« Megative a commencé sous forme de jeune pousse », explique Tim Fletcher. C’est une idée que lui-même et le réalisateur Gus Van Go caressaient depuis une dizaine d’années.

« Ça fait vingt ans qu’on se connaît », poursuit Fletcher, expliquant qu’ils partageaient ce désir de créer un pont entre « les univers magnifiques » du punk britannique des années 70, du rock steady, du label Two Tone, du reggae et du dub. C’est de là que les racines de leur inspiration proviennent. « On voulait vraiment mettre tout ça dans la même marmite et en faire un groupe », explique-t-il encore.

« On ne savait pas dans le détail ce que nous allions faire », ajoute Van Go. « Ce n’est que lorsque nous avons réuni les bonnes personnes que nous avons enclenché le processus. »

À l’exception de Fletcher, qui est basé à Montréal, les membres clés de Megative — Jesse Singer et Chris Soper (connus sous le nom de Likeminds), le chanteur reggae jamaïcain Screechy Dan et Van Go — sont tous basés à New York ou Brooklyn. Tant Fletcher — en tant que chanteur et guitariste pour The Stills — et Van Go — qui faisait partie de Me, Mom & Morgantaler — ont fait leurs débuts sur la scène indé montréalaise.

Le monstre aux multiples têtes — l’hydre — qui en résulte est un collectif dont le processus de création musicale tient autant des expériences musicales très variées de ses membres que de leur expérience commune, de leurs influences et de leurs longues carrières dans l’industrie. « Ça nous permet d’avoir une approche très fraîche et dénuée d’ego », affirme Fletcher. « Vieillir et gagner en maturité vous fait réaliser que votre vie et votre temps sont précieux, et tout ce que vous voulez c’est d’avoir du plaisir à créer de la musique. Nous sommes tous à cette étape dans nos vies. »

Singer et Soper (des réalisateurs lauréats de prix Grammy), bien qu’ils soient plus jeunes, sont tout aussi éduqués « sur les liens entre le reggae et le punk en passant par Gorillaz, Massive Attack et le dancehall moderne », explique Van Go. De même, Screechy Dan apporte un impressionnant bagage d’expérience, tout comme le percussionniste/MC/chanteur/DJ Jonny Go Figure et guitariste Alex Barbeau et le batteur Demetrius Pass, qui s’ajoutent au groupe en spectacle.

Les chansons sur l’album éponyme de Megative proviennent de diverses sources, comme l’expliquent Van Go et Fletcher : chansons existantes, « grooves » créés en studio on « jams » en groupe. « C’est un processus chanson par chanson », confie Fletcher. Et c’est un processus très relax, d’ajouter Van Go. « Ce fut un processus de découverte pour nous, car nous n’avions aucune idée à quoi ressemblerait la création d’une pièce de Megative. »

Il y avait néanmoins une vision commune. « Nous aimons tous la pesanteur apocalyptique du reggae. Ce n’est pas que du plaisir, du soleil, des hackys et des bonnes “vibes” », dit Fletcher, avant d’ajouter que le groupe souhaitait remédier en partie à ce qu’il appelle « l’épidémie d’absence de signification », une conséquence des traumatismes culturels et personnels qui affligent individuellement et en tant que société.

Rock Combat
Megative a été imaginé au milieu des années 2000 durant un long périple à San Diego où Van Go et Fletcher ont tissé des liens en partageant leur amour mutuel de l’album presque final de The Clash, Combat Rock — qui nous a donné des classiques comme « Should I Stay Or Should I Go » et « Rock The Casbah » — et qui aborde la même aliénation que Megative, ce qui n’est rien de surprenant, puisque Combat Rock a été créé et est paru à une époque où l’impression de vivre dans une société en déclin était très répandue. Fletcher et Van Go s’accordent pour dire que le ton de cet album et la discussion qu’ils ont eue à son sujet sont l’étincelle et la fondation sonore et lyrique au cœur de Megative.

