D’une durée d’à peine deux minutes, « Congratulations », le plus récent titre de la chanteuse R&B torontoise Liza (prononcé Lisa, alias Liza Yohannes), est une chanson bien ficelée qui exprime le bonheur véritable qu’éprouve une jeune femme de voir que son ancien amoureux a refait sa vie. Simplement accompagnée d’une guitare aux accents faiblement nostalgiques, « Congratulations » met habilement en valeur la voix de Liza en lui donnant un air de sincérité et de magnanimité dans une situation où elle aurait facilement pu donner dans l’aigreur.

Liza a co-écrit cette chanson avec Jay Century et Michael Bernard Fitzgerald lors du camp de création Kenekt 2018 de la SOCAN dans l’île Pender, en Colombie-Britannique, après être tombée sur son ancien petit ami en consultant distraitement Instagram.

« Je l’avais complètement oublié à ce stade, je m’étais interdit d’y penser, j’avais tourné la page, réellement », explique Liza. « Et j’étais comme, ‘Oh, le voici, il a une nouvelle petite amie, et il fait ça, et ça, et ça, alors félicitations! » C’est littéralement le premier mot qui m’est venu à l’esprit, puis cette chanson a plutôt pris la forme d’une conversation. »

Tout comme « You », un air de son EP de quatre chansons de 2017, February 29, « Congratulations » porte sur son ancien amoureux joueur de football – elle renferme une illustration composée d’un bouquet de roses séchées jetées sur une dalle de béton, mais il y a un rapport : « La chanson ‘Congratulations’ est la dernière que j’ai écrite au sujet de la personne sur laquelle ma chanson « You » portait, donc ça ferme plus ou moins le chapitre sur cette personne », confie Liza. « Je trouvais que c’était parfait : la fin de la décennie, la fin de l’année. Même au point de vue sonore, la chanson a un air de fin d’année. »

« Congratulations » n’est que la quatrième piste que Liza ait lancée depuis son EP de 2017, les trois précédentes ayant été les titres éthérés « Here to Stay », « Passes Me » et « Morning Glory », mais c’est là le fruit d’une approche délibérée. « Honnêtement, je suis profondément convaincue que la qualité l’emporte sur la qualité. Je ne tiens pas à lancer mes œuvres prématurément » explique Liza. « Côté processus de création, j’ai parfois tendance à être un peu perfectionniste, je me montre très sévère à l’égard de mes œuvres à moi et de tout le reste. Simplement parce que je tiens à me montrer sous mon meilleur jour. Il faut que la prochaine chanson que je lance soit toujours meilleure que la dernière. Je ne veux jamais cesser de m’améliorer. Et je tiens décidément à éviter la sursaturation. Je veux que mes chansons durent. »

« Il faut que la prochaine chanson que je lance soit toujours meilleure que la dernière. »

Qu’elle écrive seule ou en compagnie de l’auteur-compositeur Kalvin ou de producteurs en émergence comme Akeel Henry, Liza produit non seulement un son qui incarne le R&B de son enfance, mais également la musique qu’elle a entendue en grandissant dans une maison où la culture éthiopienne régnait en maître.

« J’avais l’habitude d’aller passer quelques mois en Éthiopie tous les deux ans pour m’imprégner de la culture, de la musicalité de la langue, de la cuisine, tout », raconte Liza. « Je savais par cœur les paroles de toutes ces chansons éthiopiennes depuis l’âge de trois ou quatre ans. Et, à cause de ça, je sens que cela influence certainement ma façon de chanter. C’est curieux, mais je n’avais jamais vraiment songé à ça avant que les gens commencent à me dire que je leur rappelais tel ou tel chanteur éthiopien. » Liza cite les chanteurs Aster Aweke, Mahmoud Ahmed et Teddy Afro ainsi que des artistes de jazz éthiopiens comme Mulatu Astatke parmi les principales influences de sa vie musicale. Pas étonnant que la somme de ses influences soit de plus en plus remarquée et appréciée à sa juste valeur.

Liza obtenait récemment un crédit d’écriture, en plus d’un rôle de choriste, pour « Complexities », une chanson qui fait partie du second album de Daniel Caesar, CASE STUDY 01, même si elle ne l’a jamais rencontré. « Je n’avais aucune idée que cette musique serait utilisée sur l’album », s’étonne Liza. « En ce qui me concernait, je pensais que [le producteur Alex Ernewein et moi] étions en train de travailler sur une idée pour moi, et puis l’idée m’est plus ou moins sortie de la tête. Et puis oui, Alex a mentionné quelque chose au sujet de l’album [de Daniel Caesar], mais je ne pensais pas que c’était quelque chose qui allait se retrouver sur cet album, donc j’étais comme ‘OK, je vais attendre qu’on voit ça en ligne.’ Mais ça s’est effectivement réalisé. Ça été une merveilleuse expérience. » Elle partage son crédit d’écriture avec Ethan Ashby, Liam Mitro et SeanLeon.

