Rares sont les femmes qui embrassent le métier de compositrice à l’image, ici comme ailleurs. Le parcours de Louise Tremblay révèle une opportunité unique qu’elle a su relever avec passion et détermination. Il n’y a qu’à entendre le timbre de sa voix, le flot rapide de ses mots, ses réponses toujours généreuses pour comprendre que la musicienne, devenue compositrice, chérit ce métier.

Tremblay, qui avait réalisé une maîtrise en piano performance à l’Université McGill, en plus d’enseigner et d’accompagner pendant plusieurs années, regardait souvent son partenaire de vie, James Gelfand, travailler tout en commentant son travail de composition sur image. « J’entendais souvent de la musique, des rythmes, un instrument à ce qu’il me présentait. James, qui débordait de travail, m’a un jour demandé de venir et d’écrire ce que j’entendais.  En 2006, on a commencé simplement avec du montage sonore sur le logiciel Cubase. J’ai ainsi appris à placer la musique, les entrées et les sorties, couper et recomposer de petites sections pour mieux arrimer la musique à l’image. »

Louise TremblaySon premier travail de composition, elle le réalise quelques mois après, sur l’émission Naked Science pour National Geographic. Elle compose alors des banques de musique à la suite d’une discussion avec le producteur et le réalisateur. « Je me souviens que nous n’avions même pas vu d’images, mais que nous devions tout de même composer. On avait reçu des indications plutôt floues, nous indiquant que cela se passait dans les montagnes et qu’il y avait des images d’avion. Les extraits musicaux devaient durer de 2 à 3 minutes – une durée plutôt longue. » Le résultat fort apprécié consolide une intuition qui habitait Louise Tremblay depuis longtemps, sa capacité à la composition, à sentir des couleurs musicales sur des images.

Une équipe toute étoile est alors née, celle connue sous le nom de Tremblay-Gelfand. Le duo signe autour de 6 trames musicales de films ou de documentaires par année depuis plus de 10 ans. Une productivité hors du commun comme le révèle leur feuille de route impressionnante, et dont leur travail récent sur le film « Swept Under » leur a valu le prix Musique de film lors du Gala de la SOCAN 2017, à Montréal.

Malgré cette union dans la composition, le couple au quotidien conserve précieusement des territoires sacrés à la création, des espaces à soi. Au début de tout projet, Louise et James partent chacun de leur côté avec le scénario en main. En solo, ils réalisent leurs recherches, de couleurs musicales, d’harmonies, d’ambiances et d’instruments au sein de leur studio respectif. Car oui chez les Tremblay-Gelfand se trouvent deux studios, sur deux étages différents, afin d’assurer cet espace nécessaire à la composition.

Après cette étape solitaire, le couple réunit ses forces pour la première rencontre de création avec réalisateur et producteur. Toutes les propositions sont alors offertes. « Nous ramenons ensuite nos intuitions créatives ensemble. Et nous les présentons sans toutefois nommer de qui viennent ces propositions. Nous voulons être neutres par rapport à ça. N’avoir aucun parti pris. »

Après la lecture du scénario, Tremblay parle de ces réunions comme étant essentielles pour tous projets de films et de documentaires. C’est là qu’une direction est donnée, une vision est saisie. « Nous devons comme compositeur comprendre les attentes des réalisateurs et des producteurs qui n’ont pas nécessairement le vocabulaire musical. Il s’agit de bien cerner ce qui a été aimé, et ce qui n’a pas été désiré et de comprendre pourquoi. Cela demande une grande écoute. »

Une fois qu’une direction est choisie, les forces sont alors réunies. Le duo fait équipe dans une seule et même direction. « C’est à ce moment-là que nous devenons un. Cela n’a alors plus d’importance qui compose quoi et qui fait quoi. Il n’est question que de livrer ce qui est désiré et nous travaillons sans ego dans cette direction. » Tremblay admet avoir beaucoup appris de Gelfand qui avait une longueur d’avance sur ce métier, ayant œuvré pendant plus de 30 ans comme compositeur sur image.

C’est tout particulièrement au sein de ses rencontres avec producteur et réalisateur où Louise Tremblay a appris le plus. Car ce n’est pas que le talent qui apporte des contrats aux compositeurs, mais aussi, sa capacité à entendre son équipe de travail, sa flexibilité face aux demandes, son recul par rapport à ses compositions. « Je suis un peu comme une adolescente et James est très adulte. J’ai beaucoup appris à le voir interagir. Son aisance à s’adapter, à écouter ce qui est dit et à ne rien prendre personnel… »

Malgré l’expérience maintenant acquise, il y a manifestement cette impression d’apprendre continuellement chez Louise Tremblay, ensemble ou seule en studio, au sein d’un métier où il faut toujours se renouveler.