Le long chemin, son douzième et nouvel album est né d’un face-à-face. Avec un pick up. Nicola Ciccone roulait paisiblement un après-midi de l’hiver 2018 sur une route de Sutton quand l’impitoyable glace noire lui fit perdre le contrôle de sa monture, puis : Bang ! Six mois de convalescence avec entorse cervicale et commotion cérébrale.

Nicolas CicconeAlors qu’est-ce qu’on fait ? On écrit. « Ça m’a aidé à guérir, à me relever confie-t-il. De toute manière, la musique m’a toujours sauvé la vie. Six mois de physio, de chiro, d’ostéo, je ne dormais pas la nuit, j’avais beaucoup de douleurs. Je pensais écrire un album méga-dark durant ma convalescence et paradoxalement ce sont des chansons ensoleillées et positives qui en sont ressorties. La création, c’est pas toujours concret on est beaucoup dans l’inconscient, dans l’abstrait, dans l’émotion. Il n’y a pas une chanson qui porte le titre : Je-guéris-de-mon-accident ».

« L’inspiration, ça fait pas des chansons, ça les commence. C’est pourquoi je me considère comme un ouvrier de la chanson. Même si j’ai la page blanche devant moi, je bûche ! La chanson Le long chemin m’a pris un mois à peaufiner ».

Au bout des onze nouvelles chansons choisies parmi la vingtaine écrite (on retient surtout : Elle, Pleure, Love is like a loaded gun, Superman est une femme) et de la reprise de Oh, toi mon père (parue sur l’album Esprit libre en 2016), le constat s’est fait tout seul.

« Je suis un humaniste, je fais de la musique pour les êtres humains. La première chanson que j’ai écrite, c’était pour charmer une fille. Je suis chanceux d’avoir un public essentiellement féminin. Mais les hommes sont toujours les bienvenus ! Tu ris, mais il y a beaucoup de gars qui m’écrivent quand certaines chansons les touchent et leur donnent du courage. Ça fait un velours ».

Voilà un disque sans prétention qui coule parfaitement bien et qui donne envie d’y revenir. Il n’y a pas de chansons révolutionnairement novatrices, mais une alternance de titres intimistes qui donnent un cocktail intéressant de perles qui ne sont pas noyées dans le bocal studio et du coup elles reçoivent l’écrin musical adéquat.

« J’aime la simplicité. Quand je suis arrivé en studio, j’ai dit à mes musiciens : je ne veux pas de loops, pas de séquences, je veux juste des instruments qui sont vrais. Les gars capotaient (rires). Manquait juste l’ingrédient ultime : l’émotion. Je suis italien, j’aime les envolées vocales, j’aime ça quand ça monte ! Mais je n’ai pas la même personnalité vocale quand je chante en anglais ou en italien. C’est bien spécial ».

Nicola Ciccone a frayé avec les hauts sommets depuis 1999. Des chansons comme Ciao Bella, Chanson pour Marie et L’opéra du mendiant sont espérées en concert. À titre d’exemple, J’t’aime tout court, extraite de son troisième album du même nom en 2003 (qui deviendra disque platine avec ses 100 000 copies vendues) fut sacrée Chanson populaire de l’année au Gala de l’Adisq en 2004 avant de recevoir le Prix Reconnaissance remis par l’Adisq en 2006 pour avoir passé plus de cent semaines au sommet du palmarès des ventes. La chanson Tu m’aimes quand même a reçu les honneurs de la SOCAN en 2011 pour avoir figuré parmi les dix chansons les plus populaires de cette année-là.

« Je n’ai jamais eu une bourse de création de la SOCAN, faudrait bien que je leur demande ! (éclats de rire) Non, non, je fais des farces. À mes débuts en 1999, je lisais Paroles et Musique, je voulais connaitre les trucs du métier, sur l’édition, sur les auteurs, j’essayais de faire du réseautage, j’essayais de rentrer dans le showbizz, mais j’avais sous la main des chansons moins accessibles comme L’opéra du mendiant, Le menteur, des chansons très idéalistes. Je voulais être dans le showbizz, mais pas n’importe comment et à tout prix. 22 ans plus tard, je fais le métier sans compromis. C’est sûr que cette belle tête de cochon de jadis m’a bien servie ».

Le paysage actuel de l’industrie de la musique au Québec et partout dans le monde le rend-il optimiste ? « Y a pas de solutions miracles. La musique garde sa valeur, elle est toujours précieuse au cœur des artistes et du public. Quand tu es auteur-compositeur pis que t’as un nom italien, faut que tu défriches ! Ce qui fait qu’aujourd’hui, au Québec, nous sommes tous des artistes émergents, pas de farce ! Surtout les auteurs-compositeurs. À chaque fois qu’on met une chanson sur le marché, c’est presque comme si on mettait un nouvel artiste au monde ».