Groupe à géométrie variable (et au nom tout aussi changeant), le Thee Silver Mt. Zion Memorial Orchestra effectue ses premiers pas en 1999. C’est en janvier dernier que l’imprévisible clan faisait paraître un septième album complet, Fuck Off Get Free We Pour Light On Everything. Dense, urgent, furieusement échevelé (particulièrement sur « Austerity Blues ») et dédié en partie à la ville de Montréal, l’assaut sonique surprend l’auditeur lors de la première écoute.

Auteur des textes (souvent fortement politisés) de la brigade Mt. Zion, Efrim Menuck (guitares, piano, voix) croit détenir la clé de l’énigme : « Nous sommes un quintette depuis maintenant six ans. C’est la première fois que nous écrivons des chansons pour un album dans un format quintette. Ce n’était pas comme ça pour les autres albums. Je crois que le fait d’avoir écrit ces chansons avec un plus petit nombre d’individus a contribué à l’effet vital et énergique que l’on retrouve sur ce disque. Également, on a beaucoup joué live au cours des dernières années. Être constamment sur la route a certainement déteint sur ce disque. »

« Il n’y a plus de styles de composition. On a abattu les barrières. Tous les musiciens de la terre ont une palette incroyable à leur disposition. »

Avec ses éléments blues, métal et garage, le nouvel opus s’éloigne de plus en plus des fondements post-rock de la bande, un terme que Menuck ne peut blairer. « En réalité, nos racines sont punk-rock! Ce que l’on cultive est une saine méfiance de tout ce qui n’est pas local. Dès qu’un doute croise notre esprit, on dit non. C’est aussi simple que ça. Même si on peut parfois paraître rudes aux yeux des gens, c’est simplement qu’on est timides et suspicieux, » laisse-t-il tomber.

Complété par Thierry Amar (basse, contrebasse, voix), Sophie Trudeau (violon, voix), Jessica Moss (violon, voix) et David Payant (batterie, voix), le quintette élabore ses longs et sombres morceaux de manière très démocratique. Menuck : « C’est ce qu’il faut retenir. Ça débute avec un riff, une ligne mélodique ou simplement une poignée d’accords qui peuvent provenir d’un jam et on démarre avec ces fondations. Ça peut venir de n’importe qui. Puis, on passe beaucoup de temps à trouver un segment de musique simple et à édifier autant de variations que l’on peut imaginer jusqu’à ce qu’on arrive avec une chanson d’une quarantaine de minutes. Par la suite, on coupe afin d’obtenir une pièce d’une durée plus raisonnable. On discute des arrangements en groupe. Parfois, un individu aura une opinion forte et tentera d’imposer sa vision. Puis, les trois joueurs de cordes (Thierry, Jessica et Sophie) apportent parfois un aspect “musique de chambre” à ce qui est produit. La musique vient toujours en premier lieu. C’est incontournable. Lorsqu’on arrive à un point où la pièce instrumentale tient la route, je m’assois et je tente de trouver des mots qui appuient le tout. »

Si plus de la moitié des membres du groupe (Menuck, Amar et Trudeau) se joignent également aux rangs de Godspeed You! Black Emperor sur une base régulière, tous les cinq sont musiciens à plein temps. Vies de débauche et de rock stars? Pas tout à fait. « On est chanceux parce qu’on travaille avec les mêmes gens en qui on a confiance depuis nos débuts et ce sont des amis. Essentiellement, on gagne notre vie en étant sur la route, mais tout le monde est sur la route de nos jours et la compétition est féroce. On aime ce qu’on fait et je crois qu’il est important de penser petit (think small). Nous n’avons pas de manager. Nous ne faisons pas de tournées extravagantes. On fait tout nous-mêmes. L’approche est très artisanale, nous gardons les coûts bas et tranchons la petite tarte en peu de morceaux. Tout ce qu’on tente de faire est de gagner nos vies honorablement. Et c’est dur. Ça devient de plus en plus difficile. Parfois, je songe à quitter le milieu musical pour faire autre chose, mais je fais ça depuis 20 ans. À cette étape de ma vie, je ne sais pas ce que je pourrais faire d’autre. Sur mon curriculum vitae, c’est indiqué “musicien” et c’est tout, » avoue Menuck, un brin penaud.

La locomotive Mt. Zion poursuit son chemin jusqu’à l’automne. L’amateur de guitares incisives et de violons tonitruants était heureux d’apprendre la parution d’un EP en mai, puis d’un autre au cours de l’année. Et toujours pas question de céder aux compromis. « En 2014, il n’y a plus de styles de composition. On a abattu les barrières. Tous les musiciens de la terre ont une palette incroyable à leur disposition. Ils peuvent faire de la musique librement sans avoir le sentiment de faire une déclaration profonde et formelle. C’est l’une des bonnes raisons de faire de la musique de nos jours. On peut faire ce que l’on veut. Lorsqu’on roule sa bosse dans ce milieu depuis de nombreuses années, comme nous, on a besoin de se trouver une piste pour nous motiver à poursuivre. »