En mettant de côté les compositions et les enregistrements qu’il peaufinait depuis cinq ans, Samito a pris la meilleure décision de sa carrière. Il n’y a maintenant plus de doutes, ni d’ambigüités : le Québécois d’adoption a en main un percutant premier album, au croisement entre le funk, l’électro, le rock et la musique traditionnelle mozambicaine.

Prévu pour l’automne dernier, le premier album de Samito (initialement titré Xico-Xico) n’était pas à la hauteur des espérances de son créateur. « C’est un album sur lequel je travaillais depuis trop longtemps. Quand je l’ai réécouté à la toute fin, je le trouvais cool, mais moi, j’étais complètement rendu ailleurs », explique le Mozambicain, qui confie avoir eu un « un petit froid » avec un proche collaborateur à cette époque. « J’ai décidé de mettre ça sur la glace pour tout recommencer. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ça a été rapide. En à peu près 20 jours, j’avais composé, écrit et enregistré un album complet. »

Ce rythme effréné de création a été appuyé par le travail du réalisateur Benoit Bouchard, un musicien aguerri ayant notamment roulé sa bosse auprès de Chloé Lacasse et Fanny Bloom. « C’est un des premiers musiciens que j’ai rencontrés quand je suis arrivé ici il y a 10 ans. En fait, Benoit était un des instructeurs de ma formation en enregistrement audio », se rappelle Samito, maintenant âgé de 36 ans. « Au mois de mars dernier, je lui ai fait entendre des maquettes très minimalistes de mes nouvelles chansons. Quatre jours plus tard, on entrait en studio avec les musiciens. On a tout enregistré en une fin de semaine. »

Seul mais bien accompagné

SamitoEntouré du batteur Jonathan Bigras (Galaxie, PONI), du guitariste Funk Lion (La Bronze), du bassiste François-Simon Déziel (Valaire) et de quelques autres collaborateurs de pointe comme le maître guitariste Olivier Langevin (Galaxie), Samito a connu une expérience studio de rêve. « C’était beaucoup plus enrichissant que de travailler seul dans mon sous-sol », admet-il. « En fait, cet album-là est en tous points différent de l’autre. Même l’écriture n’est pas pareille… Au lieu d’écrire à la troisième personne et d’être un observateur ou un narrateur omniscient, j’ai décidé de m’affirmer à la première personne et de parler de moi. »

Entre la critique des médias sociaux LOL, la métaphore sur l’aide médicale à mourir Nara et le récit identitaire Tiku La Hina, Samito raconte ses peurs et ses déchirements intérieurs dans un mélange rythmé de portugais et de tswa, l’une des nombreuses langues de son pays.

Sur Here We Go My Old Friend, le chanteur se confie avec vulnérabilité sur ses épisodes de solitude profonde. « On dirait que c’est un sentiment qui va de pair avec la vie d’artiste », observe-t-il. « De mon côté, c’est encore pire puisque cet isolement est amplifié par mon immigration. J’ai fait le choix, à l’adolescence, de venir vivre le rêve américain ici, mais ce chemin-là, il vient avec ses échecs et sa solitude. Même si je me sens intégré au Québec, je reste complètement déraciné de ma terre natale. D’ailleurs, c’est un peu dans le but d’être entouré de gens que j’ai voulu faire un album live, de façon plus spontanée. »

 

Ramener le groove africain

En résulte une percutante rencontre « entre le Mozambique et le Lac-Saint-Jean », région d’où est originaire Benoit Bouchard. Musicien depuis l’enfance, Samito y mélange l’ensemble des influences qui l’ont marqué. « Il y du gospel, du rock et du funk là-dedans, précise-t-il. Il y aussi une volonté de ramener un certain groove africain originel, un groove relativement edgy qu’on ne retrouve plus vraiment dans la musique pop africaine des 20 dernières années. En ce moment, là-bas, je trouve la musique trop clean, comme si les Africains tentaient de reproduire le format standard américain. Il y a tout un aspect roots plus mordant et viscéral qui a été évacué. »

Créant ainsi « un melting pot culturel et historique », la Révélation Radio-Canada 2015-2016 retournera cet été à Maputo, sa ville d’origine, pour tourner un clip et présenter son album. « La reconnaissance que j’ai ici depuis quelques mois commence à avoir des échos là-bas. Il y a un intérêt qui semble se développer », relate l’artiste, qui a quitté son pays il y a une décennie pour venir étudier en musique à l’Université McGill. « Moi, j’ai surtout hâte de faire entendre l’album à ma famille. Mes proches savent que je me suis découragé souvent et que le chemin n’a pas été facile. Par-dessus tout, je ne voulais pas les décevoir. »

Heureux de l’accueil qu’il reçoit au Québec depuis son arrivée, Samito compte également parfaire son écriture en français : « Pour moi, les paroles, c’est ce qu’il y a de plus important dans une chanson. Même si je me rends compte que les gens se crissent des paroles tant que la toune est bonne, j’aimerais pouvoir écrire en français dans un futur proche. L’affaire, c’est que je ne veux pas le faire n’importe comment. En 10 ans, j’en ai vu plein, des artistes de la diaspora qui tentaient de chanter en français avec un résultat plus ou moins convaincant. Moi, je veux prendre le temps d’écrire quelque chose de bon. Je ne sais pas pourquoi, mais je sens que je dois ça aux Québécois. »

Samito a remporté le Prix SOCAN lors de la Bourse RIDEAU qui se tenait à Québec en février 2016. Ce prix mérite à Samito un laissez-passer pour une prestation lors de la vitrine SOCAN des Rendez-vous Pros des Francofolies de Montréal, en compagnie de La Bronze, le 16 juin 2016 à 17h.