Nano Talrose a toujours utilisé la musique comme outil pour exprimer ses émotions les plus profondes. Pendant notre entretien Zoom depuis un studio d’enregistrement de London, en Ontario, il s’arrête un instant pour réfléchir à la manière d’exprimer correctement la valeur thérapeutique qu’il trouve dans la création musicale : « La musique me permet de m’exprimer d’une façon que je ne serais pas capable juste en jasant avec un ami. »

Jusqu’à maintenant, la plupart de ses méditations se sont transformées en ballades pop douces et réfléchies, mais en travaillant sur son premier EP, qui parle d’une turbulente relation désormais derrière lui, il a commencé à prendre de nouveaux risques créatifs pour exprimer la complexité de ses émotions. Le résultat se traduit donc par un son un peu plus audacieux et rock.

Talrose a toujours été intéressé par le côté plus rock de la pop, et ses artistes préférés sont Olivia Rodrigo et M83 – même si ses premières parutions étaient de douces chansons d’amour. En parallèle avec son emploi dans le secteur bancaire, il écrit de la musique dans ses temps libres pour faire face aux moments émotionnels de la vie. Son premier simple, « Stay Quiet », sorti en 2019, était une ballade minimaliste voix-guitare. Les sons ont peut-être quelque peu changé, mais ses textes personnels et émotifs et sa voix expressive sont restés les mêmes.

Les dernières années ont été une période de transition pour l’auteur-compositeur-interprète. Il a quitté son emploi et utilisé ses trois années d’économies afin de poursuivre son rêve de vedette pop à plein temps. Il a quitté Niagara pour s’établir à London et a tissé des liens avec la communauté musicale de l’endroit. Il a éventuellement fait la connaissance d’un batteur, d’un bassiste et d’un guitariste avec qui il a bâti un partenariat créatif qui l’a incité à prendre de nouveaux risques, musicalement. Talrose se réunit une fois par semaine avec le guitariste Hayden Dyson afin d’enregistrer des démos et donner forme à ses idées. « J’adore travailler avec lui parce qu’il m’aide à expérimenter avec des éléments plus rock », explique Talrose. « Il “shred”, c’est un excellent guitariste. »

Cette façon de faire semble porter ses fruits. Au début de 2022, Talrose a été brièvement interviewé à l’émission eTalk de CTV, qui l’a qualifié de « vedette montante à surveiller cette année ». À cette fin, Talrose et Dyson ont travaillé ensemble sur le prochain EP, qui racontera l’histoire d’une relation fluctuante dans laquelle il était de 2017 à 2021, et les montagnes russes d’émotions qu’il a vécues. Talrose souhaite que son EP suive la trame narrative d’une histoire d’amour, de la lune de miel à la déchirante fin. Son travail avec de nouvelles sonorités lui a permis de s’exprimer : « J’ai plus d’options quant aux genres que je peux utiliser », explique l’artiste.

L’an dernier, il a lancé plusieurs simples coécrits avec le producteur Damian Birdsey. Talrose a écrit « Strangers » en 2020 à propos d’un chagrin qu’il a vécu, mais un an plus tard, il l’a remaniée et lancée sous une forme plus dansante. En octobre 2021, il a sorti son plus récent simple, « Falling Deeper » qui raconte un plongeon tête première dans une nouvelle relation amoureuse. Sa voix s’accorde bien avec la nouvelle instrumentation, alors que la batterie syncopée et les cordes de guitare proéminentes donnent à la chanson une plus grande intensité.

Talrose a beaucoup évolué en peu de temps : il a trouvé sa voix en travaillant sur son EP, ce qui lui a aussi permis de trouver la rock vedette qui sommeille en lui. « C’est super satisfaisant de laisser sortir ce côté de moi », conclut-il.



Claudia Bouvette Qui refuserait d’entrer au Paradise Club? Un endroit de liberté, d’émancipation et de prise de parole franche. Au fil des dernières années, on a rencontré Claudia Bouvette comme musicienne, chanteuse et comédienne. La télé-réalité s’est également placée sur son chemin, mais la version d’elle-même qui reviendra toujours, plus forte que les autres, c’est celle qui fait de la musique. Le premier amour de la jeune femme prend ainsi toute la place avec la parution de son premier album complet The Paradise Club.

Au-delà d’un album d’amours déchus contemporains, le premier long-jeu de Claudia Bouvette est une grande prise de position. « C’est tellement un projet personnel, annonce d’ores et déjà Claudia Bouvette. J’ai envie de partager avec le monde entier cet état de soulagement qui est arrivé avec mes chansons et mon album. » À travers chaque histoire et chaque couplet, ce qui ressort le plus, pour elle, c’est que « ça va vraiment être correct, peu importe la situation de marde dans laquelle tu te retrouves ». Musicalement, elle prend néanmoins soin d’inclure le rythme : « Les thèmes et les sujets sont tristous, mais la musique en soi est plus relevée. Je ne pourrai jamais me cacher de mon thème récurrent : dénoncer les comportements des dégueus. Mais j’essaie de le faire dans une vibe qui contient un peu de positif », dit-elle en ricanant.

