Chaque fois que la chanteuse R&B, originaire de Toronto, et qui a grandi à Edmonton, Tanika Charles écrit et enregistre une nouvelle chanson, elle se tourne vers son critique le plus fiable, son père Lennard.

« Mon père est génial », dit Charles, dont le deuxième album The Gumption  (2019) a donné un élan considérable à l’auteure-compositrice-interprète désormais basée à Toronto. « Il m’a tellement appris. Et, vous savez, je n’oublierai jamais que lorsque j’ai commencé à chanter, il m’a dit : “Je ne te demande qu’une chose : articule… assure-toi que les gens comprennent ce que tu dis, et assure-toi que ton histoire soit vraie et pure.” Et c’est ce que je fais depuis ce jour. »

Lennard s’est avéré très utile quand est venu le temps de fournir ses commentaires sur certains des mixes du nouvel album de sa fille , Papillon de Nuit: The Night Butterfly.

« Il y a une chanson qui s’appelle Frustrated et elle porte bien son titre, parce qu’on a dû en faire 4 ou 5 versions, je pense », raconte la chanteuse. « J’envoyais un mix à mon papa et il disait “nope, ce n’est pas tout à fait ça. Nope. C’est pas encore tout à fait ça. Désolé, Tanika. Non et non.” En fin de compte, j’ai décidé qu’on allait placer la basse par-là, faire ceci et faire cela. On l’a mixée, envoyée à mon père et il a finalement répondu “c’est en plein ça!”  Ç’a pris cinq versions avant d’avoir son aval, et chaque fois, j’apportais ces changements avec les larmes aux yeux parce que ça ne frappait pas aussi fort que je le souhaitais. »

Tanika admet volontiers être sa pire critique et si on ajoute ça aux malheurs apportés par la pandémie et la dépression, on comprend qu’il s’agit de son « album le plus difficile à créer ».

« Non seulement on l’a créé à distance, mais l’inspiration et la motivation n’y étaient pas », admet-elle. « C’était une période très sombre. Après n’avoir rien fait à part manger – aucun spectacle, aucune occasion de chanter – ç’a été incroyablement difficile de créer cet album. J’en arrachais avec ma voix. Je ne me sentais pas en confiance. Je n’arrivais pas à trouver le son que je voulais. Pendant le confinement, j’écoutais Yebba, qui est mon artiste préféré bien sûr, et Moses Sumney, bref des chanteurs incroyablement puissants. Je ne me sentais pas à la hauteur. J’ai vraiment eu de la difficulté avec cet album. »

« L’inspiration et la motivation n’y étaient pas »

« Je voulais que mon troisième album soit rempli de passion et d’honnêteté, mais je n’arrivais pas à me trouver moi-même. Finalement, quand l’album a été terminé, je suis sortie de cette noirceur et je me suis sentie plus forte et plus lumineuse et vibrante, principalement parce que j’ai accompli quelque chose pendant une période aussi difficile. J’essaie constamment de m’améliorer vocalement et spirituellement. En tant qu’artistes, on se doit de reconnaître qu’on fournit un travail considérable et qu’on doit être fiers des étapes que nous avons franchies. »

Tanika Charles a de quoi être fière de Papillon de Nuit : The Night Butterfly: on y retrouve 11 pièces de R&B classique et contemporain regorgeant de soul, dont notamment la « groovy » « Different Morning » mettant en vedette le rappeur en pleine ascension DijahSB, un duo funky avec la chanteuse soul/gospel Khari McClelland et une coterie de producteurs et de partenaires d’écriture comprenant Scott McCannell, Ben MacDonald et Chino de Villa à la production, et Robert Bolton et Tafari Anthony à l’écriture.

Surfer sur les synchronisations

Les téléspectateurs se souviendront sans doute de Tanika Charles pour son rôle récurrent dans la série Bomb Girls de Global, mais elle a également vu plusieurs de ses chansons dans d’autres émissions au petit écran : Less Than Kind (HBO), Rookie Blue (ABC), Seed (The CW), Saving Hope (CTV) et les « sitcoms » de la CBC Kim’s Convenience et Workin’ Moms, en plus d’une publicité nationale de PFK. Comment fait-elle? Elle attribue le mérite à son label et éditeur Record Kicks, basé à Milan. « J’ai pu partir en tournée parce qu’ils ont diffusé ma musique dans toute l’Europe, et l’ont mise en contact avec des stations, des émissions de télévision et des endroits auxquels je n’aurais jamais eu accès en tant qu’artiste canadienne », explique l’artiste. Elle remercie également le regretté superviseur musical Dave Hayman pour tous ces placements : « Dave a joué un rôle crucial dans ma carrière et il m’a soutenue depuis le premier jour en me mettant en contact avec toutes ces opportunités. »

« Je préfère collaborer avec d’autres créateurs », affirme-t-elle. « Quand il est question d’écriture de chansons, il y a des gens qui sont bien plus prolifiques que moi. C’est leur métier. Moi, je dois réellement vivre une expérience pour écrire une bonne chanson sur ce sujet. Et lorsque j’écris avec d’autres personnes – avec Robert Bolton et Tafari Anthony – ils comprennent d’où je viens. On recevait de la musique et j’exprimais ce que cette chanson en particulier me fait ressentir. Je gribouillais quelques mots et on élaborait à partir de ça. »

L’un d’entre eux se démarque particulièrement : « Paintbrush and A Palette », une pièce funky à saveur 70 s avec un texte léger. « C’est la première chanson qu’on a écrite pour cet album », confie-t-elle. « Je l’adore parce qu’elle est lumineuse et amusante et il y a quelque chose d’unique dans sa structure. J’ai l’habitude d’écrire des chansons tristes sur des relations qui s’effondrent, mais celle-ci nous a donné l’occasion de faire quelque chose d’amusant. Celle-là, je l’ai écrite avec Robert Bolton et Todd “HiFiLo” Pentney. On voulait écrire un truc dans le genre de D’Angelo. »

Bien qu’on ne sache pas encore comment Papillon De Nuit : The Night Butterfly performera dans les yeux et les oreilles du public, Tanika Charles a connu un franc succès avec ses deux premiers albums – Soul Run et The Gumption – qui ont été sur la longue liste des finalistes du Prix de musique Polaris et elle dit avoir surmonté sa timidité en matière d’autopromotion.

« J’apprends maintenant à accepter de dire, “Hé, c’est moi qui chante ça”, ou “Vous pouvez écouter cette chanson ici”, ou “Écoutez cet album”. Je peux honnêtement dire que je suis assez fière de celui-ci. »