Alors que sa carrière a le vent dans les voiles et que « Congratulations » marque la fin d’une époque de sa vie, Liza contemple aujourd’hui un nouveau projet pour le début de 2010. Même si elle s’est déjà distinguée comme artiste, elle a décidément l’intention de continuer à se dépasser.

« J’ai l’impression d’avoir beaucoup grandi comme personne et comme femme. Simplement le fait d’être plus indépendante dans plusieurs domaines de ma vie », confie Liza. « Je sens que tout ça m’a vraiment forcée à m’engager plus en profondeur à travers l’écriture, à découvrir qui je voudrais devenir, qui je suis, et à vraiment mieux me comprendre. Je pense juste que j’ai commencé à me comprendre d’une manière plus globale, et c’est quelque chose qui est venu avec le temps. Je pense que mon son sera plus mûr à cause de ça. »



Quand Callie McCullough était en première année, elle a écrit dans son journal intime « Quand je serai grande, je serai une chanteuse ». Mais en réalité, cette passion pour la musique a commencé bien avant qu’elle sache lire ou écrire. Sa mère dit même qu’elle est « née en chantant ».

L’amour de McCullough pour la musique lui a été insufflé par ses parents mélomanes chez qui ont retrouvait d’innombrables albums folk, country, rock et blues. Mais ce n’est pas qu’à la maison que la musique de Gordon Lightfoot ou Joni Mitchell était omniprésente ; ce sont également des artistes de scène et de studio qui ont aidé Callie à former sa vision du monde. « C’était tellement normal pour moi », dit-elle.

Ce sentiment de normalité a permis à McCullough d’écrire sa première chanson à l’âge de 14 ans, peu de temps avant de partir en tournée en duo country avec sa mère. « Elle m’a tout appris », dit McCullough. « Comment trouver des engagements, comment m’exprimer sur scène, comment m’occuper de l’éclairage et du son. »

Quand elle est arrivée dans la vingtaine, elle a ressenti l’appel de Nashville. À l’issue d’une tournée en famille, elle a décidé de s’installer là-bas de manière permanente, à l’instar de nombreux artistes country canadiens qui souhaitent percer.

Callie McCullough lancera en 2020 son premier EP en solo, After Midnight, dont les six chansons ont été coécrites et produites par des compatriotes canadiens établis à Nashville, soit Scotty Kipfer, Ryan Sorestad et Dustin Olyan. « Five Dollar Pearls », le premier extrait, est une ballade mielleuse enjolivée d’envolées au banjo qui met en vedette la voix attachante de Callie.

Elle admet volontiers vivre encore « les hauts et les bas de l’industrie » à mesure qu’elle s’adapte à la frénésie de la vie dans le sud des États-Unis, et After Midnight est le projet qui l’a aidée à demeurer motivée. « Je ferai toujours ce métier, même si personne ne m’écoute », dit-elle, déterminée à faire les choses à sa manière, qui n’est pas toujours en phase avec ce qui est à la mode dans le domaine de la musique country. « Cet album représente exactement qui je suis », affirme l’artiste. « On a volontairement amalgamé les genres et les attentes avec comme seul but de créer de la bonne musique.

Personne ne sait comment la qualifier, et ça me convient parfaitement. »



La vie de Tally et de Mandee a radicalement changé dans les derniers mois. Sous contrat avec la compagnie d’édition américaine Sony/ATV Music, les deux autrices-compositrices montréalaises également connues sous le nom de Heartbeat convoitent maintenant rien de moins que le sommet de la pop internationale.

Tout commence en 2010. Invitées à une session d’écriture du producteur montréalais The OC, maintenant connu sous la bannière Retro Future, les deux jeunes femmes ont rapidement développé une chimie. « Ça a tellement cliqué que je l’ai invitée chez moi juste après pour qu’on crée ensemble. On a fait trois chansons le premier soir, se souvient Tally. Mais on voyait vraiment juste ça comme un hobbie. »

Les deux artistes apprennent les forces de l’une et de l’autre au courant de ces premières rencontres : Tally planche en grande partie sur les paroles, tandis que Mandee s’occupe principalement des mélodies. Cette dernière chante également les textes sur des démos, qu’elles envoient ensuite à de nouveaux artistes ou à des responsables de division A&R (artistes et répertoire), section d’un label chargée de la découverte de nouveaux talents. « Notre game, c’est de placer des chansons, et non de sortir un projet. On peut dire qu’on est des artistes en cachette », explique Mandee.

« Ce qui nous intéresse, c’est la racine des choses, la matière première de la création. », Mandee, Heartbeat

En neuf ans, les deux acolytes ont touché à plusieurs styles, du hip-hop au dance, en passant par le R&B et, plus récemment, le reggaeton. Elles ont écrit pour plusieurs artistes canadiens en pleine éclosion comme Benita, Keshia Chanté, Adam D. et Divine Lightbody, en plus de s’allier à des rappeurs montréalais reconnus comme Rymz, Zach Zoya et Nate Husser. La teneur de leur implication varie d’une collaboration à l’autre, passant d’une chanson complète à un refrain ou à un couplet.

