En cette période de transition où presque tout est remis en question, plusieurs artistes et groupes cherchent encore le meilleur moyen de se démarquer de la masse et faire valoir leur talent. Alors que les blogueurs sont devenus des antennes incontournables, de véritables défricheurs de nouveaux talents, de nombreux outils Web 2.0 (tels que YouTube, MySpace et Facebook) permettent aux artistes émergents de s’afficher aux yeux du monde entier. Malgré l’accessibilité de ces outils, la meilleure façon de se faire voir demeure pourtant la plus simple : monter sur scène devant un public. Participer à une vitrine (un concours, un festival ou un mini-spectacle quelconque) demeure, encore aujourd’hui, la solution ultime pour se faire remarquer.
Les Cowboys Fringants, Karkwa, Nicola Ciccone, Corneille, Ima, Loco Locass, La Patère Rose, Alexandre Désilets, Lynda Thalie. Voilà autant d’artistes dont le talent fut révélé à la suite d’une participation à une vitrine. Le cas Damien Robitaille mérite qu’on s’y attarde.

Subséquemment à son inscription au concours Ontario Pop, en 2003, Damien décide d’écrire ses premières chansons dans la langue de Molière. Finaliste du concours, il remporte un prix lui permettant d’étudier pendant neuf mois à l’École nationale de la chanson de Granby. Un laissez-passer en main pour les auditions du Festival international de la chanson de Granby, il impressionne la galerie et se rend à nouveau jusqu’en finale. Une fois de plus, il rafle une multitude de prix dont une participation à une vitrine lors de l’événement Contact ontarois. Après avoir donné des spectacles aux quatre coins de l’Ontario, il déménage ses pénates à Montréal, s’inscrit aux Francouvertes et remporte les grands honneurs en 2005. « C’était la consécration, le point culminant de ma carrière. Le soir même, j’ai décidé de lâcher ma job de concierge et de faire de la musique à plein temps ! Je venais d’emménager dans une ville. Je ne connaissais personne. Je me présentais seul sur scène et la foule était conquise à tous les soirs. C’était vraiment magique. Une expérience qui a changé ma vie, » raconte-t-il, un brin de nostalgie dans la voix.

Il reprend son souffle et poursuit : « Je trouve que la compétition était saine. Ça me poussait à être meilleur, ça me donnait une drive, un désir de me surpasser à chaque fois que je montais sur scène. Aujourd’hui même, lorsque j’affronte un public, je repense à mes participations à ces vitrines. Ça botte le cul et c’est un merveilleux raccourci vers une carrière musicale. »

 

Tisser des liens entre les artistes
Directrice des Francouvertes depuis 1997, Sylvie Courtemanche a vu défiler plus de 280 groupes et artistes sur scène à ce jour. Elle met l’accent sur l’importance de tisser des liens entre artistes et gens du milieu. « Même si les individus ne gagnent pas, ils nous remercient à tout coup parce qu’ils font souvent des rencontres déterminantes. L’aspect compétitif est là, c’est certain, mais il ne faut pas oublier que beaucoup de belles rencontres artistiques peuvent avoir lieu. Des alliances entre les artistes peuvent naître et mener loin, » avance-t-elle.

Ayant participé au concours Cégeps en Spectacle, les Découvertes de la Chanson de Magog et le Festival en chanson de Petite-Vallée, Pépé se consacre à la musique à temps plein depuis maintenant huit ans. Lui aussi est nostalgique lorsqu’il repense à ses premiers pas devant public. Il soulève l’importance cruciale de se créer des contacts. « J’arrivais d’un milieu qui n’avait rien d’artistique et je n’avais aucun contact. Pour moi, c’était le seul moyen de me faire remarquer par des gens influents du milieu musical. Et ça a fonctionné. En participant à ces vitrines, tu peux ensuite répondre à cette question : suis-je en mesure d’élargir mon public, de toucher du monde à part les gens qui m’aiment ? »

 

Rêve ou réalité ?
De son côté, David Bussières d’Alfa Rococo estime que le but de sa participation aux Francouvertes 2006 (la toute première expérience scénique de son groupe) se résumait à découvrir si sa collègue (Justine Laberge) et lui étaient faits pour le métier. « On voulait monter nos chansons avec un band. On voulait voir à quoi ça ressemblait live. Et puis, en bout de ligne, on voulait savoir si on était capable de jouer devant un public. On nous offrait une belle scène, beaucoup de gens dans la salle. Ça nous donnait une image de ce que les choses pouvaient devenir éventuellement, » avance-t-il.

