Sorti indemne d’une sévère pneumonie il y a deux ans, le guitariste et compositeur de 30 ans a donné une suite à Pêcher rien (2016) son premier disque en solo, après l’épisode collectif du quatuor Lac Estion. Jonglant avec quelques titres d’album dans sa tête de rêveur, Simon Kingsbury a choisi d’appeler son butin de neuf chansons Plaza.

Simon Kingsbury

Photo : Laurence et Laurent

« Ça ne me tentait pas de lire des articles avec des jeux de mots ou des métaphores méchantes comme ça été le cas avec Pêcher rien. Mais pour dire les choses plus simplement : j’habite à côté de la Plaza St-Hubert, qui en soit, est un melting pot où se côtoient une clinique pour les ongles, un magasin pour la mariée, un salon de coiffure, un pawn shop, Carta Magica où des nerds font la file le matin pour jouer aux jeux de société, et bien sûr, le resto St-Hubert… C’est à l’image de ma musique finalement. Un gros party mix ! »

Mais Kingsbury blague. Son Plaza, coréalisé avec le guitariste et ex-Groenland Jonathan Charette et coécrit avec son vieux pote Savia Fleury, ne vous fera pas vous précipiter sur une piste de danse. Avec ses guitares brutes et ses états d’âme d’où coule un spleen perceptible sur toutes les plages, ces nouvelles chansons en forme de thérapie ont remué son style d’écriture. L’album parle beaucoup de la mort, de l’amour, du suicide, des abus… Kingsbury revient sur sa grande frousse.

« Avant de me présenter à l’hôpital, je travaillais beaucoup et je faisais pas mal la fête. Lorsqu’ils m’ont annoncé que je n’allais pas bien, j’ai pogné la chienne. Ç’a été l’avertissement dont j’avais besoin: je devais prendre soin de moi ».  Fini la défonce. J’étais rendu au point où ça m’en prenait toujours plus pour atteindre mon high… Au lieu de mettre mon énergie dans le défoulement avec l’alcool, c’est sur mes projets musicaux que je devais la mettre. Quand j’ai commencé à écrire ces nouvelles chansons, Dans le corridor (l’avant-dernière sur Plaza) était inspirée de l’hôpital, je suis quand même resté-là deux semaines… J’ai de la misère à aller dans la fiction et créer des personnages. Crois-moi, j’ai essayé et ça n’a pas fonctionné ! Je me laisse d’abord guider par mes émotions. Mais je suis encore jeune, sait-on jamais… »

La différence entre les deux albums ? « Sur Pêcher rien, on avait fait des compromis, les riffs de guitares étaient plus accrocheurs, mais la trame de fond est venue du besoin de me défouler suite à une rupture amoureuse. Une thérapie en quelque sorte. » Une autre.

Les mots passent avec sa voix douce, parfois même chevrotante, il n’y pas surcharge de guitares, l’accompagnement est sobre. « Ce n’est jamais trop ensoleillé, jamais trop dark, précise Kingsbury. C’est vrai que Je t’aime pareil est plutôt sombre, mais en contrepartie la mélodie et la voix allègent un peu la proposition. Faut mettre un peu de beauté dans tout ça ! Le suicide est un sujet tellement tabou, il faut malgré tout être compréhensif de cet état. La chanson parle d’un ami au bord d’une falaise, prêt à sauter. Et l’autre lui dit, saute si tu veux, je t’aime pareil. »

Autodidacte, il admet ne pas connaître les accords de guitares. Tout passe dans l’oreille et les esquisses sonores qui en ressortent sont des terrains de jeux imparfaits sur lesquels Simon Kingsbury peut explorer à sa guise.

« Je ne veux pas incorporer des synthés, poursuit-il, je préfère le son brut. Et l’électro, même en petites doses, ça ne me ressemble pas. Ma motivation, c’est de créer des mélodies et des ambiances. Le plaisir de faire de la musique, c’est de gratter ma guitare, d’en faire une toune, pis après de sortir m’acheter une bière. Je suis alors le gars le plus heureux au monde. La création est un processus et ça me rend zen. Tu te lèves le matin le sourire dans la face quand tu sais que tu vas passer la journée en studio. Juste pour cette raison, ça vaut la peine de continuer. »

C’est ce qu’on lui souhaite. Il y a dans cette tête d’artiste un trop plein d’idées musicales qui foisonnent. Son Plaza est une bulle intime qui ne s’apprivoise peut-être pas à la première écoute. Mais faut s’en approcher. La docile part entre l’ombre et la lumière est habilement nuancée. Il y aura une suite : « mais je préfère sortir des EP plus souvent qu’un album tous les deux-trois ans ».