« Des fois aussi, c’est juste pour stimuler l’inspiration d’un artiste. Mon bon ami Nate, par exemple, il est venu me voir parce qu’il avait envie d’avoir une nouvelle perspective sur sa création. Il me disait être exaspéré de la manière dont son cerveau fonctionnait. On est donc allés s’asseoir pour parler, et on a fini par écrire Tunnel Vision. Ça m’a permis de parler de trucs plus rough que d’habitude. C’était vraiment intéressant comme exercice. »

Et ce genre d’exercice de coulisses ne cache pas nécessairement une timidité ou une peur de s’afficher publiquement. C’est simplement une question de goût et d’intérêt, selon ce que disent les musiciennes. «La vie d’artiste, ça implique des spectacles, de la promo… Tout ça finit par couper du temps en studio. Nous, ce qui nous intéresse, c’est la racine des choses, la matière première de la création. On veut que les gens dans l’industrie connaissent nos forces et fassent appel à nous pour ça», explique Mandee.

C’est ce qui est arrivé en août dernier lorsque Heartbeat a signé son contrat avec Sony/ATV et Stellar Songs, une entreprise d’édition cofondée par Tor-Erik Hermansen (moitié du duo de producteurs pop norvégien Stargate), et gérée par le producteur britannique Tim Blacksmith et l’homme d’affaires Danny D.

C’est d’ailleurs par l’entremise de la femme de ce dernier, une Québécoise, que leur alliance a pris forme, au printemps 2018. À ce moment-là, Mandee travaillait dans un salon de bronzage. « Un jour, il y a un monsieur d’un certain âge qui arrive avec sa femme et qui s’assoit avec moi pour me parler pendant qu’elle bronze. Il me demande ce que je fais dans la vie et je lui dis que je fais de la musique. Il me dit : ‘’C’est vraiment spécial, car ma fille est mariée avec un big shot guy, un gars vraiment important dans l’industrie.’’ Il finit par me donner son courriel. Je suis un peu sceptique, mais j’en parle quand même à Tally, et on finit par lui envoyer des chansons. Deux jours plus tard, elle nous réécrit pour avoir d’autre matériel. Puis, après quelques courriels, on finit par la rencontrer, et son mari, Danny D, nous invite à venir le rejoindre à Los Angeles. »

En mai de la même année, Tally et Mandee se rendent donc à L.A. à leurs frais, et elles écrivent 19 chansons en deux semaines. Sur place, elles mettent en branle leurs contacts et rencontrent Keshia Chanté et JC Chasez, ex-’N Sync. Plus que satisfait de leur travail, Danny D leur promet un contrat… qui n’arrive malheureusement pas. « C’est là qu’on a compris comment l’industrie fonctionnait. Faut pas croire tout ce qu’on nous dit, tant que rien n’est signé », indique Mandee.

En octobre 2018, leur ami Barnev (choriste de Céline Dion) les invite à revenir à L.A., où elles feront encore une fois plusieurs rencontres importantes. De passage dans cette même ville, leur avocat Bob Celestin, l’un des plus reconnus au monde dans l’industrie de la musique, rencontre Danny D. Et la promesse d’un contrat resurgit. « Mais on attend, on attend… Et on reçoit rien. On a été assez moody jusqu’à la dernière journée », admet Tally.

Cette « dernière journée », le producteur Rodney Jerkins alias Darkchild (reconnu pour son travail avec Destiny’s Child, Lady Gaga et bien d’autres canons de la pop) les invite dans son « huge mansion » et ne perd pas de temps à leur faire une contre-offre. Dans les mois qui suivent, les compagnies d’édition APG et Kobalt en feront de même, ce qui pressera Stellar Songs et Sony/ATV d’aller officiellement de l’avant avec une offre. Des négociations s’ensuivront dès le mois de novembre 2018 pour finir par aboutir en août dernier.

Et, depuis, le nom Heartbeat résonne dans l’industrie américaine. Cet été, les deux autrices-compositrices ont participé à un camp d’écriture à Miami pour la chanteuse mexicaine Thalia, femme de l’ex-président de Sony, Tommy Mottola. C’est là qu’elles ont pour la première fois flirté avec le reggaeton. « On était complètement hors de notre zone de confort, admet Mandee, mais c’était une expérience fabuleuse, très enrichissante. »

« Plus que jamais, on veut toucher à tout et expérimenter. On veut absolument éviter de se mettre dans une boîte, poursuit Tally. Dès qu’une de nos chansons sonne trop comme quelque chose, ça veut dire qu’on est déjà en retard. Il faut toujours chercher le prochain vibe. »