« Il y a un immense sens de l’abandon et de négligence, et les gens sont à la recherche d’un sens… La crise des opiacés, être accro à des analgésiques de plus en plus puissants », poursuit-il. « Ça n’est pas une anomalie… Les gens souffrent réellement et n’arrivent pas à composer avec ce sens d’isolement sans aide. »

Il en résulte que la musique de Megative a énormément recours à des thèmes comme la paranoïa et la crise existentielle tout en lançant des appels à la bravoure afin de traverser cette sombre époque. « Tout ça semble incroyablement sérieux et sombre », dit Fletcher, « mais il y a aussi un côté absurde et humoristique. »

Sur scène, cela devient parfaitement évident. « Au beau milieu de notre tout premier spectacle, dans une toute petite ville au Québec, je suis en train de jouer de la basse perché sur une table tandis que Screechy est accroché à la mezzanine. C’est là que j’ai réalisé “Oh ! on est ce genre de groupe” », raconte Van Go. « On ne savait pas qu’on serait si amusants et qu’on aurait ce genre d’énergie en spectacle. »

Et c’est ainsi que ça doit être, dit-il encore. « Je réalise beaucoup d’albums, et les groupes semblent toujours préoccupés par ça, mais je leur dis toujours “n’y pensez pas. Commencez par faire le meilleur album que vous pouvez, un album qui vous emballe. Cet album c’est votre Étoile du nord.” »



À 20 ans, Soran sait très bien ce qu’il veut. Paru le mois dernier sous Audiogram, son premier EP homonyme laisse jaillir le talent d’un multi-instrumentiste en plein contrôle de sa proposition musicale.

SoranQuelque part entre dance, reggae, funk et soul, cet opus rappelle tantôt Mraz ou Jackson, tantôt Timberlake ou The Weeknd. D’instinct, on se dit que son auteur doit être un jeune mélomane abreuvé à la pop dès le berceau et probablement friand des tendances radiophoniques du moment. Or, il n’en est rien : Soran Dussaigne n’écoute « aucune musique dans la vie »… mis à part la sienne.

Devant la perplexité de celui qui écrit ses lignes, il nuance son étonnante déclaration. « En fait, j’ai arrêté d’écouter de la musique depuis que j’ai commencé à en faire. Je n’ai juste pas le désir ni l’envie de me forcer à en écouter. Il y a des exceptions, quand je suis en auto ou dans des partys avec des amis par exemple. Parfois, certaines chansons que j’entends indirectement comme ça peuvent influencer ma composition. L’avantage, c’est que je m’inspire du souvenir que j’ai de la chanson, ce qui donne une création beaucoup plus originale et stimulante. »

Son héritage musical a également de fortes répercussions sur son style actuel. Fan de The Police à l’enfance, l’artiste longueuillois aux origines japonaises et françaises a profité d’un espace familial propice à la création et à l’apprentissage. « Il y avait beaucoup d’instruments partout dans la maison. Mon frère et mon père ne jouaient pas vraiment avec moi, donc j’ai dû développer cette passion-là par ma propre volonté », relate celui qui a grandi sur la Rive-Sud de Montréal. « Mon premier coup de cœur a été la batterie à l’âge de 4 ans et, encore maintenant, c’est vraiment l’instrument que je préfère. Le rythme, c’est la base de n’importe quelle chanson, c’est lui qui donne le groove. »

Curieux de nature, le jeune autodidacte apprend ensuite la guitare au milieu de l’adolescence, captivé par des prestations live d’artistes soul comme Allen Stone qu’il regarde sur YouTube. Se découvrant une voix, il présente ses premières chansons à son réseau Facebook et multiplie rapidement les centaines de vues sur ses nombreuses vidéos. « La réaction des gens était super bonne. Il y avait vraiment juste mes amis proches qui me disaient que c’était de la marde ! », lance-t-il, sourire en coin.

Le point tournant

Loin de se laisser décourager, Soran part affronter le vrai public dans les stations de métro de la métropole. Pendant un an, il redouble d’audace pour interpeller les passants qui défilent. « Pour moi, c’était la meilleure façon de pratiquer. Au bout de deux heures, je découvrais des notes que je ne pensais pas être capable d’atteindre. C’est sûr que je me scrappais beaucoup la voix, mais en même temps, c’est comme ça que j’ai compris ce que je voulais faire », observe-t-il. « Aussi, ça m’a amené à être plus humble, car la plupart des gens se foutaient de moi. Mon but, c’était que les gens s’arrêtent, qu’ils me remarquent. »

