Ebony « WondaGurl » Oshunrinde a beau être la reine des « Beats » grâce à son travail pour les plus grands noms du hip-hop — Jay-Z, Drake, Don Toliver, Killy —, ne lui demandez toutefois pas d’où ses « beats » proviennent. C’est un mystère, même pour elle.

« Mon inspiration me vient de plein de façons », dit-elle depuis Los Angeles où elle s’est installée il y a à peine plus d’un an. « Des fois c’est une idée qui m’a trotté dans la tête toute la journée, d’autres fois c’est un mémo vocal que j’ai enregistré dans mon téléphone. D’autres fois, ça me vient en fouinant dans ma banque d’échantillons et c’est ça le point de départ d’un nouveau “beat”. Il m’arrive aussi d’être au resto et d’entendre un échantillon à partir duquel je crée un “beat” aussitôt que je rentre à la maison. »

WondaGurl

WondaGurl, recevant un Prix No. 1 SOCAN en 2017, pour avoir co-écrit « Antidote » de Travi$ Scott.

« L’inspiration me vient de plein de façons différentes et je ne suis jamais à la recherche de quelque chose en particulier. Je ne peux pas vraiment l’expliquer — c’est difficile pour moi d’expliquer le côté technique de tout ça. »

Mais quoi qu’il en soit, WondaGurl n’est pas dans une position où elle doit expliquer sa touche magique : à l’âge de 23 ans, la jeune femme originaire de Scarborough, en Ontario, surfe encore sur la vague créée lorsqu’un de ses « beats » a été utilisé — à la dernière minute — sur la pièce « Crown » qui figure sur l’album millionnaire de Jay-Z Magna Carta Holy Grail (2013).

Le fait d’avoir comme mentors des visionnaires du domaine comme Travi$ Scott et Matthew « Boi-1da » Samuels (son alias « WondaGurl » est la version féminine de Boi-1da) signifie qu’Oshunrinde a fait son apprentissage aux premières loges et ses « beats » ont été utilisés par l’élite du rap : Drake (“Used To” et “Company” qui figuraient sur If You’re Reading This, It’s Too Late), Travi$ Scott (“Antidote”), feu Pop Smoke (deux chansons sur Shoot For The Stars Aim For The Moon), Quavo, Lil Yachty, Killy et Big Sean. Plus récemment, elle a signé la musique de la moitié des pièces de l’album Heaven or Hell de Don Toliver, incluant le simple « No Idea » qui s’est écoulé à trois millions d’exemplaires.

Elle a également fait des vagues dans le domaine de la pop, notamment en tant que coauteure et co-productrice du succès « Bitch Better Have My Money » de Rihanna, de « Caution » par Mariah Carey et d’un remix de la pièce « Girl Like You » de Maroon5.

C’est son parcours enviable qui a permis à WondaGurl de signer une entente de co-édition mondiale avec Sony/ATV par l’entremise de la maison de disques Cactus Jack de Travi$ Scott, ce qui lui a permis de créer sa propre maison de disques, WondaChild, qui a mis sous contrat le rappeur torontois Jugger.

« Même aujourd’hui, je n’entends parler des placements de mes chansons que la journée même »

WondaGurl, qui est une adepte de du logiciel FL Studio pour la création de ses « beats », se dit sans doute que son prestige lui a donné des chances lorsqu’est venu le temps de transiger avec l’industrie de la musique. Mais ça n’est pas le cas. « Même aujourd’hui, je n’entends parler des placements de mes chansons que la journée même, tu sais ? » dit-elle en riant. « Ça arrive pour vrai. »

Même les artistes intéressés pas ses « beats » sont peu loquaces. « Souvent, on n’a aucune nouvelle pendant un bon moment », explique-t-elle. « Quand ils les écoutent, il vont te dire sur le champ ceux qu’ils aiment et souhaitent réserver. Et habituellement, tu n’as plus de nouvelles pendant un bout de temps. »

Et si, de toute évidence, WondaGurl reçoit des commandes pour des « beats », il lui arrive aussi de « pourchasser » des artistes qui sont selon elle tout désignés pour un de ses « beats ». « Ce que je fais, habituellement, c’est de leur faire parvenir un tas d’échantillons de “beats” », explique l’artiste. « Mais quand j’en crée un sur lequel j’entends un artiste spécifique, je leur fais parvenir ce “beat’ là au complet et rien d’autre. Ça fonctionne dans les deux sens : beaucoup de gens m’approchent, mais j’approche encore certains artistes comme je le faisais il y a de nombreuses années. »

« Je ne pense à personne en particulier quand je commence à travailler sur un “beat”, mais une fois fini, j’ai une idée à qui j’ai envie de le proposer. »

Ralentissement de confinement

On pourrait croire que le confinement pourrait stimuler la créativité, mais même WondaGurl se sent vulnérable à L.A. « La COVID-19 a aidé ma créativité parce que c’est un peu stressant au quotidien », dit-elle. « Mais avec tout ce qui se passe dans le monde en ce moment, c’est un peu difficile de me concentrer entièrement sur la création »

Comme WondaGurl est constamment en train d’expérimenter à sa console, il tomberait sous le sens qu’elle invente son propre logiciel ou sa banque d’échantillons. Sauf que si c’est bel et bien le cas, elle garde bien le secret. « Il y a sans aucun doute plein de choses qui se passent — surtout du côté technologique… je n’aime juste pas en parler », avoue-t-elle. « Surtout quand c’est encore au stade de l’idée et que j’essaie de voir comment je peux y arriver. Je veux arriver à un stade ou je suis une dirigeante, rien d’autre qu’une “boss’. »

Un des projets dont elle veut bien parler, c’est son album à elle qui, elle l’espère, va clarifier quel est son « son » bien à elle pour ses pairs. On y entendra des chanteuses et des rappeuses comme Savannah Ré, Baby Rose et Yung Baby Tate.

« C’est un truc que je voulais faire pour tout le monde, quelque chose que je produis de A à Z afin que les gens entendent à quoi ça ressemblerait si c’était moi qui lançais un projet », dit WondaGurl. « Je veux montrer aux gens mon vrai son depuis un bon moment, parce que j’ai sincèrement l’impression qu’ils ne le savent pas encore. Mais j’aurais des producteurs et des artistes invités. »

Quant à ses secrets professionnels, WondaGurl affirme qu’il y a plusieurs choses qui assurent son bonheur créatif et professionnel. « Je m’entoure des bonnes personnes et je m’assure d’être dans le bon espace ; c’est ce que j’ai appris récemment », dit-elle. « De toute évidence, demeurer humble et savoir comment me comporter dans un studio sont d’autres trucs que j’ai appris. Mais le plus important, je crois, c’est de savoir s’entourer des bonnes personnes. »