De la reine

Il s’en brasse, des affaires, dans la ville de Québec. Avec tous ses membres SOCAN tant auteurs-compositeurs qu’éditeurs qui se taillent une place de plus en plus importante dans l’industrie musicale québécoise et canadienne, il ne serait pas fou de parler d’un boom Québec.

De ce boom, plusieurs formations émergent d’un même endroit de diffusion, Le Pantoum. Situé sur la rue Saint-Vallier est, ce local-studio-salle-de-spectacle pluridisciplinaire agit comme un moteur puissant de la scène musicale émergente de la région de Québec. Par exemple, en marge des vitrines officielles de la Bourse RIDEAU 2017, le Pantoum présentait sa propre série de concerts dans laquelle des formations comme De la Reine ont pu rayonner à leur façon, et ce, devant un public déjà vendu à la cause.

Formé des membres SOCAN Jean-Etienne Collin Marcoux (membre de Beat Sexu et l’un des fondateurs du Pantoum), Vincent Lamontagne (X-Ray Zebras, Ghostly Kisses) et Odile Marmet-Rochefort (ex-Men I Trust), le trio De la reine est débarqué fin 2016 avec un premier mini-album aux couleurs alt-r&b et trip-hop qui, dans l’histoire, s’est toujours mieux fait dans la langue de Shakespeare qu’en français. C’est pourtant le défi que les trois musiciens se sont lancés. « On avait eu la chance de tous travailler ensemble dans des projets connexes et avec ce band-là, on voulait essayer des méthodes de compositions auxquelles on n’était pas habitués », soutient Jean-Etienne, concernant la formation qui vient tout juste de célébrer son premier anniversaire.

« Tout le monde avait plus de temps pour créer quelque chose qui nous appartenait davantage et qui se collait plus à nous, explique la chanteuse Odile Marmet-Rochefort. Pas que les autres projets ne nous tentaient plus, mais on tenait à faire de ça notre truc ! Et le faire en français, aussi. Parce que même si pour moi, c’était quelque chose de difficile, les textes en français, c’était aussi quelque chose de plus important. »

Ainsi, sur des ambiances résolument jazz et r&b, on retrouve la voix de Marmet-Rochefort à l’avant-plan, qui s’élève sur des mélodies pop. « C’est la première fois que je me commettais à l’écriture », affirme Odile, qui écrit les textes de De la Reine avec Jean-Etienne.

En tournée tout le printemps avec ses comparses pantoumais Harfang, le trio entend se pencher sur plus de spectacles (« avec des brass », rêve Marmet-Rochefort), engager plus de musiciens (« on aimerait avoir Frank Lafontaine sur les keys ! ») et ultimement lancer un album complet d’ici les 18 prochains mois.



Blues (nom, prononcé blouze) : Musique mélancolique d’origine afro-américaine se présentant le plus fréquemment sous une forme en 12 mesures. Elle trouve ses racines dans le sud rural des États-Unis vers la fin du 19e siècle et gagnera en popularité dans les années 1940, alors que les populations afro-américaines migraient vers les grandes villes. Cette variante urbaine du blues donnera naissance au rhythm & blues et au rock n’ roll.

Le blues est un genre musical omniprésent, mais rarement à l’avant-scène. Bien que l’on reconnaisse la paternité du rock n’ roll à cette « musique mélancolique », le grand public amateur de rock a plutôt tendance à ignorer le blues. Pour Steve Strongman, ça n’est pas un souci. En tant qu’artiste et porte-étendard d’un genre musical qui se targue de compter dans ses rangs des héros de la guitare tels que Robert Johnson, Muddy Waters ou Otis Rush, le blues coule dans les veines de Strongman et jaillit de ses doigts chaque fois qu’il touche sa guitare électrique Gibson. L’auteur-compositeur-interprète croit que c’est pour lui une mission d’aider à garder ce genre musical vivant et d’éduquer les masses à la véritable signification du blues au 21e siècle.