Et c’est exactement ce qui arrive en 2015 lorsqu’une employée de La Voix passe devant Soran dans le métro et l’enjoint à s’inscrire à la prochaine saison de la populaire émission de TVA. Lorsqu’il se présente à l’audition, l’artiste a 16 ans. « Sincèrement, je n’avais aucune confiance en moi. Je voyais les personnes assises à côté de moi, dont une qui avait fait une tournée mondiale avec AC/DC et une autre qui avait joué à Brodway pendant 12 ans, et j’étais très stressé », se souvient celui qui a finalement relevé l’exploit de faire tourner les sièges des quatre coachs avec son interprétation saisissante de Hotel California. « En fin de compte, j’ai compris que, contrairement à d’autres versions de La Voix dans d’autres pays, les coachs d’ici ne recherchaient pas les voix les plus puissantes, mais bien celles qui sont différentes. Je me rappelle avoir dit à Ariane Moffatt que je regrettais d’avoir faussé durant mon audition. Tout de suite, elle m’a dit qu’on s’en foutait et que l’important, c’était la singularité. »

Mémorable, l’aventure de Soran à La Voix se termine en quart de finale. Pour le principal intéressé, c’est un plan optimal qui se dessine. « Avant même de faire le concours, mon but, c’était de le perdre et de signer avec Audiogram… Et, comme par magie, le lendemain après avoir été éliminé, Audiogram m’appelait », raconte le chanteur, qui avait d’emblée été conseillé par Matt Holubowski, ancien finaliste du concours télévisé également sous contrat avec la réputée étiquette montréalaise. « Pour moi, le plus important, c’était la liberté artistique, et je savais que ce label-là était reconnu pour ça. Finalement, on a attendu mon 18e anniversaire, soit environ six mois, avant d’officialiser ma signature. »

Depuis, Soran met les bouchées doubles. Dans les deux dernières années, il s’est remis activement à la batterie, en plus d’apprendre à jouer de la basse et du piano, et de parfaire ses aptitudes de réalisateur, d’arrangeur et de mixeur avec le logiciel Logic. Bref, l’homme à tout faire a été constamment proactif, créant et enregistrant la grande majorité de son EP dans le sous-sol de sa maison familiale à Greenfield Park. « J’aime l’idée d’enregistrer quand ça me tente, de ne pas avoir à attendre après personne. Parfois, je me réveille à trois heures du matin et, jusqu’à midi, je crée une nouvelle chanson de A à Z. Ma mère est particulièrement patiente. Elle ne chiale jamais, même quand je joue de la batterie en pleine nuit. »

L’Impulse Creative

Aussi autonome est-il, l’auteur-compositeur-interprète a eu besoin de renfort en cours de route. Reconnu pour son travail sur les albums de Coco Méliès, Rednext Level et Holubowski, le réalisateur montréalais Connor Seidel est venu lui prêter main-forte pour finaliser le mini-album au studio Tempo à Montréal. « Il y avait certaines chansons avec lesquelles je ne savais plus du tout quoi faire. J’ai tout de suite pensé à Connor, car j’avais vraiment aimé son travail avec Matt. Dès les premières sessions, notre fusion était parfaite. On a refait la batterie et les pistes vocales, sans dénaturer le côté intime et spontané de mes premiers enregistrements. Je me sentais vraiment comme chez moi. »

Cette approche artistique à la fois dépouillée et instinctive transparait également dans les textes du chanteur. Écrites sur un coup de tête, les chansons de Soran arrivent comme des bombes d’émotions. On pense notamment à Emma, qu’il a créée en une soirée après que son ex-copine lui ait demandé de lui écrire une chanson d’amour. Née dans un contexte plus douloureux, Not In Love W Me a été échafaudée après qu’une fille lui ait dit « qu’elle n’était pas en amour avec des personnes, mais avec des moments ».

« Quand elle m’a dit ça, j’ai genre écrit 10 tounes en une semaine sur elle, confie-t-il. En fait, si tu écoutes bien les paroles de toutes les chansons, ça parle surtout de moi qui aime quelqu’un, mais qui ne se fait pas aimer en retour… ou plutôt qui pense qu’il ne se fait pas aimer en retour. C’est pas mal ça qui se passe dans ma tête à la seconde où je suis avec quelqu’un. Je me fais des idées négatives vraiment rapidement et, après coup, je me console avec ce qui arrive de bon. D’ailleurs, ça a été la même chose avec mon EP : je me suis dit qu’il ne marcherait pas, qu’il ne serait pas bon, et finalement, je suis content, car il m’arrive plein de surprises. »

Parmi ces récentes « surprises », on note les 120 000 vues du clip d’Emma en un peu moins d’un mois, sa nomination à titre de « New Artist of the Week » sur Apple Music et ses deux millions d’écoutes sur les réseaux de musique en continue. « Pour vrai, je comprends rien. C’est vraiment plus que tout ce que j’aurais pu imaginer, dit-il, très enthousiaste. « Ça va plutôt bien avec le streaming partout dans le monde, mais maintenant, je veux plus que ça. Je veux partir voir ces gens-là physiquement et faire de plus en plus de shows en dehors du Canada. »

