NocheMathieu Sénéchal, alias Noche, connaît une année 2025 impressionnante. Deux décennies après ses débuts comme bassiste, le producteur s’impose comme l’un des nouveaux visages les plus importants de la scène électronique québécoise.

En l’espace de quelques mois à peine, Noche a vu ses réseaux sociaux exploser, notamment son compte Instagram bondir de 5000 à près de 60 000 abonnés. C’est encore mieux sur TikTok : ses abonnés se dénombrent à près de 70 000, tandis que ses vidéos ont recueilli plus de quatre millions de mentions J’aime. Derrière ce succès manifeste se trouve la série de vidéos qu’il nomme YouTube Sampling, dans laquelle Noche se met en scène en train d’échantillonner, simplement à l’aide de son clavier de portable, la musique d’un artiste connu. Ainsi, la pop bonbon de Sabrina Carpenter (Tears) ou la house portoricaine de Bad Bunny (El Clúb), par exemple, se transforme instantanément en bombe électro aux teintes UK garage ou french touch, les deux styles de prédilection de l’artiste montréalais.

« Y’a énormément de vidéos comme ça dans le monde du hip-hop, mais les producteurs utilisent un MPC (NDLR, échantillonneur développé par la compagnie Akai). C’était plus logique pour moi d’utiliser YouTube, étant donné que mon but, c’était non seulement de documenter mon processus de création, mais aussi d’avoir un impact sur les réseaux sociaux. Les gens sont attirés par un visuel punché dans lequel ils peuvent reconnaître (le visage ou le clip d’un artiste qu’ils aiment) », explique le producteur qui multiplie également les centaines de milliers d’écoutes sur les plateformes.

Noche on YT

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Cette approche plutôt méthodique du marketing numérique est à peu près la seule chose de calculée dans le parcours, disons, très atypique de Mathieu Sénéchal. Un parcours qui s’amorce à Saint-Basile-le-Grand, en Montérégie, à la fin des années 1980. « Je suis né dans un petit quartier de maisons mobiles. Je suis officiellement un trailer park boy ! », lance le producteur en riant. « À l’adolescence, j’écoutais beaucoup de punk rock. Je tripais sur la musique, mais j’ai seulement commencé à en jouer un peu plus tard. En fait, c’est un de mes amis au secondaire qui cherchait un bassiste dans son band. J’ai dit que je pouvais en jouer, mais honnêtement, je savais même pas c’était quoi, une basse ! Il m’a montré des vidéos de basse, et j’ai commencé à suivre des cours pour jouer avec eux autres. »

L’histoire se poursuit à quelques kilomètres de là, au cégep de Drummondville, dans le programme de musique. « J’étais encore poche, mais ils ont vu que j’étais motivé. Mon prof, c’était Guy Boisvert (contrebassiste qui a fait sa marque auprès du légendaire François Bourassa), il m’a appris plein d’affaires. Il a vu que j’étais pas le meilleur, mais que je pratiquais beaucoup. Pendant trois ans, je pratiquais 12 heures par jour. Je ne dormais presque plus. »

Au tournant des années 2010, Sénéchal donne ses premiers concerts, en s’immergeant dans la scène jazz latine à Montréal. « J’ai commencé à jouer avec des musiciens colombiens et cubains. Tous les dimanches, entre autres, je jouais à L’escalier (défunt bar-spectacle montréalais de la rue Sainte-Catherine). Ça m’a ensuite amené à jouer à plusieurs reprises à La Havane. J’y suis allé 5-6 fois, j’étais à fond là-dedans. »

C’est à la même époque qu’il tombe en amour avec la musique électronique, notamment avec les maîtres de l’électro français Daft Punk, Justice et Busy P ainsi que les pionniers du dubstep britannique Rusko, Skream et Benga. « J’ai commencé à produire peu après, vraiment pour moi, un peu en réaction au monde du jazz, qui mise beaucoup sur l’éphémérité. Je trouvais ça un peu lassant de pratiquer huit heures par jour pour finalement improviser sur scène durant un moment qui n’existera plus jamais. Je trouvais ça démotivant. Et je dois dire qu’il y avait beaucoup d’ego dans les jams de jazz, et ça aussi, ça devenait lassant. Là, avec la production, j’avais quelque chose de plus concret – pas juste des ‘’Ah, c’était l’fun à soir !’’ »

 

Porte d’entrée vers la pop

Pour payer les factures, Sénéchal intègre, au milieu des années 2010, les rangs du groupe Lendemain de veille, qui chauffe régulièrement les planches du mythique bar de chansonniers Les 2 Pierrots dans le Vieux-Montréal. « Ça a été mon entrée dans le monde de la pop ! », proclame de manière très enthousiaste l’artiste, avec une petite pointe d’ironie.

Noche

C’est d’ailleurs grâce aux contacts d’un des membres de cette formation country-trad à la réputation festive que Sénéchal arrive sur le chemin de Jason Brando, fondateur de la maison de disques Cult Nation qui, à l’époque, vient tout juste de signer une certaine Charlotte Cardin. Pendant près d’une décennie, Noche fera partie de l’entourage de la chanteuse québécoise à titre de directeur musical et de compositeur. Il est donc intimement relié à la grande ascension de Cardin dans les hautes sphères de la pop canadienne.

« Charlotte m’a fait découvrir c’est quoi la business de la musique. Grâce à toute cette aventure, j’ai rencontré plein de musiciens de partout dans le monde. J’ai vu comment ça marche, les tournées, comment ça marche, les visas, les papiers, en se faisant par exemple revirer aux douanes… J’ai fait un milliard d’affaires, mais toujours en essayant d’apprendre tout ce qu’il y a à apprendre. Je ne restais pas cantonné à la scène, j’avais un intérêt et une curiosité pour les gens que je rencontrais. »

Parmi les belles rencontres qu’il a faites, il y a le collectif torontois de musique classique Strings from Paris, que Charlotte avait invité pour quelques spectacles de sa tournée 99 Nights. C’est avec les musiciens du collectif que Noche a enregistré son premier projet, When it all ends (part 01), il y a presque deux ans. « J’me suis super bien entendu avec eux, et un des gars m’a proposé de rester à Toronto pour composer et enregistrer. Je suis resté dans le sous-sol de ses parents pendant neuf nuits… mais je ne les ai presque jamais vus, ses parents ! Disons que j’ai pas beaucoup, beaucoup dormi ! On faisait des sessions du matin au soir. Et rapidement, on a trouvé notre direction : une musique très émotive à la Fred again… mais avec des cordes », explique-t-il par rapport à la signature musicale de l’opus paru en mars dernier.

En attendant la sortie de la deuxième partie du projet, Noche partira en tournée avec bbno$, autre pop-star canadienne qui fait un tabac partout sur la planète. Le producteur continuera évidemment de proposer des chansons originales et des remix, tout en restant ouvert aux offres des différentes maisons de disques qui se bousculent à son portillon depuis la parution d’un remix officiel d’une chanson d’Amber Mark, populaire chanteuse R&B américaine et, accessoirement, très bonne amie de Sabrina Carpenter.

« Mes DMs sont remplis de labels. Je suis déjà allé en rencontrer beaucoup, mais honnêtement, je veux y aller lentement. Étant donné mon âge, je ne veux rien signer qui puisse miner ma motivation. J’ai pas le temps de faire une erreur que j’aurais pu faire, par exemple, au début de ma vingtaine. Dans mon cas, un mauvais deal de 10 ans, ça m’amène à 50 ans. J’ai pas le temps pour un mauvais deal. »