« Nous devons continuer à repousser les paramètres de ce que les gens pensent que le blues signifie, parce que tout sonne comme le blues », affirme Strongman, dont l’opus A Natural Fact a été sacré Album blues de l’année lors des JUNOS 2013. « Même le rock “heavy” est basé dans le blues. »

Outre son JUNO, Strongman a également remporté trois Maple Blues Awards, en plus d’avoir tourné avec B.B. King, Johnny Winter et Buddy Guy. Colin James est récemment revenu à ses racines blues sur Blue Highways, tout comme les Rolling Stones sur Blue & Lonesome, mais Strongman, lui, est toujours demeuré fidèle à ces racines, et cela demeure vrai avec son sixième et plus récent album, No Time Like Now, qui a parut le 10 mars 2017. Nous avons discuté avec l’artiste en janvier 2017 lors du Gibson Guitar Showroom au Liberty Village de Toronto, le jour du lancement du premier extrait tiré qui porte le même titre que l’album.

« J’étais un immense fan de Led Zeppelin, comme la plupart des gens de mon âge. Puis, j’ai réalisé d’où ils tiraient toute leur inspiration. »

Tout ce dont Strongman avait besoin pour nourrir sa muse, s’inspirer et saisir le moment était un sentiment d’urgence. Il a enregistré les 10 pièces de No Time Like Now en compagnie de son ami de longue date, ancien membre de son groupe et réalisateur de plusieurs de ses albums, Rob Szabo, principalement au Beulah Sound Studio de Hamilton que l’auteur-compositeur-interprète appelle son chez-lui par les temps qui courent.

« Nous avions envie de produire un album excitant très axé sur la guitare », explique l’artiste. « Ça baigne dans le blues — tout ce que je fais baigne toujours dans le blues —, mais il y a plusieurs autres éléments sur ce disque sur lesquels nous n’avions pas vraiment mis l’accent auparavant. »

Là ou Colin James ou les Stones rendent hommage au blues avec des albums entièrement composés de reprises, Strongman propose neuf pièces originales qui prennent racine dans le blues, mais qui n’ont pas peur d’afficher leur côté rock avec un léger enrobage soul. La seule reprise du disque est une version « marécageuse » du classique de Bachman-Turner-Overdrive, « You Ain’t Seen Nothing Yet », un choix pour le moins intriguant pour un album blues.

« Rob et moi avons assuré la première partie de Randy [Bachman] il y a longtemps, et j’ai plus tard joué avec son fils Tal, également », raconte Strongman. « Nous sommes toujours restés en contact. Lorsque je répétais avec Tal, j’ai passé une nuit chez Randy à White Rock. Il a toujours soutenu ma musique et en joue fréquemment à son émission à la CBC. Lorsque Rob et moi avons décidé d’inclure une reprise sur l’album, nous avons tout de suite pensé aux chansons de Randy. “You Ain’t Seen Nothing Yet” m’est immédiatement venue en tête. Nous ne voulions pas la jouer comme Randy la jouait, car c’est tellement un “hit” massif. Je voulais lui donner ma propre couleur. »

Lorsque Strongman a fait parvenir un démo de sa version à Bachman pour avoir son opinion (et sa bénédiction), le membre du Panthé de la musique canadienne a dit l’adorer, et a même offert de jouer de la guitare sur la version finale.

Là où des musiciens comme Bachman, James et les Stones ont tous découvert le blues très tôt en écoutant et apprenant des Elmore James, Jimmy Reed et autres Hubert Sumlin, le guitariste de Howlin’ Wolf, l’intérêt de Strongman s’est développé de manière plus sinueuse.

