Super PlageL’album est prêt depuis quasiment un an, mais Super Plage a bien choisi son moment : paru le 31 mars dernier, Magie à minuit est le premier album québécois de l’été 2023. C’est écrit noir sur rose dans sa courte bio affichée sur sa page Bandcamp : « Fuck l’hiver ». Dix petits bonbons pop-dance qu’on a envie de jouer en boucle jusqu’à ce qu’on puisse enfin aménager le balcon, qui propose des textes « un peu plus personnels, cette fois », avance l’auteur-compositeur-interprète Jules Henry. « C’est un album un peu plus intime et posé, tout en restant léger et cabotin. »

En apparence, Magie à minuit se distingue de ses précédents albums par le nombre de collaborations. Jules est un type qui a le don de bien savoir s’entourer : sur ses trois premiers projets – Super Plage (2020), Super Plage II (2020) et Électro-vacances (2021) -, la majorité des chansons étaient interprétées en duo. Sur ce nouvel album, seules quatre des dix chansons bénéficient de chanteurs et chanteuses invitées. « Peut-être parce que cet album s’est fait dans un contexte plus confiné que les autres ?, suggère Jules. Dans le temps des fêtes 2021, on ne faisait pas le party trop trop… J’ai eu moins d’occasions de voir les amis durant la période de création de l’album. Cela dit, c’est pourtant l’album qui inclut le plus de musiciens invités – Mélanie Venditti [qui chante sur Super Plage II], joue de l’alto et du thérémine sur l’album. »

Le trio Le Couleur, qui participait à la chanson Touristes sur Électro-vacances, est de retour sur une chanson intitulée Rue Dandurand, qui se démarque en raison de son tempo particulièrement soutenu. « C’est une succession de hasards qui a mené à cette chanson, explique Jules Henry. Je la voulais vraiment dancefloor, j’avais trouvé ce gros kick vraiment sale, mais finalement, c’est drôle, les accords que j’ai trouvés pour mettre sur le rythme m’ont dirigé vers une tout autre direction », pop mais festive puisque le titre réfère à la rue où se trouve le studio du musicien, un espace qu’il partage avec les membres de Le Couleur. « Un bel espace de coworking – on y travaille fort le jour et fête fort la nuit ! »

Super Plage, NYE

Cliquez sur l’image pour faire jouer la vidéo « NYE » de Super Plage

« Tu sais, j’ai écouté beaucoup de Georges Brassens, Georges Moustaki et Nana Mouskouri dans ma vie ; je trouve que Rue Dandurand est à la fois une toune de club et une chanson française qui se développe sur plusieurs couplets. » C’est toute la particularité du projet : Jules Henry fait de la pop dansante qui, dans un monde idéal, tournerait jusqu’à plus soif sur les ondes radio commerciales, mais se revendique avant tout de la grande tradition de la chanson francophone.

« Ça fait à peine dix ans que j’ai découvert ce qu’était l’enregistrement », avoue Henry. « Avant tout ça, avant le studio, les ordinateurs, il y avait les chansons que je composais à la guitare, et c’est l’approche que j’ai conservée. Ce que je fais, je le vois comme des chansons – mais au lieu de l’accompagner des guitares et de batterie, j’y mets des synthés et des percussions électroniques. Parfois, mes compositions sont relativement minimalistes sur le plan du texte, mais je trouve que ça laisse beaucoup place à l’imagination », c’est le cas pour des chansons comme +1 (avec Meggie Lennon et Virginie B), NYE, Safespace et Attraction, qui se résume à deux ou trois strophes seulement.

Au fil des parutions, Jules Henry s’est creusé un confortable moule : jamais plus d’une dizaine de chansons par projet, jamais plus d’une trentaine de minutes de grooves au total. Il en compose toujours plus que nécessaire : « À chaque fois que je travaille sur un album, je coupe des chansons – pas juste parce qu’il y en a trop, mais parce que je considère que j’en fais beaucoup de mauvaises  ! Après, le streaming pourrait me donner l’opportunité d’explorer différents formats. Je pourrais me dire : OK, cette année, je lancerai trois EP de trois chansons, et l’année suivante, un album double de 25 chansons. Sauf que je crois que les EPs ont tendance à passer dans le beurre, et avec les albums doubles, c’est ben rare que les gens se rendent à la 25e chanson. C’est trop facile de sauter celles qui nous accrochent moins ; je me dis qu’avec dix chansons sur une demi-heure, les gens vont écouter ça au complet. »

Et comment distingues-tu une bonne d’une mauvaise chanson? « Ah, ça… D’abord, je suis moi-même mon premier auditeur, élabore Jules. Je me demande en la réécoutant : Ça, ça me fait plaisir ou pas ? Ensuite, je fais entendre mes démos à mes collaborateurs et amis proches. Je suis capable de reconnaître leur enthousiasme à propos d’une chanson, alors, je me fie autant à leur avis qu’au mien. Y’en a parmi eux que je sais très sévères et qu’un seul sourire de leur part aura beaucoup de valeur à mes yeux, alors que d’autres seront plus indulgents et vont trop aimer ça, alors je prends leur avis avec un grain de sel. Ma mère va toujours aimer ce que je fais, je ne lui demanderai pas quelle chanson je devrais couper de l’album ! »