« Tu vois, je pars pour Portneuf avec Ariane Moffatt après notre entretien. C’est pas mal ça ma vie, je suis tout le temps sur la route. Quand ce n’est pas pour moi, c’est pour les autres. » Depuis un an, celle qui s’est rebaptisée Marie-Pierre Arthur jumelle deux emplois du temps, celui d’accompagnatrice bassiste et surtout, ces derniers mois, celui de musicienne, auteure et interprète à part entière. La grande brune aux yeux rêveurs signait en mars 2009 un premier disque éponyme pour la maison de disque Bonsound (Yann Perreau), des chansons intimistes finement arrangées, qui mêlent pop et folk, habitées d’air et de quelques brins de terre.

 

Et la vie semble bonne depuis que Marie-Pierre Arthur ose chanter ses états d’âme. Les critiques ont embrassé tout de go la nouvelle venue dont les nominations ici et là (Gamiq, Adisq, révélation musicale à Radio-Canada, nomination pour le prix Félix-Leclerc aux FrancoFolies de Montréal) révèlent le succès d’estime que la demoiselle remporte partout où elle va. Comme sa personnalité, son tracé est jalonné d’un enthousiasme contagieux et d’un profond goût du partage.

 

Le chemin vers soi

« C’est ma voix qui m’a emmenée vers ce premier disque. J’ai toujours chanté, avant même de jouer de la basse. J’ai même étudié le chant jazz. » L’étincelle vers la création s’allume lorsque Marie-Pierre s’entoure de François Lafontaine, Louis-Jean Cormier (deux membres de Karkwa), Olivier Langevin et Robbie Kuster (batteur pour Patrick Watson) pour reprendre et déconstruire des chansons populaires sous l’identité de Marie et les Marchands d’armes. Le plaisir est alors si fort qu’il dérange le train-train quotidien. « C’était tellement libérateur… Tellement que c’était rendu impossible de ne plus vivre ça tout plein de fois. C’était pas tant l’envie d’être chanteuse qui me rongeait que celui de créer. Je demandais même que ça s’arrête cette envie-là, parce c’était dans mes jambes. J’avais une vie qui allait bien, j’avais pas besoin de ça. »

 

Une graine de liberté germe. À la maison, Marie-Pierre débute l’écriture de trames musicales, seule. C’est toutefois en compagnie de son amoureux François Lafontaine, claviériste pour Karkwa, qu’elle compose le simple « Pourquoi », unique collaboration. Bien que Lafontaine signe d’autres plages musicales sur le disque, il insuffle avant tout à la musicienne une sorte de disposition à la création. « La façon d’être de François m’a poussée vers ma propre voie. Y’est tout le temps lousse, ouvert à la musique qui est en lui, alors que moi, j’abordais tout ça en rendant des comptes, en opérant. Je réalisais que je ne me faisais pas assez de fun. La musique était devenue un travail, à la longue. »

 

Si la voie vers les notes semblait couler de soi pour la musicienne, l’idée d’écrire des textes générait plus d’une peur. Encore aujourd’hui, Marie-Pierre Arthur se défend bien d’être une auteure, bien qu’elle co-signe presque la totalité des paroles sur la galette. Pour trouver les mots justes, la jeune femme de trente ans s’acoquine les services de sa bonne amie, la chanteuse Gaële. Ensemble, les pages du journal intime de Marie-Pierre en main, elles ont cherché les mots qui faisaient peau. « J’arrivais avec les musiques, on s’assoyait, et elle sortait des mots qui collaient à mon journal, à mes histoires. On travaillait en live, je reprenais la phrase six fois de suite. Y’a des mots que je refusais de dire même si l’image était magnifique. C’était tout un travail entre une Gaspésienne et une Française, deux phrasés très différents. »

 

L’esprit du clan

Ces racines de la Gaspésie, l’air salin du fleuve à Grande-Vallée, ont aussi laissé quelques traces. Il y a ce nouveau nom qui vient d’une expression du coin, la « Marie-Pierre à Arthur » raccourcie et optimisée. Et aussi une manière de faire posée et enveloppante, propre à la petite enfance de celle qui est née Fournier. « Toute notre enfance a été habitée par la musique. Ma mère et mon père enseignaient à la maison, y’avait des ti-gars qui grattaient une guitare, des ti-filles qui jouaient du piano. On ne se prenait pas la tête avec la musique, rien de ça n’était entouré de discipline. J’ai donc jamais associé la musique à la performance. »

 

La famille reste, malgré un nouveau parcours solo, chère au cœur de Marie-Pierre Arthur. On le note à l’enregistrement de la galette éponyme qui réunit comme musiciens les anciens Marchands d’armes. Et pour la réalisation, Marie-Pierre s’entoure de Louis-Jean Cormier et François Lafontaine. Ici, la création demeure une histoire de partage afin de toucher l’essentiel, l’éveil de quelques soupçons d’âme. « J’ai pas l’orgueil de tout vouloir signer. Quand j’écoute un disque, je ne me demande pas qui a fait quoi. Je veux juste être touchée. Et j’ai plus de chance d’y arriver en étant bien entourée qu’à vouloir prouver à tout le monde que je suis capable de tout faire toute seule. »