ThaisAu cœur de la deuxième partie de sa vingtaine, la jeune Thaïs regarde droit devant et place les morceaux de sa vie dans un équilibre parfait. Habituée de vivre la peur qui mène à la fierté, convaincue que la peine s’échappe plus vite à travers la danse que dans l’apitoiement, elle présente un album complet tout en finesse qui nous permet de regarder les deux côtés de la médaille sans avoir à la retourner à mi-chemin. Ce 7 octobre, elle colle tous les morceaux : L’Acte 1 et l’Acte 2 de Tout est parfait deviennent un tout, son premier long-jeu.

« Quand je suis heureuse, je pleure. Quand je suis triste, je pleure, avoue d’emblée Thaïs. J’aime beaucoup les contradictions et mon projet, c’est un peu une déclaration du genre : OK, c’est triste, mais on va danser. » Collectionnant dans ses notes de téléphone, des débuts de chansons comme des brouillons sur lesquels il faudra inévitablement repasser, l’autrice-compositrice-interprète se sent bien dans cette spontanéité. « Il y aura toujours de la solitude et de la mélancolie dans ce que je fais, mais je me sens en contrôle, bien dans ma vie », complète-t-elle.

La première étape de Tout est parfait est née lors d’une bulle de création avec Renaud Bastien au cœur de la pandémie. « J’aime beaucoup enregistrer de mon côté les premières maquettes et avec Renaud, avec qui j’ai coréalisé l’album, c’est plus facile d’exprimer ce que je veux ensuite. » Dans ce travail de réalisation à deux, la jeune autrice-compositrice-interprète ressent le besoin de tenir les morceaux ensemble elle-même, pour être certaine que rien ne s’échappe.

« En tant que femme, je trouve ça important de le revendiquer, dit-elle. De confirmer que je suis en mesure de faire les choses. En réalisant à deux, ça permet quand même de donner un peu d’air à ma musique, de laisser respirer mes chansons dans les mains de quelqu’un d’autre. »

Le mode créatif de Thaïs se déclenche souvent dans la solitude : « je pianote sur mon clavier et je m’amuse avec Logic. J’esquisse des beats sans savoir ce que ça deviendra. J’écoute longuement des chansons qui m’obsèdent et je pars de ce que j’aime de ces chansons pour faire les miennes, c’est comme décalquer un dessin pour en faire un autre tout neuf avec un coup de crayon différent. Ça devient presque un exercice. »

Les relations humaines, la famille, les ruptures sont centrales dans son projet, mais c’est présenté comme une grande fresque difficile à décrypter. « Au final, je suis très pudique, admet-elle. On comprend des choses si on se donne la peine de regarder de près. » Il est très important pour elle de placer l’imagination au cœur de l’affaire, pas seulement son pouvoir de générer des idées, mais également le nôtre.

« On peut se questionner, imaginer, philosopher sur Tout est parfait, lance Thaïs. Je célèbre mes 27 ans cet automne et je me demande souvent tout ce que j’ai fait du temps que j’ai perdu. Et est-il réellement perdu, ce temps? Je veux savoir si j’ai bien géré mon temps sur Terre jusqu’à présent. » Ce n’est pas léger comme questionnement ! « Je sais, rigole Thaïs. C’est intense, mais je suis beaucoup moins rabat-joie qu’avant. Je vais creux dans ce qui me dérange pour en ressortir avec quelque chose qui me fait sentir bien. »

Une fois les chansons terminées, les 2 actes se sont présentés à l’équipe comme une évidence : « quelque chose de joyeux et dansant dans l’Acte 1 et la mélancolie de l’automne et la tranquillité dans l’Acte 2 ». C’est aussi pour faire durer le plaisir que tout s’est décliné ainsi. « On travaille tellement fort sur les chansons. On veut que le plaisir dure le plus longtemps possible », dit Thaïs.

Elle perçoit la chanson Banksy comme « un pont entre maintenant et plus tard ». « C’est pas la plus radiophonique ni celle qui fait le plus danser, mais je démarre mes shows avec elle parce que c’est un peu un portrait de qui je suis aujourd’hui. »

En spectacle, justement, elle explore les formules diverses. Jérémie Essiambre se joint régulièrement à elle pour un spectacle en formule duo. Antoine Perreault se joint parfois à eux à la guitare. Sur l’album, on peut également entendre des cordes exécutées par Eugénie Lalonde et Camille Poirier-Vachon. « C’est super émouvant d’entendre ça. J’avais joué les lignes de cordes avec mon clavier, mais la dimension que ça prend quand tu vois ça en chair et en os, c’est magique. »

Avec ce seul premier album en poche, elle part déjà découvrir l’Europe en première partie des spectacles de Cœur de pirate. « J’ai l’impression d’avoir beaucoup de chance entre les mains et souvent, ça me déstabilise, mais je fais toujours tout dans la joie, explique la chanteuse. Je parle des spectacles en Europe comme si c’était super normal, mais je suis toujours un peu en train de me pincer. »