Inspirée par le récent virage vert de plusieurs festivals et évènements québécois, la chanteuse et musicienne Laurence Lafond-Beaulne (de Milk & Bone) veut maintenant passer à l’étape suivante. Avec l’aide de l’organisme Scène écoresponsable, elle a mis sur pied un guide pour les artistes désirant réduire leur empreinte écologique en tournée.
Entre les bouteilles d’eau abandonnées en coulisses, les nombreux gobelets à café achetés sur le bord de la route et, évidemment, les émissions de gaz à effet de serre (GES) provoquées par les longs et nombreux trajets en voiture, la vie de tournée implique une très importante mobilisation de ressources qui ont un impact dommageable pour l’environnement.
Consciente de la situation, Laurence Lafond-Beaulne a cherché à s’impliquer socialement pour faire changer les choses. D’abord, elle a écrit à quelques-uns de ses collègues du milieu musical : « J’ai rapidement compris que j’étais pas la seule à avoir remarqué qu’il y avait des problèmes dans notre pratique. »
Motivée, elle a ensuite poussé ses recherches pour tenter de trouver de la documentation à ce propos : « Pour vrai, je n’ai rien trouvé d’intéressant ! Au Québec, il y a des initiatives déployées par les festivals, par des artistes à titre individuel, mais aucun mouvement de conscientisation collectif généré par les artistes. Il y a Les Cowboys fringants qui posent des gestes concrets pour l’environnement avec leur fondation, mais rien de grand public. »
En poursuivant ses recherches, la musicienne montréalaise est tombée sur les travaux de Scène écoresponsable, un organisme ayant comme but d’intégrer le développement durable aux pratiques des artisans de la scène. Intéressée, la directrice générale Caroline Voyer l’a alors mise en contact avec Aurore Courtieux-Boinot, une candidate à la maîtrise en environnement qui s’intéressait au même sujet qu’elle.
Ainsi naissait le mouvement Artistes citoyens en tournée (ACT). « On s’est mis au travail les trois ensembles avec l’idée de produire un guide pour les artistes qui ont envie de s’engager à réduire leur empreinte écologique, raconte Laurence Lafond-Beaulne. Pendant ce temps-là, j’étais en tournée avec Alex Nevsky et j’ai amené l’idée de faire une tournée sans bouteille d’eau. Au début, tout le monde était super content d’amener sa gourde, mais à un certain moment, j’ai entendu quelques commentaires, notamment ceux de certaines personnes qui avaient l’impression de boire moins d’eau en une journée. C’est là que j’ai compris que ça prenait une période d’adaptation. Changer des habitudes, ça peut faire peur aux gens. »
« Le but, c’est de mettre en pratique ce que tu peux te permettre de faire. Tout le monde doit y aller à son rythme. »
C’est dans le but de faciliter cette transition que les trois initiatrices du projet ont développé un guide en trois étapes – chacune reflétant un niveau plus élevé d’écoresponsabilité. La première vise l’intégration régulière de gestes simples, comme transporter un gobelet et des ustensiles réutilisables, apporter ses propres savons et bouteilles de shampooing à l’hôtel, et éteindre tout matériel électrique non utilisé entre le test de son et le spectacle. Par l’entremise de leur fiche d’accueil (communément appelée « rider »), les artistes ont aussi la possibilité de contribuer à changer les habitudes et les réflexes des diffuseurs en leur demandant, par exemple, d’installer une station d’eau potable dans la loge et de prioriser des serviettes plutôt que du papier brun.
Le deuxième stade vise notamment une production plus consciencieuse des produits dérivés. On demande aux artistes d’opter pour du coton biologique et équitable, un design local et de l’encre naturelle pour les vêtements. « Ce sont toutes des suggestions, pas des obligations. On sait que c’est pas facile pour certains artistes de faire tout ça lorsqu’ils n’ont pas beaucoup de sous », précise la chanteuse. « Le but, c’est de mettre en pratique ce que tu peux te permettre de faire. Tout le monde doit y aller à son rythme. »
Enfin, le troisième niveau est celui du plein investissement et vise tout particulièrement une réduction de la pollution automobile. On propose aux artistes d’utiliser un outil calculateur des GES afin de voir l’empreinte environnementale qu’il laisse, le tout en fonction de leur modèle de voiture et du nombre de kilomètres parcourus. « C’est pas à la portée de tout le monde de louer un véhicule électrique, donc cet outil permet de voir combien d’argent tu dois donner à des organismes environnementaux pour compenser tes émissions de gaz », expose-t-elle.
Jusqu’à maintenant, les appuis du milieu artistique qu’a reçus la chanteuse sont nombreux, de Groenland à Koriass en passant par Les sœurs Boulay, Philippe Brach et, évidemment, Alex Nevsky. « En fait, personne n’a désapprouvé l’idée, mais disons que (ces derniers) ont été particulièrement enthousiastes, dit-elle. Maintenant que l’initiative est mise en place et que la recherche est faite, il reste à mettre tout ça en pratique. J’aimerais aussi que les artistes en parlent et qu’ils s’affichent fièrement comme membres de l’ACT. »
À quelques jours du lancement officiel du mouvement, Laurence Lafond-Beaulne regarde vers l’avant et recherche activement de nouveaux partenaires financiers. Si l’organisation a pu survivre avec des bourses totalisant 3000 $ jusqu’à maintenant, elle ne pourra pas en faire autant à long terme, surtout que les ambitions grandissent : « Une fois que le projet sera bien implanté ici, on aimerait le lancer au Canada et, même, à l’international, annonce-t-elle. Tant qu’à avoir fait tous ces efforts-là, aussi bien avoir le plus grand impact possible. »