Pierre Blondo et John-Adam Howard connaissent les codes de la pop comme peu d’autres producteurs québécois. Sous le nom de House of Wolf, les deux musiciens indépendants visent le marché international avec une ambition bien mesurée.

Entre R&B, hip-hop, country et soul, le catalogue assez garni du duo incarne l’aisance et la polyvalence de ses deux parties. « Le point central de toutes nos influences, c’est qu’on adore la pop. Et la pop, c’est devenu un melting pot qui peut inclure beaucoup de styles. Au départ, c’est le feeling qui nous guide et, ensuite, on cherche à trouver cet algorithme inconnu qui peut nous faire atteindre les masses », explique au téléphone Pierre Blondo, porte-parole du tandem.

Loin de se perdre à travers un amalgame illogique ou surchargé de genres, House of Wolf présente une signature en phase avec son époque, celle d’une esthétique assez épurée qui, derrière son apparence simple, renferme des heures et des heures de création et de peaufinement. « On essaie d’être spontané et d’aller vers la soustraction de couches plutôt que vers la multiplication. On veut que le vocal prenne toute sa place. Mais pour en arriver à un beau bloc simple de guitares et de pads, y’a du gros travail. On commence nos sessions avec des discussions et, dès qu’on sent qu’on dérive, on essaie de se ramener vers le feeling originel. La ligne est fine pour trouver la bonne émotion et, chaque fois, c’est une séance de torture… ou presque. C’est comme si on avait oublié comment produire ! »

Une fine ligne que les deux musiciens originaires de Québec peuvent atteindre grâce à leur chimie humaine et artistique. Entrepreneur dans l’âme, Pierre Blondo est le côté plus cartésien du duo, tandis que John-Adam Howard s’impose comme la partie plus créative. « Son seul focus, c’est de créer. Chaque matin, il regarde les nouveaux plug-ins, les tutoriels les plus récents… Il a un amour pur et dur pour la musique, tandis que moi, j’ai de la misère à penser à la musique sans avoir en tête l’aspect business. Quand il part trop dans un sens, je peux donc le rattraper, tandis que lui, il peut faire la même chose s’il voit que je suis trop robotique. Nos opposés concordent. »

C’est après avoir étudié à la Musicians Institute de Los Angeles que Blondo a commencé à produire de la musique, en caressant le rêve d’un jour vivre de sa passion. En 2016, l’entrepreneur et consultant A&R Mike Goldfarb fait appel à lui pour initier un volet de création à sa compagnie de production de spectacles Talent Nation. « Il voulait que je compose trois chansons pour environ huit artistes. Je pouvais pas faire ça tout seul ! J’ai donc cherché localement des gens avec qui collaborer, et c’est là que je suis tombé sur John-Adam et Vincent Carrier (NDLR : producteur qui quittera le groupe quelques mois après). Mon but était de créer un mini camp d’écriture à trois dans un Airbnb à Toronto et de m’occuper de toutes les dépenses pour éventuellement garder les profits qu’on générerait avec les chansons. Mais, finalement, un Airbnb à Toronto pendant quatre mois, ça coûte 50 jambes, donc turns out que j’ai pas fait une cenne », se souvient-il, en riant.

C’est durant cette période qu’il découvre une jeune chanteuse originaire du Wisconsin. Révélée grâce à un concours organisé par iHeartRadio, qui consistait à envoyer une interprétation filmée d’une chanson de la pop star Zayne Malik dans le but de gagner des billets pour son spectacle, Carlie Hanson a été repérée par Mike Goldfarb sur Instagram. « On aurait dit une jeune Bieber fille avec une histoire d’american dream parfaite : elle vient du Wisconsin, elle travaille au McDo, sa mère a trois jobs, elle est hyper humble… On a demandé à sa mère si elle pouvait venir à Toronto. La rencontre a été super cool et on a reloué un Airbnb à Los Angeles à l’automne 2016 pour travailler sur des chansons. »

Avec l’aide du parolier américain Dale Anthoni, House of Wolf a produit la chanson Only One, qui a lancé la carrière de Hanson en mars 2018, notamment grâce à son inclusion sur une liste de chansons préférées de Taylor Swift. Le duo profite encore à ce jour de sa rencontre avec Hanson, qui s’est solidifiée avec le single Daze Inn ce printemps. « C’est sûr que c’est bon de produire pour des artistes établis, mais en développant la carrière d’une artiste en particulier, tu t’imposes davantage aux yeux de l’industrie. Ça montre que tu sais développer une sonorité précise. »

En juin dernier, le duo a ajouté un autre fait d’armes à sa feuille de route : un placement pour le trio californien Cheat Codes. Coécrite avec le populaire collectif d’auteurs-compositeurs The Six ainsi que Dan Smith du groupe indie pop britannique Bastille, Heaven a cumulé plus d’un million d’écoutes en une semaine. « Au début, on savait même pas que c’était le chanteur de Bastille qui avait fait les mélodies ! En fait, on savait pas non plus qu’on était dans une compétition avec d’autres producteurs et, finalement, on a tellement flippé la chanson originale de bord que le label a capoté. »

Stimulés par cette occasion inattendue, qui les a également menés à produire pour le chanteur R&B Jeremih et la chanteuse Anna Clendening, les deux complices ont en tête un retour vers la côte ouest américaine. « On a fait beaucoup de création en longue distance, mais là, on veut aller passer un peu temps à L.A. pour vraiment profiter de nos contacts. La stratégie est quand même de rester indépendants, car on veut éviter de signer un mauvais deal avec un éditeur qui se fout de nous. On veut s’assurer d’avoir fait amplement nos preuves avant de signer quoi que ce soit. On croit au long build. »