Alignée sur cette pression constante qu’on met sur les femmes et sur la performance qu’elles doivent livrer, elle encourage un laisser-aller authentique, une envie de mettre la vie sur pause pour choisir ce qui nous convient le mieux. « On se fait dire qu’on doit pouvoir tout faire en même temps, autant comme femme que comme artiste musicienne. On devient mélangée et on ne sait pas par où commencer. Ça devient déprimant parce qu’il y a de bonnes chances que tu ne puisses pas y arriver, à tenir le monde au bout de tes bras. »

Ambitieuse, elle sait aujourd’hui ce qu’elle vaut et les textes de ses chansons sont calqués sur ce désir de montrer la voie qui n’est pas parfaite, mais qui mène à l’accomplissement complet de soi quand même. « Tu ne peux pas aller bien loin quand tu ne sais pas par où commencer, dit-elle. Ça m’est arrivé. J’étais super mal, mais c’est fou comment le temps fait bien les choses et comment prendre une pause peut permettre d’aller plus vite après. »

Pour elle, la création commence par les accords de synthé et quelques onomatopées, qui permettent à la phonétique de prendre toute la place. « Ce qui est malade, c’est que des mots et des phrases se créent d’eux-mêmes de cette façon-là, grâce à des mots qui n’existent pas vraiment, explique l’artiste. Je construis autour de ça. Je finis toujours par le texte et je vais peaufiner les tournures de phrases avec Connor puisqu’il est anglophone. »

Celui dont le nom est sur toutes lèvres ces jours-ci, Connor Seidel, a co-écrit et co-réalisé The Paradise Club avec l’autrice-compositrice-interprète. Choisi par bon nombre d’artistes pour l’aide à la réalisation, Seidel sait placer son talent là où c’est nécessaire en laissant se déployer toute la grandeur de la compétence devant lui. Claudia Bouvette est ainsi capitaine de son Club, en pleine possession de ses paroles et de son son. « Connor et moi, on se connait depuis plusieurs années. On a fait mon premier EP ensemble. Il m’a donné l’espace nécessaire pour m’exprimer et me faire confiance, raconte Claudia. Je suis très instinctive, mais ça m’amène de l’insécurité.  Son humilité, ça me permet d’accéder à des portes de créativité. »

Après que les chansons eurent été écrites, le travail a été long et minutieux, autant en studio qu’à la maison. « Je faisais beaucoup de travail dans ma chambre, toute seule. Puis on a créé des univers ensemble. Il y a quelque chose de très organique dans notre affaire, mentionne-t-elle. Je suis très picky, mais aussi easy going. J’aime me laisser surprendre par des sons que je n’aurais pas pensé sélectionner. Ça donne un résultat super décomplexé. »

Mêlant allègrement les langues, le français et l’anglais, elle se sent pourtant plus solide en anglais, même si ce qui l’anime encore davantage, c’est l’éventail de possibilités quand on peut jouer avec les deux. « Le son roule dans ma bouche plus facilement en anglais, mais je crois que c’est vraiment riche de pouvoir faire cohabiter les deux. »

De plus en plus, Claudia Bouvette sait reconnaître les outils qui poussent sa créativité plus loin : écouter de la musique, analyser des textes, lire des livres ou de la poésie. « Je lâche mon cell aussi, lance-t-elle. Dès que je passe trop de temps sur mon cell, je ne suis plus créative. Ça reste que c’est vraiment ma souffrance qui me motive. Même quand je vais bien, je vais être portée à aller chercher des sentiments plus dark que je peux ressentir dans le quotidien. J’écris peut-être des chansons pour me libérer de quelque chose. »

 



Maryze« J’ai toujours été amoureuse de la musique pop. C’est un genre musical que beaucoup ne prennent pas au sérieux. On dit parfois que ce n’est pas de la vraie musique, que c’est du fast food, mais pour moi, y’a tellement de puissance dans une chanson pop bien écrite. Ça peut changer ta vie. C’est fascinant. »

Maryze a le sourire dans la voix quand elle parle de musique. L’autrice-compositrice-interprète originaire de Vancouver et maintenant installée à Montréal a finement étudié la pop avant d’en arriver à ce premier album, 8, un étonnant mélange d’électro, d’hyperpop, de R&B, de hip-hop, de rock et de emo – bref, de tous ces genres qui ont marqué au fer rouge la pop des dernières décennies.

Grande fan de Grimes et de Lady Gaga, Maryze a d’abord été bercée par un style assez inusité : la pop celtique. On en retrouve quelques traces sur son album, notamment sur Witness. « Mon père est breton, et ma mère est canado-irlandaise. C’est celte des deux côtés ! Mon premier concert, c’était Loreena McKennitt, quand ma mère était enceinte de moi. J’ai probablement perçu les ondes et les basses », lance à la blague la chanteuse de 30 ans.

