Lorsque trois mordus de musiques bizarres mettent en commun leurs influences éclectiques au service de jams épiques, les étincelles fusent.

Population IIDe leur propre aveu, les trois gars de Population II sont de véritables nerds de musique. Lorsqu’ils ne sont pas en train d’entailler des érables ou de nettoyer des entrepôts – jobs de jour nécessaires à leur survie même s’ils promènent leur groupe du Royaume-Uni au Texas – Pierre-Luc Gratton (batterie, chant), Sébastien Provençal (basse) et Tristan Lacombe (claviers, guitares) poursuivent leur recherche de sons nouveaux (mais surtout anciens) pour nourrir et stimuler leur créativité débordante.

« C’est un peu une maladie », confirme Sébastien. « Y’a pas une journée qui passe sans que je me mette en quête d’un obscur band hardcore du Midwest des années 80 ! »

Si notre conversation porte essentiellement sur la création de Maintenant Jamais nouvel album du meilleur-power-trio-de-rock-garage-psychédélique-groovy-prog-pop-des-Basses-Laurentides, la discussion prend de nombreux détours, pouvant se transformer à l’occasion en cours magistral sur la manière dont le krautrock de Can et le proto rap de Gil Scott Heron ont donné naissance à la post-pop rétrofuturiste de Stereolab (« je te jure, il y a une ligne directe entre le groove de The Revolution Will Not Be Televised et l’album Emperor Tomato Ketchup, proclame Sébastien).

Autant d’influences que les membres du groupe ont accumulées après avoir été mis sur le chemin de la découverte à l’adolescence. « Le père de Tristan, qui était musicien, nous a beaucoup influencés en nous faisant découvrir des trucs originaux », se souvient Sébastien. « Un jour, il nous a dit: “vous allez vous asseoir et écouter du Funkadelic, puis vous allez jouer des tounes de Funkadelic”. Grâce à lui, je suis allé voir Bootsy Collins quand j’avais 16 ans. Et j’ai surtout compris que la musique n’existait pas dans le vide. Il nous expliquait qu’à l’époque où Détroit groovait au son de Motown et de Funkadelic, y avait aussi des groupes heavy comme MC5 et les Stooges. »

Voilà l’ADN de Population II. Depuis leurs tous débuts, ces “Électrons libres du Québec”, pour reprendre le titre de leur album précédent, s’affairent à réconcilier les extrêmes. « On cherche constamment à faire des agencements improbables, confirme Sébastien. Est-ce que je peux mélanger Matching Mold, qui est un de nos groupes préférés à tous les trois, avec Isaac Hayes ? Ça semble étrange, mais pourtant ça se fait ! C’est ça l’approche Population II : on a choisi de jouer de la musique humaine sur des instruments vintages, en rupture avec les goûts de notre époque. »

Population II, La Trippance, video

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Leur perplexité face à la musique contemporaine, que Pierre-Luc, après avoir avoué son incompréhension face au courant hyperpop, qualifie de “frette”, ne fait qu’amplifier leur statut d’outsiders. Les gars de Population II existent dans la marge, motivés par un sentiment créatif qu’ils nomment “La Trippance”, délicieux néologisme qui donne son titre à l’une des pièces de l’album qui cite aussi un certain Raoûl Duguay.

« Je pense qu’on ne parle pas assez de l’importance de weirdos comme Raôul Duguay dans l’évolution de la culture québécoise », déclare Pierre-Luc. « Son partenaire de L’Infonie, Walter Boudreau, a quand même étudié avec Karlheinz Stockhausen ! Avec lui, j’ai découvert toute la contre-culture québécoise. »

Chez Population II, parler de musique est une autre manière de faire de la musique. Le discours et l’art semblent se confondre, non seulement sur La Trippance, mentionnée plus tôt ; mais aussi sur Prévisions, la chanson la plus autoréférentielle de l’album, qui mentionne leur local de répétition et nomme Dominic Vanchesteing (Marie Davidson, Bernardo Femminielli), qui succède à Emmanuel Éthier dans le siège du réalisateur. Selon Sébastien, c’est Dominic qui a poussé les gars à explorer du côté des grooves soul et R&B.

« On a voulu aller ailleurs tout en honorant ce qui nous a toujours animés », explique Pierre-Luc. « À force de jouer ensemble, c’est sûr qu’on est devenus plus tight, mais c’est important de garder quelque chose de naturel. On est très fans du cinéma direct et je trouve que cet album a quelque chose qui me fait penser à ça. C’est une photo de nous prise à un moment précis et on l’aime comme ça ; on a ajouté des couleurs çà et là, mais elle n’a pas besoin de retouches. »