Catapulté sur les plateformes d’écoute en continu le 28 février dernier, l’album Blue devait vivre sur scène dès le début avril. Finalement, ce printemps, Rosie Valland fera plutôt un jardin.

Rosie Valland« Les shows et la promo se sont arrêtés du jour au lendemain. C’était super intense, puis mon agenda s’est complètement vidé. […] En ce moment, mes plans ce n’était pas de nettoyer ma cour et faire mes semis. »

Contre le micro de son cellulaire, les petites rafales du vent trahissent l’endroit qu’elle a choisi. Toutes les entrevues se font à distance et au téléphone par ces temps de quarantaine. Rosie Valland a pris l’appel depuis sa terre de Rigaud, non loin de La Blouse et de la ligne ontarienne, à 50 minutes en voiture du Lion d’Or, à Montréal, la maison des Francouvertes qui nous l’a révélée il y a déjà une demi-décennie.

Autant d’années se sont écoulées depuis la sortie de Partir avant, sa deuxième parution dans les faits, mais certainement la plus notoire jusqu’ici. C’est ce bouquet de chansons paru sous étiquette Duprince qui lui a permis de se faire connaître du plus grand nombre, de l’industrie et de la presse très certainement. « Quand je réécoute Partir avant, j’ai pas de regret, mais je suis pleine d’empathie pour la personne qui a fait ça. C’est des premières tounes, c’est quelque chose de brut, c’est pas abouti et je ne sens pas que je m’étais trouvée. »

Sans dire qu’elle renie Olympe et les autres compositions dudit disque, l’autrice-compositrice-interprète avoue percevoir Blue comme le fondement véritable de sa carrière, un réel commencement. Elle s’est aussi accordé le droit de toucher à la réalisation dans la foulée. Cette fois, elle cosigne cette part du travail avec Jesse Mac Cormack, son complice des premiers instants. C’est un réel partage entre les deux.

« Même si la vie de Blue sera peut-être écourtée à cause de la pandémie, cet album-là m’a beaucoup apporté. Avant de me mettre les mains dedans, je ne connaissais pas les logiciels et tout ça. Je me suis donné tellement de temps pour le faire que j’ai appris à m’enregistrer. Je vivais déjà de ma musique, mais là, j’ai davantage de cordes à mon arc. Je sens que je vais pouvoir vieillir dans ce milieu-là parce que je vais pouvoir faire plein d’autres choses que mon projet à moi et en mon nom. »

Ces jours-ci, justement, la Rigaudienne d’adoption en est à honorer un contrat pour La Fabrique Culturelle, la plateforme de Télé-Québec. C’est elle qui signe l’habillage musical de Proxémie depuis la première saison, un balado articulé autour d’artistes exclusivement féminines et animé par l’actrice Sophie Cadieux. Les contraintes de la commande l’amènent à explorer un territoire tout autre, résolument bien loin des pages de son journal intime.

« Tu crées un mood et, en même temps, faut jamais que ça surplombe quoi que ce soit. C’est une équipe hors pair donc je suis vraiment contente de faire ça, surtout en ce moment. Je suis reconnaissante d’avoir ça. […] C’est de la musique instrumentale, je n’avais jamais fait ça et je me découvre aussi là-dedans. »

Une seconde chance à la première impression

Arrangements bonifiés, mélodies bien ficelées, voix moins triste et éraillée… La progression est telle que Rosie Valland aurait presque pu se coiffer d’un nouvel alias. Avec Blue, l’ancienne Montréalaise revêt un nouveau son et amorce un autre cycle.

« Automatiquement, c’était plus folk avant parce que je composais avec ce que j’avais chez nous, dans mon 2-½, ce qui n’était pas grand-chose. […] Les chansons sont peut-être un peu plus riches parce que je peux partir d’un beat, d’une idée de synth et non pas toujours d’une guitare. »

Ouvertement inspirée par la pop rock des années 1990 (« ça me ressemble plus »), la femme-orchestre admet s’être offert un hommage à Smashing Pumpkin sur Chaos et quelques clins d’oeil à la Céline Dion de l’album D’eux.

« J’aime tellement le traitement de ses voix, les reverbs, la façon dont elle chante. Moi, ça me fait rire les matantes et les mononcles sur internet qui écrivent ‘’on n’entend pas ce que tu dis’’. J’ai envie de leur répondre : ‘’écoute une toune de Céline et dis-moi si tu comprends quelque chose !’’ On n’entend rien, elle n’articule pas non plus, il y a vraiment un abandon. Moi j’ai jamais compris le texte et je veux pas le savoir. Je trouvais que ça me ressemblait dans ma façon de voir mes voix. Comme un instrument. »