Son père, un DJ à la radio à Vancouver, l’a initié à un tas de musiques de partout dans le monde durant son enfance. Et dès le début de l’adolescence, la jeune mélomane a suivi des cours intensifs de théorie musicale et a intégré la chorale jazz de son école secondaire. Mais son contact avec la pop n’a jamais été pour autant affaibli. Comme la majeure partie de ses amies de l’époque, Maryze a grandi en écoutant Destiny’s Child et Justin Timberlake, deux artistes dont on sent l’influence dans une pièce aux teintes R&B comme Experiments.

Peu après, c’est le pop punk et le emo qui l’ont happée. L’intensité des textes et l’émotion brute d’un groupe comme Fall Out Boy avaient quelque chose de puissant et de libérateur pour une jeune ado tourmentée comme elle. La pièce Emo est évidemment tributaire de cette époque.

« Je me sentais seule, incomprise. J’avais pas trouvé la communauté que je recherchais à mon école. Oui, on avait un beau programme musical, et la chorale était superbe […] mais autrement, l’école mettait beaucoup l’accent sur les sports. Et moi j’étais une emo girl, la seule à porter des skinny jeans. Chez moi, il y avait des histoires difficiles, des histoires de dépression… J’étais par terre dans ma chambre, à lire les paroles de Fall Out Boy. Je sentais que le chanteur s’adressait à moi et, soudainement, je me sentais moins seule. C’est probablement ce qui m’a amenée à vouloir rejoindre le public adolescent ou du début de la vingtaine par mes chansons. Y’a un sens de la communauté qui se développe par la musique. »

C’est dans cette optique que Maryze crée la musique qu’elle aurait elle-même voulu écouter en tant qu’adolescente. De là le mélange de genres qui peut paraître un peu chaotique, mais qui se révèle profondément authentique et sincère. Entièrement écrit et composé par elle, l’album a également bénéficié de l’expertise de quelques producteurs montréalais, notamment de son bras droit et copain Solomon K-I, également en charge du mixage et du matriçage de l’album.

Forte de ses études universitaires en écriture créative, la Montréalaise d’adoption explore avec ses textes « les parties interconnectées de notre passé qui façonnent nos vies pour le meilleur ou pour le pire ». Elle a tissé les chansons hétéroclites de son album avec une image centrale en tête : celle de la boucle infinie, symbolisée par le chiffre 8 comme titre. Cette boucle infinie qui nous amène à répéter les mêmes histoires, les mêmes mécanismes, les mêmes erreurs. Bref, à répéter le même cycle.

Portée par une rythmique dance 80’s, Too Late incarne bien le thème de l’album. Sous ses airs de récit d’histoire d’amour toxique, la pièce est plutôt une plongée profonde dans la psyché de l’artiste. « Cette chanson, c’est ma relation avec moi-même. Dans ma vie, c’est moi qui me bloque le plus. Chaque jour, je me réveille et je vois la journée défiler. Il y a tant de choses que je veux faire, mais je ne sais pas par où commencer. Le cycle se répète et je finis par être frustrée contre moi-même. La frustration est surtout reliée à la musique, à mes rêves. Parfois, j’ai de super belles opportunités, mais c’est comme si je me sabotais moi-même. La pandémie a juste amplifié tout ça. Je pouvais vraiment rien faire… et je ressentais une frustration, une amertume. »

Percutante collaboration avec la rappeuse montréalaise Backxwash, Squelettes évoque un épisode difficile de sa vingtaine. « J’ai commencé à l’écrire il y a huit ans, celle-là. Dans ma famille, il y avait beaucoup de dépression, d’anxiété, de dépendance. Et j’étais dans un moment de ma vie où je répétais des cycles destructifs dans mes relations et avec moi-même. Je maltraitais mon corps, souvent avec beaucoup de partys. Je me retrouvais dans des situations que je m’étais infligées à moi-même. Chaque fois, il y avait la voix de mon père qui résonnait en moi : ‘’Pourquoi, Maryze, tu te retrouves encore dans cette situation que tu n’aimes pas ? Dans une relation qui n’est pas bonne pour toi ?’’ C’est un de mes all time low. »

Dans un style beaucoup plus épuré que le reste, les chansons qui ouvrent et ferment l’album (Mercy Key et Playing Dress-Up) nous montrent une Maryze à fleur de peau, uniquement accompagnée par son piano ou ses propres chœurs. « Quand je vis quelque chose de vraiment intense, je dois l’écrire sur le moment. Quand j’étais jeune, j’ai écrit des centaines de journaux intimes. Ça a toujours été une forme de thérapie, une façon de mieux me comprendre. C’est quand je commence à écrire et que des idées sortent que je comprends ce que je vis. C’est pas quelque chose que j’aurais compris juste en le disant à voix haute. »

Loin du mutisme et de la solitude de son adolescence, Maryze a trouvé une façon de changer sa frustration en quelque chose de constructif. Elle a trouvé une façon de briser le cycle.