C’est l’histoire d’un groupe qui n’aurait pas dû exister au-delà de son premier concert. Formé à l’occasion d’un show hommage au guitariste de surf-rock japonais Takeshi Terauchi dans le cadre du festival psychédélique Distorsion en 2018, TEKE::TEKE est passé de trip éphémère à l’un des groupes les plus uniques de la scène montréalaise et il s’apprête à lancer son premier album.

TEKE::TEKEÀ l’origine du projet, Serge Nakauchi Pelletier, ex-Pawa Up First et prolifique compositeur de musique à l’image, ne se doutait pas qu’il venait d’accoucher de son nouveau groupe. « Ce n’est pas une blague, je ne croyais vraiment pas qu’on irait plus loin que ce show-là, mais on a senti une telle chimie entre les musiciens et on a eu une si bonne réaction du public qu’on a décidé de continuer pour voir où ça nous mènerait. » Très vite, TEKE::TEKE (où jouent également le guitariste Hidetaka Yoneyama, le bassiste Mishka Stein, le batteur Ian Lettre, le tromboniste Étienne Lebel et la flûtiste Yuki Isami) passe à la vitesse supérieure et s’enrichit d’une chanteuse, l’incandescente Maya Kuroki, issue du monde du théâtre et de la performance.

Le groupe commence à travailler sur ses propres compositions, mais continue d’intégrer des pièces de Takeshi Terauchi à son répertoire. Figure de proue du courant Eleki (« électrique », en japonais), variante locale du surf rock fortement influencé par les mythiques Ventures, Terauchi demeure une influence, mais le groupe fait éclater les genres, mélangeant jams psychédéliques, riffs punk et mélodies japonaises traditionnelles, tout en puisant chez d’autres expérimentateurs de la pop, comme les Brésiliens de Os Mutantes.

Élevé dans une maison où les disques des Beatles jouaient en alternance avec ceux de la chanteuse populaire Miyuki Nakajima (dont il possède toujours les vinyles), Nakauchi Pelletier était l’homme tout désigné pour piloter cet étonnant hybride musical. « La musique japonaise a toujours fait partie de ma vie, précise-t-il. Je suis vraiment le fruit d’un mélange de cultures et je ne me suis jamais senti vraiment Japonais ni complètement Québécois. Quand j’étais plus jeune, c’était plutôt un combat intérieur pour trouver mon identité, mais aujourd’hui, je comprends que c’est une richesse. »

Son groupe multiethnique est d’ailleurs à l’image de ce brassage des cultures. « Ce qui est génial, ce sont les approches différentes que chacun apporte: Étienne est un fou de musique bulgare, Mishka compose en jouant des accords sur sa basse comme s’il s’agissait d’une guitare et Yuki a une formation classique… le seul fait de jouer les uns avec les autres nous fait découvrir de nouvelles dimensions musicales. »

À l’été 2019, le groupe s’enferme au studio Machines With Magnets à Pawtucket, Rhode Island, pour enregistrer ce qui allait devenir, deux ans plus tard, leur premier album, qui devrait paraître cet été. « On arrive très préparés en studio alors on travaille assez rapidement, parfois en une seule prise, explique Serge. Mais on se laisse aussi de la place pour expérimenter. Ce groupe a complètement changé ma façon de composer : j’étais assez rigide avant, mais là, je laisse tout le monde embarquer et ajouter ses touches. Il arrive qu’on dynamite la structure pour la reconstruire ensemble et ça devient quelque chose que je n’aurais jamais imaginé. C’est d’ailleurs le thème principal de l’album : la destruction positive. »

La pandémie a considérablement ralenti leurs plans, mais les membres de TEKE::TEKE ont eu le temps d’approcher différents labels, ce qui explique qu’ils viennent de lancer une chanson pour le Singles Club du mythique label de Seattle Sub Pop, mais que l’album, qui paraîtra dans quelques mois, paraîtra chez Kill Rock Stars.

« Ce sont des amis de Vancouver, membres du groupe math-rock Mi’ens, qui ont parlé de nous, nous ont présentés, et on s’est vraiment bien entendu avec eux. C’est un petit label, vraiment à échelle humaine et j’ai un attachement personnel car ils ont lancé l’un de mes groupes préférés, Unwound. Et puis ils ont aussi été la maison d’Elliott Smith et de Sleater Kinney, c’est pas rien ! J’avoue que lorsque j’ai vu la petite étoile de leur logo sur le visuel de la pochette, j’ai eu un petit frisson. »