suite cliqué. Lorsqu’il a enregistré sa piste pour la première fois, il n’a même pas hésité une seconde et il a lancé « I do the Oobopopop », se souvient Jules. C’est sorti de lui avec tellement de naturel qu’on était tous estomaqués ».
« Tout le monde lance des idées et celles qui servent le mieux la chanson sont gardées. » – France, de Valaire
Lorsqu’on leur demande comment décrire le ton général du disque, ils s’en remettent au journaliste (« C’est toi le spécialiste, non ?», lance France avec un sourire malicieux), mais finissent par s’entendre sur « funky ». Inspirés par un séjour en Louisiane (« on cherchait juste une place où il fait chaud au mois de février », explique DRouin), des piles de vinyles des 70’s et de longues séances d’écoute de vieux hip-hop, le groupe a laissé le groove monter de façon organique. « Je pense que c’est notre album qui va le mieux vieillir, car c’est le plus cohérent jusqu’à maintenant », explique France.
Mais comment naissent les chansons – et la cohérence – au sein de ce groupe sans véritable leader ? Qui donne le ton ? Tout le monde et personne, semble-t-il. « Tout le monde lance des idées et celles qui servent le mieux la chanson sont gardées. Si bien qu’au final, on ne sait plus très bien qui a fait quoi », explique France. « Certains des membres du band se connaissent depuis 25 ans. Mettons que les problèmes d’égo, ça fait longtemps qu’on les a réglés ! », poursuit Drouin. « Bizarrement, on n’a pas encore trouvé de recette Valaire, mais on cherche encore », avoue pour sa part Luis. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de modus operandi chez Valaire : « La chose qui a le plus changé dans notre façon de composer au fil des ans, c’est la technologie. On se sert énormément de Dropbox », explique Tô. « Même si on est tous dans la même pièce, dès qu’un d’entre nous a un riff intéressant ou un bon sample, on le met dans le Box, précise Jules. Une fois qu’il est là, tout le monde peut s’en servir, le revisiter, le transformer. »
En pigeant dans les trésors de leur coffre à outils sonore, les gars de Valaire ont accouché de ce qui est probablement leur disque le plus organique. « On est comme un vieux couple ; y’a plein de choses qui se passent de façon naturelle, sans même qu’on ait besoin d’en parler », lance Luis. Un vieux couple peut-être, mais qui n’a visiblement, n’a rien perdu de sa passion originelle.