Ça se passe une fois tous les deux ou trois ans. Un virus fulgurant frappe des centaines de milliers de Québécois qui se mettent soudainement à chanter en chœur. En 2004, ils clamaient tous vouloir devenir Hawaïenne. Puis ils ont parlé de grand champion international de course. En 2009, même les hommes les plus baraqués de la province évoquaient des changements dans leur corps de jeune fille… Mais le pire est survenu trois ans plus tard, lorsque ma fille de 5 ans m’a avoué, en chantant, son amour pour ma grand-mère.

Grands responsables de ces épidémies, Les Trois Accords lancent cet automne Joie d’être gai, un album dont la pièce titre s’avère un autre redoutable ver d’oreilles. « Au départ, je me suis mis à rêver que le refrain de Joie d’être gai devienne un hymne pour la communauté homosexuelle », confie le chanteur du groupe Simon Proulx. « Mais dans le fond, c’est vrai. J’ai déjà vu des garagistes faire un changement de pneus en chantant Dans Mon Corps. Si ces mêmes mécaniciens peuvent changer des pneus cette année en chantant Joie d’être gai à plein poumon, on aura réussi quelque chose. »

Exploité sous diverse forme, l’amour universel est un des thèmes récurrents de cette nouvelle offrande des Trois Accords. Idem pour les licornes, les dauphins et les arcs-en-ciel qui effectuent un retour en force avec l’émergence du mouvement seapunk présent sur le web depuis plusieurs mois. « Ce n’est pas tant sur Internet qu’on a remarqué la tendance, mais dans les dépanneurs sur le bord des autoroutes en région. Je ne sais pas trop pourquoi, mais ils ont souvent une section de bibelots de dauphin et de licorne. »

« Nous sommes moins dans la succession d’images fortes comme à nos débuts. Il y a maintenant moyen de déceler un message parfois plus sérieux dans beaucoup de nos chansons »

Les Trois AccordsLe musicien avoue être attiré par ces statuettes de porcelaine brillante et colorée. « Je les regarde à chaque fois qu’on arrête mettre de l’essence ou se délier les jambes en tournée. J’aimerais m’en acheter, mais j’ai peur du regard des autres. En fait, j’attends secrètement qu’on m’en offre. Je ne sais pas ce qui est arrivé pour qu’on se mette à trouver ça quétaine. Le dauphin est une magnifique créature de la nature. La licorne aussi, c’est pas parce qu’elles sont rares qu’elles sont laides. Celle prise en photo avec nous a été trouvée au Québec, mais je ne peux pas révéler où parce que ça attirerait les photographes du monde entier, et ce serait dangereux pour ses yeux. »

Coïncidence ou non, cette attirance pour des symboles forts de la culture nouvelle âge survient alors que l’écriture de Simon Proulx prend une nouvelle tournure poétique. « Après le succès de J’aime ta grand-mère, j’ai ressenti une pression. Je voulais être encore meilleur. Je me suis vraiment forcé pour faire des bons textes avec une dimension plus poétique, mais qui resteraient clairs et ancrés dans l’univers Trois Accords. Nous sommes moins dans la succession d’images fortes comme à nos débuts. Il y a maintenant moyen de déceler un message parfois plus sérieux dans beaucoup de nos chansons », explique-t-il en faisant référence à la pièce Les Dauphins et les licornes qui, entre les lignes, incite à sortir du placard.

Pour contraster avec ces élans poétiques, le quatuor signe du même coup son album le plus grunge en carrière. Les distorsions, la structure des compositions et leurs arrangements rappellent le son de Weezer, des Smashing Pumkins ou des Pixies. « Au secondaire, j’étais plus punk skate que grunge, mais pour ma génération, le grunge était tellement présent qu’il est entré dans la culture populaire. Malgré qu’il n’y ait jamais eu autant de distorsion sur un de nos disques, certains le voient comme le plus pop de notre répertoire. C’est dire à quel point le grunge est entré dans notre subconscient collectif », analyse celui dont la carrière solo amorcée avec le lancement de son album Simon 1 cet été n’aura finalement pas duré longtemps.

« Dès le départ, on savait que mon album solo n’allait pas interférer avec l’agenda des Trois Accords. D’ailleurs, je l’ai lancé pendant qu’on enregistrait le nouveau disque. J’aurais aimé faire un peu plus de promotions et donner quelques spectacles, mais j’ai pas eu le temps. Peut-être que j’y reviendrai après les concerts de Joie d’être gai en 2018…»

Site Web des Trois Accords : lestroisaccords.com