Dans ce brouhaha d’excitation et de bonnes nouvelles, même ses bons vieux amis du secondaire ont rendu les armes. « Il y a deux semaines, j’ai reçu quelques textos de félicitations, notamment un du gars qui était le plus critique et le plus méchant envers ma musique à l’époque. À ma grande surprise, il m’a dit que mon EP était bon, puis il s’est excusé en me disant qu’il aurait dû me soutenir davantage. »

Visiblement, Soran s’en est bien sorti sans lui.



Si John Alexander n’avait connu qu’une seule réussite dans sa carrière s’étalant sur plusieurs décennies – offrir un contrat à Alanis Morissette et jouer un rôle clé dans la parution de son album marquant, Jagged Little Pill – ça aurait été suffisant pour confirmer sa position dans l’histoire de l’industrie.

John Alexander, Aerosmith

John Alexander (en bas) avec Steven Tyler et Joe Perry d’Aerosmith (left/gauche).

Mais tout au long de sa longue et fructueuse carrière d’artiste, de gérant, de son travail pour des maisons de disque, en édition, en droits d’exécution et, désormais, en tant que consultant, la vision de John Alexander a connu de nombreuses réussites grâce à son sens aigü des affaires.

« J’ai toujours réussi à négocier des ententes bénéfiques et équitables, des spectacles, des contrats de disque et des ententes d’édition pour mes artistes », confie Alexander, dont la carrière a commencé vers le milieu des années 70 alors que, sous le nom de John Pulkkinen, il était le chanteur du groupe pop Octavian, un septuor d’Ottawa connu pour ses succès « Good Feelin’ (To Know) » et « Round and Round ». Le groupe a lancé un seul album intitulé Simple Kinda People.

« J’étais enseignant à l’époque », se souvient-il. « Lorsqu’on nous a offert ce contrat, j’ai dit à mes parents, à leur grand dam, que j’allais quitter l’enseignement pour faire carrière dans le rock. Ils n’étaient pas très heureux, jusqu’à ce qu’ils m’entendent à la radio ; là ils m’ont dit que c’était cool. »

Octavian est parti en tournée d’un océan à l’autre, mais le groupe s’est séparé en 1979. Alexander s’est associé au bassiste Terry McKeown pour fonder Alexander/McKeown Management qui représentait des artistes signés chez Warner dont notamment David Roberts and the Teddy Boys, l’auteure-compositrice-interprète montréalaise Luba et les rockeurs torontois Sheriff, qui signeront éventuellement tous deux chez Capitol. C’est sous la gouverne d’Alexander que Sheriff a enregistré « When I’m With You », une chanson qui, contre toute attente, atteindra la sommet du Billboard Hot 100 en 1989, quatre ans après la dissolution du groupe.

« Nous avons envoyé Jagged Little Pill à toutes les maisons de disque américaines et canadiennes, incluant MCA. Elles l’ont toutes refusé. »

John Alexander, Alanis, Ringo

John Alexander avec Alanis et Ringo.

Mais sa plus grande réussite était encore à venir. MCA Records l’a invité à diriger sa division A&R canadienne et c’est alors qu’il a reçu un démo sur cassette d’une jeune artiste d’Ottawa qui voulait faire carrière en musique. « J’ai reçu une cassette d’Alanis alors qu’elle n’avait que 10 ans, elle chantait une chanson intitulée « Fate Stay with Me » », se souvient Alexander. « J’aimais sa voix, mais j’étais si nouveau dans le monde du A&R que je me suis dit que si je signais une fillette de 10 ans originaire de la même ville que moi, je ne serais pas dans le domaine du A&R bien longtemps. Il a fallu quatre autres années avant que nos chemins se recroisent. »

C’est par l’entremise du musicien Leslie Howe que leurs chemins se sont recroisés après que Howe ait fait parvenir à Alexander un démo de son groupe One To One, suscitant suffisamment l’intérêt d’Alexander pour que ce dernier décide de lui rendre visite dans son studio d’Ottawa. Pendant sa visite, Howe lui a demandé s’il avait quelques minutes pour écouter une jeune artiste avec qui il travaillait à cette époque.