« Je suis arrivé au blues par le biais des groupes de rock classique, car c’est ce que j’aimais », explique-t-il. « J’étais un immense fan de Led Zeppelin, comme la plupart des gens de mon âge. Puis, j’ai réalisé d’où ils tiraient toute leur inspiration. J’ai grandi dans la région de Kitchener-Waterloo et il y avait ce club de blues nommé Pop the Gator [où sont passés de grands noms tels que Bobby “Blue” Bland, Albert Collins et Mel Brown], ce qui nous permettait d’entendre la crème de la crème des musiciens blues de calibre international, et ça m’a beaucoup marqué. »

« Je me considère d’abord et avant tout comme un guitariste », poursuit-il. « Tout ce que je fais baigne dans le blues, mais c’est la guitare qui est au cœur de tout ça. J’entends le blues dans tout ce que j’entends, même dans la musique pop. Le blues en tant que tel… les gens ont une idée lorsqu’ils prononcent le mot. Ce nouvel album est la suite de ce que je fais depuis toujours. »

Est-ce que Strongman a des frissons lorsqu’il compose, comme tant d’autres artistes, et qu’il sent qu’il tient un bon filon ?

« C’est exactement ça qui se produit », avoue-t-il. « Je sais, lorsque j’entends quelque chose et que j’ai ce petit frisson, que c’est exactement ce que je recherchais. Je peux passer huit heures dans une journée et ne rien écrire qui vaille, puis la journée suivante, je commence à travailler et 10 minutes plus tard j’ai deux couplets et un refrain. On est toujours à la recherche de cet “Eurêka !”, cet instant où on se dit “ça y est !” »

« Gear Talk » avec Strongman



Dire de l’auteure-compositrice-interprète Amelia Curran qu’elle est prolifique est un excellent exemple d’euphémisme. Son plus récent album intitulé Watershed, paru le 10 mars 2017, est son huitième en carrière, alors que sa discographie s’est entamée avec Barricade, lancé en 2000.

« J’écris beaucoup de chansons », explique-t-elle lors de notre entrevue dans les bureaux torontois de sa maison de disque, Six Shooter Records. « J’ai écrit près d’une centaine de chansons depuis mon dernier album. J’ai fait le tri, puis je les ai toutes rejetées. J’avais besoin de quelque chose de nouveau, alors j’ai décidé de passer cinq jours dans la maison d’un ami, en Nouvelle-Écosse, en mai dernier. J’écrivais sans arrêt, du matin au soir, et huit des chansons sur Watershed proviennent de ce séjour. J’ai songé à intituler cet album Five Days In May, mais le titre était déjà pris. »

Amelia CurranPour Amelia Curran, toutes ses chansons inutilisées avaient néanmoins une utilité. « On peut s’entraîner à écrire, tout comme on s’entraîne à faire autre chose », croit-elle. « Cet entraînement, c’est exactement comme s’entraîner pour les olympiques, et c’est à ça qu’ont servi ces cinq jours. » Elle avoue d’emblée que « chaque fois que j’écris une chanson, j’ai l’impression que ça va faire un “hit”, mais le fait est que je suis une artiste folk et que je n’ai pas de “hits”. Et c’est très bien comme ça », lance-t-elle en riant.

Même si elle n’accumule pas les succès commerciaux, les éloquentes chansons de cette artiste établie à St. John’s, à Terre-Neuve et Labrador, lui ont valu le respect indéfectible des ses pairs et de la critique. En 2010, elle a remporté le JUNO dans la catégorie Album roots et traditionnel solo de l’année pour Hunter Hunter. Elle a également remporté le premier prix dans la catégorie folk de la 15e du prestigieux concours annuel USA Songwriting Competition, et elle est le lauréat de quelques prix aux East Coast Music Awards.

Watershed a été enregistré l’an dernier à Toronto en compagnie de Chris Stringer (Timber Timbre, The Wooden Sky, Jill Barber) avec qui elle a co-réalisé l’album. Elle a auparavant travaillé avec des réalisateurs de renom tels que John Critchley et Michael Phillip Wojewoda, et, de son propre aveu, elle change constamment de collaborateurs afin de ne pas tomber dans la routine. Elle a toutefois fait appel aux mêmes musiciens que sur son album paru en 2014, They Promised You Mercy : le guitariste Dean Drouillard, le percussionniste Joshua Van Tassel et le bassiste Devon Henderson.

