Nate Husser n’aime pas parler pour rien. Volubile au micro, infatigable sur scène, le rappeur de 26 ans se fait paradoxalement discret en entrevue. « Je me concentre entièrement sur la musique », lance-t-il, sans chercher à se justifier.

Rejoint dans un café de la rue Sainte-Catherine, artère qu’il documente avec une rage à la fois contenue et explosive sur son brulot rap rock Catherine, le Montréalais d’origine dialogue avec une concision à toute épreuve, sans s’épancher. « J’ai beaucoup de sentiments partagés envers cette rue. Autant de lumière que de noirceur », résume l’artiste qui a grandi « à 10 minutes de marche » du centre-ville.

Explicite sans être martelée, la violence qui transparait dans un texte sombre comme celui de Catherine s’ancre dans le tumultueux parcours de vie de son auteur. Plus jeune, les expériences agitées que Nate Husser a vécues dans sa Petite-Bourgogne natale l’ont profondément marqué. « J’ai grandi très vite, beaucoup plus que bien d’autres personnes. Rapidement, j’ai été témoin de plusieurs choses dans la rue. J’ai connu la violence, la corruption, j’ai vu des gens se retourner les uns contre les autres… Tout ça avant l’adolescence », confie-t-il, dans un rare élan loquace.

Les histoires sinueuses du jeune Husser allaient lui servir de canevas pour la suite des choses. Entre l’école, le travail et les manigances de « grindin’ et de hustlin’ » pour arriver à subsister, celui qui habite dans un sous-sol chez sa mère se découvre une passion pour le rap. À la fin de son adolescence, il rencontre ses futurs complices des Posterz, Joey Sherrett et Kris The $pirit. « Nos chemins se sont croisés dans un centre communautaire de la Petite-Bourgogne. Il y avait un studio en bas des marches », se souvient-il, froidement.

Entre 2013 et 2016, The Posterz enregistre trois EPs qui obtiennent un succès d’estime au Québec et un rayonnement prometteur à l’international. Satisfait de l’œuvre de son groupe, Nate Husser désire toutefois augmenter la cadence et donner libre cours à sa créativité avec un projet solo. Paru l’automne dernier sous Cult Nation et salué par plusieurs médias d’envergure comme Noisey et The Source, Geto Rock for the Youth est à l’image des contradictions qui habitent son créateur : désinvolte mais incisif, éparpillé mais dense.

Tapissée de références au tournant des années 2000, entre autres à Eminem et au nu-metal américain, la trame musicale de cet EP est représentative de la nostalgie qui habite l’artiste. « Quand j’étais petit, je n’étais pas exposé aux stations de radio hip-hop. Ce qui jouait sur les ondes était en grande partie du pop, du rock et de l’alternatif. Tout ça est resté en moi et a influencé ma musique », observe celui qui a notamment fait appel à ses amis producteurs Joey Sherrett, Mike Shabb, Maky Lavender, Ajust et Jay Century pour la composition de ce premier mini-album, qui cumule plus de 300 000 écoutes sur Spotify.

Adepte de freestyle, comme en témoigne la chanson Paid to Party qui a été entièrement improvisée, Nate Husser s’exprime franchement lorsqu’il empoigne un micro. Sans proposer un rap engagé, il reconnait l’importance de l’authenticité, cette valeur indéfectible de la culture hip-hop. « Je préfère informer les gens de ma réalité plutôt que de me vanter ou d’essayer d’avoir l’air cool. À mon avis, il doit toujours y  avoir un message à saisir dans une chanson, quel qu’en soit son poids ou sa profondeur. Si ton sujet, c’est de prendre de la molly, tu dois l’incarner et en parler de façon réelle, authentique. C’est la même chose pour un sujet comme la politique. »

Cette approche sincère est mise de l’avant dans Like It Doesn’t Hurt, une collaboration avec sa collègue d’étiquette Charlotte Cardin dont le saisissant clip a maintenant dépassé le cap des cinq millions de visionnements. Pour écrire ce texte à propos d’une relation tortueuse qui bat de l’aile, Nate Husser n’a pas eu besoin de chercher bien loin. « C’est entièrement basé sur mon expérience de vie, ce qui est facile pour moi… J’ai vécu beaucoup de situations complètement folles et, de toute façon, je ne suis pas bon pour imaginer des choses. »

Dans un tout autre style, KillaKop frappe également par son récit intense, sans détour, et qui laisse peu d’ambiguïté sur la violence qui l’habitait à l’époque. « En 2014, je faisais face à deux cas d’agression contre des agents de police. Pendant un an et demi, j’ai fait des allers-retours au tribunal pour absolument aucune raison. Seulement des mensonges et de la merde ! Je me suis dit que, tant qu’à aller derrière les barreaux, aussi bien avoir quelque chose à me reprocher. »

Heureusement, ces idées noires ont quitté l’esprit du rappeur depuis. En fait, c’est un tout nouveau mode de vie, beaucoup plus sain, qu’il convoite. « J’essaie d’être plus normal, plus calme. Tout ça a évidemment un impact sur le contenu de mes textes, car pour la première fois de ma vie, je suis heureux. »

Avec ses prochains projets, qui contiendront sans doute plus de lumière, Nate Husser veut prouver sa pertinence et sa valeur au-delà du cercle rap de la métropole. « Je ne veux pas que les gens me voient uniquement comme un rappeur, mais bien comme un artiste à part entière », souhaite celui qui a remporté le prix de l’artiste anglophone de l’année au dernier gala Dynastie, récompensant les personnalités québécoises issues des communautés noires. « Le rap, c’est quelque chose que je peux faire, mais je sais également faire plein d’autre choses, comme écrire et produire des chansons. »