« Il m’a fait visionner une vidéo qu’il avait tournée à Paris avec Alanis Morissette, et j’ai été si intrigué par ce que j’ai vu que je suis rentré à Toronto. Et je n’ai pas signé One To One. » Il a plutôt offert un contrat à Alanis. C’est tout de même Howe qui a réalisé les deux albums dance pop d’Alanis parus chez MCA Canada – son premier album éponyme, suivi de Now Is The Time – qui s’écouleront à plus de 200 000 exemplaires chez nous en plus de lui valoir une nomination aux JUNOs dans la catégorie Chanteuse la plus prometteuse.

Mais malgré ce succès, l’optionde Morissette chez MCA n’a pas été renouvellée et, comme nous le raconte Alexander, elle lui a dit qu’elle ne croyait pas avoir d’avenir en chantant les chansons des autres et qu’elle souhaitait chanter sespropres chansons. Alexander était alors devenu vice-président principal de East Coast Publishing pour MCA Music Publishing, à New York, et il était d’accord avec elle ; il est donc demeuré à ses côtés malgré son option non renouvellée. Il a ensuite demandé à son ami et auteur-compositeur professionnel, Glen Ballard, de rencontrer Alanis. Ballard était réalisateur pour Quincy Jones Productions et il avait collaboré aux classiques de Michael Jackson Thriller et Bad. Il a notamment coécrit le hit de MJ « Man In The Mirror », le No 1 de Jack Wagner « All I Need » et celui de Wilson Phillips, « Hold On ».

« Ce fut une contribution fortuite », euphémise Alexander. Le duo a coécrit le légendaire Jagged Little Pill, un album qui s’est écoulé à plus de 33 millions d’exemplaires à travers le monde en plus de rafler 7 Grammys et de lancer Morissette en tant que méga vedette internationale. La pièce phare du disque est bien entendu la corrosive « You Oughta Know », un brûlot féministe qui a pavé la voie à de nombreuses artistes dans la même veine comme Meredith Brooks et Tracy Bonham.

« Glen Ballard a réalisé l’album à la perfection », affirme Alexander. « Je ne l’ai pas payé, il a simplement pris des points de pourcentage sur les ventes. » Avec le recul, ce qui amuse le plus Alexander, c’est l’absence de réaction à Pill de tout ceux à qui il a soumis l’album. « Une fois l’album enregistré, j’ai embauché un gérant du nom de Scott Welch pour Alanis, et nous avons entrepris de l’envoyer à toutes les maisons de disques importantes aux États-Unis et au Canada, incluant à MCA. Elles l’ont toutes refusé », confie-t-il. C’est l’avocat Ken Hertz qui a finalement convaincu le cofondateur de l’étiquette Maverick Records, qui appartient à Madonna, ainsi que son directeur A&R, Guy Oseary, d’écouter l’album. Morissette a été mise sous contrat sur le champ. « Après avoir écouté l’album chez Glen, Freddy s’est tourné vers moi et m’a dit « John, je crois que tu a découvert le Bob Dylan féminin de notre génération » », se souvient Alexander.

John Alexander, Avril Lavigne

John Alexander avec Avril Lavigne.

Quant à l’entente d’édition, Alexander se souvient encore qu’on lui a posé la question – alors que l’écriture de Jagged Little Pill venait tout juste de commencer – si la compagnie devrait renouveller son option. Il n’y avait aucun doute, pour lui. « Dans notre milieu, quand on est en position de croire ou ne pas croire en un artiste, il faut avoir le courage de ses convictions », dit-il. « Je suis fier d’avoir dit « faites-le » », affirme Alexander qui a de plus négocier l’élimination de la claude du droit de refus qui a permis à Morissette de finir chez Maverick.

Sa carrière dans les maisons de disques et dans l’édition étant derrière lui, l’ancien vice-président de la division des membres d’ASCAP est désormais consultant et il a récemment conclu des ententes pour Yangaroo auprès de la NARAS (l’organisation derrière les Grammys), l’Academy of Country Music ainsi que HITLAB, une entreprise montréalaise du domaine des médias et du divertissement numériques.

Il se croise également les doigts afin que Boulevard, un groupe rock de Vancouver qu’il avait mis sous contrat chez MCA Canada en 1988, connaisse de nouveau le succès. Boulevard s’est séparé puis reformé en 2015 et a lancé un album intitulé Luminescence, en 2017, qui a été chaudement acceuilli en Europe.

L’avenir est rempli de promesses pour Alexander, et son passé est jalonné de décisions qui ont influencées plusieurs générations. Comme il le dit humblement, « j’ai apporté quelque chose à la scène musicale canadienne. »