Le moment « Eurêka » d’Asif Illyas lui est venu alors qu’il filmait l’épisode avec Alan Doyle de son « talk show » YouTube intitulé Live on the Flight Deck. Doyle, l’ex-leader de la formation Great Big Sea, était assis dans le simulateur de cockpit d’un 737 d’Illyas et les deux hommes discutaient de leur « vol » entre Melbourne et Sydney, en Australie. Doyle li a alors demandé s’ils pouvaient faire un détour vers le sud jusqu’en Tasmanie. « Il a commencé à m’expliquer que les habitants de la Tasmanie font l’objet des railleries de toute l’Australie et que c’est quelque chose qui lui parle », explique Illyas. « Un peu comme Terre-Neuve, un avant poste insulaire au milieu de l’océan. Je n’aurais jamais su cela autrement, et si nous n’avions pas été dans le simulateur, il n’aurait jamais songé à m’en parler. » C’est là qu’Illyas a compris que sa série Web décollerait. « Voilà qui est cool », s’est-il dit. « Je crois que ça va marcher. »

La « cabine de pilotage » en question se trouve dans une des chambres à coucher se sa maison à Halifax, tandis que le studio d’enregistrement baptisé The Shire, qu’il a bâti lui-même et où il travaille la majorité du temps, se trouve dans le sous-sol. Ces jours-ci, il compose principalement des musiques de dramatiques et de documentaires pour la CBC, l’Office national du film, The Movie Network et SuperChannel. Mais il a également produit, joué ou arrangé des musiques pour une longue liste de grands noms de la musique des provinces maritimes, dont notamment Lennie Gallant, Mary Jane Lamond, Kim Stockwood, Bruce Guthro et Ashley MacIsaac. Illyas a fait partie du groupe MIR (en l’honneur de la station spatiale russe) qui était sous contrat chez Warner Music à la fin des années 90, et il a, au fil des ans, récolté plus de 30 nominations aux East Coast Music Awards. Il s’est tourné vers le travail en studio lorsqu’un de ses enfants a développé le diabète de type 1, ce qui l’a forcé à limiter ses déplacements — et la fréquence de ses vols.

C’est la convergence de plusieurs événements, il y a environ cinq ans, qui a donné le coup d’envoi à son idée de « talk show ». L’amour de la musique et la passion pour l’aviation d’Illyas ont trouvé un terrain commun alors qu’il discutait avec un ami d’une question cruciale : que doit faire un musicien, de nos jours, pour vraiment se démarquer des autres ? Blogues, balados, diffusion en direct et journal de bord en vidéo ont tous été mentionnés, puis il a découvert la série Comedians in Cars Getting Coffee de Jerry Seinfeld. Illyas songeait déjà à construire son propre simulateur de vol pour satisfaire son rêve de piloter, un rêve qui remonte à son enfance alors qu’il a pu visiter le cockpit de l’avion qui l’emmenait voir sa famille au Sri Lanka. « Le pilote m’a permis de m’asseoir dans le siège du capitaine et prendre le contrôle du manche, et je me souviens que l’avion a légèrement bougé », raconte-t-il. « Après ça, je n’avais qu’un seul sujet de conversation : piloter un avion. » L’idée de parler d’aviation comme point de départ d’une conversation semblait toute naturelle à un individu comme lui qui a passé tant de ses « temps libres » à se rendre du point A au point B.

« J’ai repensé aux conversations que j’ai eues avec mes amis et collègues quand nous étions sur la route », raconte Illyas. « Les gens baissent leurs gardes quand ils voyagent. » La majorité des neuf épisodes tournés jusqu’à maintenant commencent par la présentation de l’invité et leur « destination ». La destination a une certaine signification pour l’invité et c’est ce qui ouvre la porte à une conversation plus personnelle avant que les guitares et le chant commencent. Parmi les invités déjà reçus, on compte Doyle, Joel Plaskett, Ria Mae et Dave Carroll, un invité incontournable après son succès revanchard « United Breaks Guitars ».

« J’ai repensé aux conversations que j’ai eues avec mes amis et collègues quand nous étions sur la route. Les gens baissent leurs gardes quand ils voyagent. »

Le lien entre l’enregistrement de musique et le pilotage n’est pas si ténu qu’on pourrait l’imaginer pour ce « nerd » — il le dit lui-même — de l’informatique. Illyas souhaitait se diriger vers l’ingénierie aéronautique depuis son enfance, mais son talent pour la musique l’a éloigné de ce rêve. Après avoir remporté un concours de talent en 12e année grâce à une chanson qu’il avait écrite pour son groupe, le père du batteur dudit groupe (un médecin qui avait un studio d’enregistrement comme passe-temps) l’a encouragé à poursuivre une carrière musicale. Puis il s’est souvenu de quelque chose qu’il avait lu. « Il y a longtemps, j’ai lu un article dans le magazine Popular Science où on présentait une liste des 10 emplois nécessitant le plus de connaissances techniques », se souvient-il. « En première position, on retrouvait pilote d’avion, et en deuxième position, ingénieur de studio d’enregistrement. À partir de ce moment-là, c’est devenu naturel pour moi de les considérer en parallèle. » Il admet par ailleurs que le thème de l’aviation revient souvent dans sa musique, incluant sa plus récente parution, le simple « Your Love », un duo avec sa prochaine invitée sur Live on the Flight DeckRose Cousins.

Outre le parallèle entre les habitants de la Tasmanie et de Terre-Neuve, Illyas a appris plein de faits intéressants au sujet de ses invités. Par exemple, Ria Mae n’a pas peur de voler ni d’atterrir, mais les décollages la terrorisent, Amelia Curran a confirmé que ses parents l’avaient bel et bien nommée ainsi en l’honneur de l’aviatrice Amelia Earhart, et pas besoin de vous dire de quoi Dave Carroll a jasé…

Illyas s’est récemment rendu à la Barbade pour visiter l’un des derniers Concordes en vue d’un prochain épisode de Live on the Flight Deck. À bord, il a immédiatement remarqué quelque chose de renversant : « L’avion est équipé des mêmes contrôles que ceux d’une vieille console d’enregistrement de l’ère des Beatles », nous explique-t-il. « La connexion se trouve là, dans les composantes électroniques d’un cockpit et d’une vieille console d’enregistrement. Cette connexion a toujours été évidente pour moi. »