« C’est la première fois que je retravaille avec les musiciens, et notre camaraderie s’entend », affirme-t-elle. « Ils ont travaillé avec Chris Stringer si souvent que lorsque nous nous retrouvions tous dans la même pièce, tout le monde savait exactement à quoi s’attendre au final. Nous nous étions habitués à la sonorité, aux habitudes et au côté grognon de chacun d’entre nous ! Ce sont des musiciens incroyables et on se sent vraiment en famille… C’est sans aucun doute un véritable travail d’équipe, et j’avais vraiment besoin de ça. »

Curran espère d’ailleurs pouvoir partir en tournée avec son groupe. « Ils me sont d’un grand secours, car je suis souvent seule en tournée, et je trouve ça extrêmement difficile », confie l’artiste. « Ainsi, une expérience qui peut facilement devenir néfaste pour la santé se transforme en une expérience positive. »

« La culture de la création musicale à Nashville est complètement différente. Là-bas, ils écrivent avec un but précis. Pour moi, l’écriture a toujours été quelque chose d’entièrement exploratoire, alors ça ne me vient pas aussi facilement. »

En avril, Amelia Curran participera au Writes of Spring Ontario Tour en compagnie de ses collègues Tim Baker (du groupe Hey Rosetta !), Donovan Woods et Hawksley Workman. Mais arriver à réduire à l’essentiel les versions enregistrées de ses nouvelles chansons est un exercice qu’elle qualifie de « périlleux, mais vraiment amusant. On se retrouve avec des ambiances totalement différentes. Prenez par exemple “No More Quiet”, où on entend des cuivres très 70 s, de la guitare électrique et la voix de Shakura S’Aida vers la fin : elle est désormais devenue une chanson très douce. »

Amelia Curran se remet constamment en question afin d’élargir ses horizons en tant qu’auteure-compositrice, et son récent passage à la Maison SOCAN à Nashville en est un bon exemple. « J’y suis allée en novembre dernier ainsi qu’au mois de février précédent », raconte-t-elle. « Je tâte les eaux de Nashville. La culture de la création musicale à Nashville est complètement différente. Là-bas, ils écrivent avec un but précis. Pour moi, l’écriture a toujours été quelque chose d’entièrement exploratoire, alors ça ne me vient pas aussi facilement. »

« Je ne suis pas encore certaine de la nature de ma relation avec Nashville, mais c’est assurément un monde fascinant. Une personne sur deux écrit des chansons, là-bas, et c’est absolument merveilleux. »

Parallèlement avec la parution de Watershed, Amelia Curran publiera, le 17 mars, Relics & Tunes chez Breakwater Books. Elle nous explique : « c’est un carnet de chansons qui propose toutes les paroles et les progressions d’accords pour la guitare de mes cinq albums parus chez Six Shooter. C’est un geste que je pose humblement, je me suis dit : “si vous voulez insuffler une deuxième vie à ces chansons, allez-y’. » Le livre proposera également un essai qu’elle a écrit.

Ourtre son engagement profond envers l’art de l’écriture, Curran a également, depuis quelques années, accordé beaucoup d’énergie à son rôle de porte-parole en matière de santé mentale. Elle a fondé l’organisme It’s Mental qui est dédié à l’éducation, aux services et au soutien des personnes souffrant de maladies mentales.

Pour elle, « notre rôle en tant qu’organisme de sensibilisation est de rassembler les gens. Nous devons faire entendre notre voix et dire que nous en avons assez d’attendre que la bureaucratie et les lois changent. Notre rôle est d’inspirer et d’autonomiser les gens, de montrer que nous pouvons contribuer à nos communautés, et de ne pas oublier que nos communautés sont également là pour nous. »

Amelia Curran a toujours été courageusement ouverte au sujet de ses propres problèmes de santé mentale. « Les gens avec qui je travaille directement ont toujours été informés de mes problèmes », confie-t-elle. « Je ne m’en suis jamais cachée, mais ma première et ma plus grande surprise a été de constater à quel point les gens étaient touchés lorsque j’en parlais publiquement. J’ai complètement sous-estimé à quel point ça peut être important. »

« Un de mes objectifs est de voir changer les attitudes face à la santé mentale de mon vivant. Je veux contribuer à déplacer ce balancier autant que je peux et aider à changer ce système. »