Les Hay Babies, c’est d’abord une rencontre, celle de trois filles allumées au concours l’Accro de la chanson du Nouveau-Brunswick. Ensemble depuis novembre 2011, Vivianne Roy (22 ans, guitare), Katrine Noël (21 ans, ukulélé) et Julie Aubé (21 ans, banjo) ont un parcours plus que respectable. Parution d’un EP (Folio) et première partie de Lisa LeBlanc en 2012, six récompenses au gala des prix MNB (Musique Nouveau-Brunswick). Puis, le trio d’auteures-compositrices-interprètes est déclaré grand vainqueur de l’édition 2013 des Francouvertes.

« On ne pensait même pas que c’était un concours. On croyait que c’était un festival, lance Vivianne en riant. Quand on est arrivées là, on s’est dit “wow, ok”, mais on n’avait aucune attente. On était installées au Nouveau-Brunswick et on faisait le trip à chaque fois pour jouer. On n’a pas pu voir beaucoup d’artistes sur scène, mais la whole affaire nous a aidées, for sure. Ça a vraiment été un tremplin en ce qui concerne le booking dans les salles et les festivals et aussi pour la production du disque. C’est vraiment ce qui a kickstarté notre carrière. »

Loin des yeux, loin du cœur

C’est en avril dernier que leur premier album complet débarquait dans les bacs. Réalisé par François Lafontaine (Karkwa, Alexandre Désilets), Mon Homesick Heart propose 11 titres aux ambiances indie-folkcountry-psyché et se veut le résultat d’une période d’écriture passée sur la route, loin de la famille et des chums. « Ça a déteint sur les chansons, » avoue C’est en avril dernier que leur premier album complet débarquait dans les bacs. Réalisé par François Lafontaine (Karkwa, Alexandre Désilets), Mon Homesick Heart propose 11 titres aux ambiances indie-folk-country-psyché.

Alors que « J’ai vendu mon char » présente le côté ludique des Babies, une pièce telle que « La toune du soundman » dévoile le groupe à son plus vulnérable et touchant. Katrine explique : « C’est la chanson la plus personnelle que j’aie écrite jusqu’à ce jour. Et l’une des premières qui parle directement de moi. J’étais partie pendant un mois et demi et j’étais homesick. Pas pour rien que l’album s’appelle de même! Je ne m’inspire pas toujours des mêmes affaires. On retrouve souvent des choses que je n’ai pas vécues. Souvent, nos chansons, c’est de la pure fiction. »

Pour les trois jeunes femmes, l’écriture est un exercice démocratique dont l’approche est différente à chaque fois. Katrine décrit : « On n’a jamais eu de méthode qui se répète. Des fois, je vais écrire une chanson au complet ou presque, je l’apporte au groupe et on la travaille ensemble. Ou alors, c’est une autre fille. D’autres fois, on aura juste un bout de texte qu’on ne peut pas finir et qui nous bloque. Ou on commence une toune toutes les trois ensemble. » Julie poursuit : « On donne toutes les trois notre deux cennes par rapport à une chanson. Ça peut même naître d’un jam, mais il n’y a pas de formule. »

Talents acadiens

Si des artistes tels que Lisa LeBlanc et Radio Radio ont réussi à se tailler une place de choix ces dernières années sur l’échiquier québécois, le talent acadien demeure encore quelque peu refermé sur lui-même. Julie : « Je crois que le problème est qu’il y a un certain complexe d’infériorité parce qu’il n’y a pas de structures pour réussir dans la musique chez nous, pas une façon de gagner sa vie en restant au Nouveau-Brunswick. Il faut aller en France, au Québec. Il faut s’exporter. Et c’est pas tout le monde qui est prêt à faire ça. Il faut sortir de sa zone de confort et c’est difficile. »

Katrine ajoute : « Le fait que de nombreux jeunes artistes acadiens commencent à gagner leur vie avec la musique incite les musiciens à aller de l’avant et à voir que c’est possible de réussir. Il y a toujours eu du talent en Acadie et il y en a encore beaucoup à découvrir. »

Succès rapides

Récolte de nombreux prix, parution d’un album porté aux nues par la critique et apprécié du public, spectacles courus par les amateurs : une reconnaissance qui a de quoi donner le vertige. Dur, dur d’être une Hay Baby? « Non. Tu sais, ne vivant pas au Québec, il y a beaucoup de choses qu’on ne sait pas. Il y a des tonnes d’articles écrits sur nous qu’on ne lira jamais. À chaque fois qu’on arrive là, on est choquées de découvrir à quel point on est connues. Sept cent personnes sont venues voir notre spectacle lors des dernières FrancoFolies, alors qu’on ne s’attendait à rien, » raconte Julie, la voix vibrante.

Vivianne : « À l’origine, je voulais travailler autour de la musique. Je ne pensais pas qu’on pouvait gagner sa vie en jouant de la musique. Je voulais être journaliste ou alors designer des pochettes d’albums, mais pas être à l’avant-plan. Ça m’a un peu prise par surprise tout ça. »

Katrine renchérit : « Depuis le début, on s’est lancées là-dedans, mais on n’a pas pris de recul. On est super choyées, contentes que notre travail porte fruit, mais je ne pense pas qu’on voit tout à fait à quel point ce qui nous arrive est huge. On est juste heureuses de pouvoir vivre de notre musique et de tripper. »

On the road (again)

Après avoir passé un été « ben relaxe », les filles attaquent l’automne avec une escale en France, une participation au ROSEQ ainsi qu’au Coup de cœur francophone, en plus d’une poignée d’autres spectacles à gauche et à droite. Vivianne : « On a aussi toutes des petits projets individuels. Puis l’an prochain, on se concentrera sur l’écriture et la réalisation du nouvel album qui pourrait bien être entièrement en anglais. On aimerait plus prendre notre temps, côté production, que le dernier disque. »

Julie poursuit : « Pour nous, l’anglais n’est qu’un choix artistique. On est toutes bilingues. On a écrit plein de chansons en anglais qu’on joue et qu’on n’a pas encore mises sur disque. Lorsque tu crées quelque chose dont tu es fière et que tu le documentes pas, je trouve ça triste. En même temps, ça pourrait nous rapprocher de nos influences country américain. Et peut-être nous aider à tourner là-bas ou dans des coins plus anglos. Ce serait un peu fou de ne pas faire entendre nos chansons aux gens. Faut pas se limiter lorsqu’on fait de la musique. Il faut explorer. Aller voir ailleurs.