Pépé renchérit : « Lorsque tu es jeune et que tu te retrouves seul sur scène devant un public, tu constates que ton rêve peut être réalisable. Ces expériences sont un test ultime. C’est bien beau rêver, mais certains vomissent à l’idée de chanter devant un public. Participer à des vitrines te permet de voir si une carrière en musique est une chose réaliste. Tu découvres si tu rêves ou si tu es vraiment fait pour ce métier. »

Grand manitou du concours Ma première Place des Arts depuis 2000, François Guy a une vision similaire. Il prend le temps de rencontrer chaque individu pour faire le point. « Il faut comprendre que c’est un métier, pas un rêve. Oui, il faut rêver dans la vie, mais pour réaliser ses rêves, il faut être bien éveillé ! Je veux savoir où l’artiste est rendu dans son cheminement, ce qu’il veut faire, ce qu’il veut atteindre comme objectifs. Il faut lui donner l’heure juste et lui faire comprendre dans quoi il s’embarque. Qu’il sache que c’est un métier. Veut-il vraiment gagner sa vie ou guérir d’une peine d’amour avec ses chansons ? Souhaite-il quitter un emploi assuré pour quelque chose d’incertain ? Ça prend des rencontres brutalement honnêtes. Certains n’acceptent pas ce que je leur dis, mais ce n’est que mon avis après 45 ans dans le milieu. »

François Guy conseille aussi d’être âgé de moins de 30 ans pour s’inscrire à des concours et des vitrines. « Il faut être jeune pour faire ça parce que c’est à ce moment-là qu’on a le plus de disponibilité et le moins d’obligations et de contraintes. C’est le temps d’essayer ! Si vous n’avez pas percé avant 30 ans, vos chances seront beaucoup plus difficiles. »

 

Le cadeau le plus précieux

En moyenne, entre 250 et 280 artistes s’inscrivent annuellement aux Francouvertes. Tous reçoivent des commentaires. La grande patronne du populaire concours considère que remettre des commentaires en mains propres aux artistes demeure un exercice extrêmement bénéfique, un véritable cadeau pour chacun d’entre eux. « La plupart des artistes veulent savoir ce que les gens pensent d’eux, ce qu’ils aiment et n’aiment pas. Après une prestation, si un élément revient inlassablement, ça indique qu’un aspect reste à travailler. »

Comme l’explique François Guy, les prix ultimes pour la plupart des participants à de telles vitrines demeurent la visibilité ainsi que les critiques offertes par les spécialistes et les gens du milieu musical. « Les artistes souhaitent à tout prix avoir un retour sur ce qu’ils font. C’est leur motivation principale. Ils veulent des commentaires, mais ils veulent aussi avoir une scène et un public, autre que leur famille. Ils ne s’inscrivent pas nécessairement pour la compétition. Oui, il y a des prix et ils sont alléchants pour plusieurs, mais on cherche à tout prix à s’exprimer sur scène ! »

Choisir la bonne vitrine
Si la plupart des festivals et concours ont nettement évolué au fil des ans, qu’ils offrent aujourd’hui un environnement professionnel, de l’équipement à la fine pointe de la technologie et des gens à la barre de ces événements plus ouverts d’esprit que jamais, choisir la bonne vitrine pour un artiste débutant peut s’avérer crucial dans le développement de sa carrière. David Bussières a une opinion bien arrêtée sur le sujet. « Je ne recommande pas de participer à n’importe quel concours ou festival. Certains sont extrêmement mal foutus, mal organisés. À la limite, ils sont nuisibles à la carrière d’un groupe ou d’un artiste. Je connais des gens très déçus d’avoir participé à certaines vitrines. Ce fut une grosse claque sur la gueule. Il faut faire très attention. Ce qui flashe n’est pas nécessairement la meilleure chose. Avant de s’inscrire à une vitrine, il est primordial de savoir si elle s’adresse à nous. Chaque concours a ses spécificités et il est obligatoire de bien les connaître. » Nous voilà avertis.