Michel Rivard, Mara Tremblay, Éric Goulet, Luc de Larochelière, Gilles Bélanger (Douze Hommes Rapaillés), Arianne Ouellet et Carl Prévost (Mountain Daisies) se sont enfermés pendant sept jours au mois de mai dernier dans le but d’écrire des chansons et les enregistrer en une semaine.

L’exercice était périlleux. Mais à vaincre sans péril… Éric Goulet, un habitué des rencontres impromptues lors des soirées Open Country au Verre Bouteille avec les Mountain Daisies, a eu une somptueuse idée pour ajouter au suspense dans le non moins somptueux chalet de Valcourt où était cloîtré la bande: chaque matin après le déjeuner, le ton de la journée était donné avec une pige où chacun mis dans un chapeau un thème de chanson, des bouts de phrases et un partenaire de composition avec lequel il devait en trois heures, pas une minute de plus, écrire texte et musique.

Mara Tremblay raconte: « Avoir un thème m’a beaucoup aidé, je travaille beaucoup mieux sous pression et le fait d’avoir eu trois heures pour faire une chanson, d’être dirigée et d’avoir un partenaire, ça m’a motivé. »

« Au départ, admet Michel Rivard, quand tu te mets des règles du jeu aussi strictes que celle qu’on avait il était important d’avoir un lieu agréable, on arrive au mois de mai, les cerisiers sont en fleurs, le printemps est dans l’air, la maison était remplie de lumière, c’est sûr que ça aide. »

Mara acquiesce: « Si on avait fait ce disque en rentrant chez nous chaque soir ça n’aurait pas donné le même album. Le lieu y est beaucoup pour quelque chose, j’ai travaillé en pyjama au moins la moitié du temps! »

Au final, quatorze des vingt-et-une chansons composées se sont retrouvées sur Sept jours en mai, superbe témoignage de cette session unique paru le 18 mars 2016 sous étiquette Spectra Musique.

Bélanger, à l’instar des six autres, était fébrile, mais inquiet. « On partait de zéro et fallait tout créer, on se connaissait assez musicalement malgré le fait que nous n’avions pour la plupart jamais travaillés ensemble et ça a fonctionné. »

7 jours en mai

De Larochelière (et Goulet) avait déjà vécu une expérience semblable avec les ateliers d’écriture qu’ils dirigeaient au Festival de la Chanson de Granby: « Je jumelais les élèves et leur donnais un thème. Et souvent, on constatait qu’une chanson écrite à l’intérieur d’un délai précis était souvent meilleure qu’une autre qui prend trois mois. On dirait que l’urgence crée quelque chose. »

Rivard est d’accord: « Quand j’écris mes propres chansons, je peux prendre une pause et continuer le lendemain, mais là, non, si tu rencontres un nœud au deuxième couplet, il faut le résoudre, parce qu’au bout des trois heures on devra la chanter devant les autres. »

Après trente ans de carrière, De Larochelière se réjouit de l’aventure. « Le fait de n’avoir jamais vraiment eu de groupe officiel, ce projet est un gros contraste et ma réaction a été : Oh Yeah! On a eu des embûches, avouera l’auteur, parfois il manquait un couplet, une mélodie, fallait trouver une issue. Mais une fois que c’est parti, t’as juste hâte d’écrire la prochaine. »

Arianne Ouellet, la violoniste et chanteuse et son partenaire guitariste Carl Prévost tracent un parallèle avec le laboratoire musical du Verre Bouteille sur Mont-Royal: « L’esprit de collaboration crée des liens, mais l’élément central c’est le partage, l’écoute des idées de l’autre est primordiale. »

Est-ce que cette façon d’écrire pourrait dorénavant influencer vos carrières respectives?

7 jours en mai« Quand j’ai écrit les chansons des Filles de Caleb, confie Rivard, j’avais 36 tounes à faire en un temps record, trop court, mais j’ai été obligé de livrer. Et par la suite, lorsque je me suis mis à l’écriture de mon disque Roi de Rien, ça a déteint un peu. L’expérience de Sept jours en mai m’a influencé sur mon temps d’écriture. »

« L’idée de lâcher prise et d’être réceptive aux idées de tes partenaires, moi j’ai vécu ça comme un immense buzz, se réjouit Mara Tremblay, c’est comme monter à bord d’un manège qui ne s’arrête pas, comme une drogue. »

Toutefois, cette semaine de jumelages et de foisonnement d’idées aurait pu ne pas donner un album, rien n’était moins sûr.

« Quand je suis revenu à la maison, conclut Rivard, j’ai eu un doute: et si c’est pas vraiment bon et c’est juste nous autres qui aiment ça? »

Épuisé de l’expérience, Michel Rivard? « Épuisé de bonne fatigue, précise-t-il, on a eu deux jours de pratique intense dernièrement et j’étais vidé, mais heureux. Tout le monde a mis la switch de l’égo à off et celle de l’ouverture à on. On a répété et on existe maintenant en tant que groupe. »

Sept jours en mai part en tournée ce printemps partout au Québec. Plus de trente dates sont déjà à l’agenda.