Notifi est tout comme un chef cinq étoiles qui est très sélectif pour ses ingrédients et ce qu’il prépare pour ses distingués invités. Lorsqu’on écoute le rappeur du nord de Toronto parler de « beats », il est évident qu’il fait plus que leur accorder la plus grande importance. Il en parle avec tant de passion et de délectation qu’il semble presque les considérer comme sacrés.

Mais pas n’importe quel « beat », loin de là. « Quand j’entends un “beat” qui vient vraiment me chercher, je suis en état de béatitude, d’euphorie », affirme l’homme de 24 ans. « Je me dis “je ne peux pas gaspiller ça”. Il m’arrive même de ne rien vouloir faire avec ce “beat”, car rien ne lui rendra justice », ajoute-t-il. « J’ai l’impression que je dois le mettre de côté un certain temps avant d’y revenir. »

Un peu comme on laisse mariner du poulet dans une sauce jerk jamaïcaine toute la nuit avant de les griller sur le BBQ ? « Exactement ! » dit-il en riant. « Le “beat”, c’est tout, le “beat” est roi ! Quand j’entends un “beat”, il dicte ce que j’écris et le résultat final de cette chanson. Le “beat” vient toujours en premier, est plus ce “beat” est bon, plus la chanson me vient facilement. »

Notifi a reçu un excellent coup de pouce il y a trois ans lorsqu’il a remporté le concours It’s Your Shot de Slaight Music, un concours national de création musicale et de développement d’artistes lancé en 2000.

« Je ne participe pas aux concours, d’habitude », confie-t-il. « J’ai participé à celui-là et deux mois plus tard j’ai reçu un coup de fil me disant que j’avais gagné ! Gagner ce concours m’a démontré que le travail et le talent comptent beaucoup. » Peu de temps après, le DJ de renommée internationale Charlie B — DJ officiel du OVO Fest de Drake — est devenu son imprésario. Le manieur de mots a été qualifié de « prochaine vedette du rap » et de « prochaine supernova torontoise » en plus d’être encensé par des blogues influents comme Complex et Noisey/VICE.

Écoutez « Won’t Get Lonely » et vous entendrez Notifi sonner comme Drake à ses débuts débitant ses rimes et chantant sur un « beat » épuré et inquiétant. À ce jour, la vidéo a cumulé plus de 100 000 visionnements sur YouTube et plus de deux millions d’écoutes sur tous les platformes en ligne. C’est un exemple parfait du « Toronto Sound », une ambiance nocturne et émotive à la frontière entre R&B et rap. Le vidéoclip, qui est tout aussi langoureux et sombre, a été filmé par Zac Facts, le réalisateur torontois qui a également réalisé des clips pour Tory Lanez, Jessie Reyez et des vedettes américaines comme Future et Wiz Khalifa.

“Quand j’entends un “beat” qui vient vraiment me chercher, je suis en état de béatitude, d’euphorie.”

Pas surprenant que Notifi cite ses compatriotes torontois Drake, Tory Lanez et The Weeknd comme influences. « Mes liens avec le « 6ix God » se sont tissés à partir du moment où Charlie est devenu mon imprésario. », explique Notifi. « [Mais] Le “Toronto Sound” est remis en question. On dirait que la moitié des rappeurs de la ville adhèrent à la vague [originaire de Philadelphie] Lil Uzi Vert-trap-autotune, tandis que l’autre moitié adhère à un son plus propre et “mainstream”. Comme Drake et The Weeknd. J’ai de plus grandes ambitions », ajoute-t-il avec assurance. « Je veux conquérir le monde. »

De la création de « Won’t Get Lonely »
« Won’t Get Lonely » paraîtra sur un EP qu’il prévoit lancer cet été. Nous avons demandé à Notifi si « Won’t Get Lonely » lui a été inspirée par de récents articles dans les médias qui indiquaient que la solitude est en croissance au pays et qu’un Canadien sur cinq dit souffrir de solitude. « Je ne connaissais pas ces statistiques, mais je n’ai pas de difficulté à les croire », dit-il. « C’était un jour comme les autres en studio, et quand j’ai entendu ce “beat”, je me suis souvenu du sentiment que je ressentais dans certaines de mes relations, cette impression de ne plus se sentir seul », explique l’artiste. « On a tous vécu ce genre de relation où l’un ou l’autre des partenaires se sent exclu ou tenu pour acquis. On ne s’en rend pas compte sur le champ. Il faut se retrouver à l’extérieur de cette situation pour s’en rendre compte. »

Dans une entrevue accordée à Complex, Charlie B ne tarissait pas d’éloges pour son jeune protégé : « Il est très polyvalent au chapitre de la création musicale, de la production et de l’interprétation. Sa musique a un attrait universel et il est capable de toucher à plein de styles tout en demeurant fidèle à lui-même. Je suis dans l’industrie depuis un bon moment et j’ai côtoyé des “A”, et je peux vous dire que Notifi a des qualités musicales que personne d’autre ne possède. »

Est-ce que le succès critique se traduit par une certaine pression ? « Je ne ressens aucune pression », dit Notifi. « J’adore créer de la musique. Je suis privilégié d’être entouré d’autant d’énergie positive — que ce soit mon équipe qui croit vraiment en moi et ma musique ou de gens comme Charlie B qui a côtoyé Drake et The Weeknd et qui a joué dans des clubs partout à travers le monde. »

La famille de Notifi a quitté Montréal pour s’installer à Toronto quand il était âgé de quelques mois et plus tard, il jouait de la batterie dans l’orchestre de l’église à laquelle ils appartenaient. Quelques-uns de ses amis du secondaire lui ont suggéré « d’enregistrer quelques “tracks” » dans leur studio maison, et Notifi a accepté leurs invitations. Cela lui a permis de réaliser qu’il a un don pour le rap et le chant, et il n’a jamais regardé derrière lui depuis.

« On ne peut pas ignorer l’inspiration », dit-il lorsqu’on lui demande où il trouve les sujets de ses chansons. « Tu sais, même le chant des oiseaux peut m’inspirer. Tout est dans la manière dont on le traduit en mots. »

De toute évidence, il a touché une corde sensible du public. « Je crois qu’une des raisons pour lesquelles ma musique passe bien, c’est que les gens s’identifient à ce que je dis. »