Grâce à la parution, en 2021, de Creation Never Sleeps, Creation Never Dies : The Willie Dunn Anthology, de plus en plus de mélomanes découvrent la musique du regretté auteur-compositeur-interprète issu des Premières Nations. Dunn, qui était d’héritage mixte micmac et écossais/irlandais, est décédé en 2013 à l’âge de 71 ans, après une carrière de plusieurs décennies en tant que musicien, poète, activiste, politicien et cinéaste – sans oublier un passage dans les Forces armées canadiennes. The Ballad of Crowfoot, son film de 10 minutes sorti en 1968, pourrait bien être le premier vidéoclip du Canada. Mais pourquoi alors est-ce qu’un pionnier et un artiste aussi prolifique que lui n’est pas plus connu?

Le fait que sa musique ne soit pas plus connue et reconnue est une grande perte pour la culture musicale canadienne. Mais détrompez-vous : l’œuvre de Dunn a encore une très grande influence sur les musiciens, qu’ils soient autochtones ou non. Heureusement, pour ceux qui n’ont pas encore découvert l’étendue de la production artistique de Dunn, il y a un impressionnant corpus d’œuvres à explorer. Mais comment rectifier l’exclusion du légendaire Willie Dunn – qui mérite d’être reconnu comme une icône au même titre que les plus grands auteurs-compositeurs-interprètes folk du Canada? La réconciliation est-elle la solution?

Le musicien anichinabé Raven Kanatakta du duo folk rock Digging Roots affirme que « la réconciliation prend racine dans l’idée que l’oppresseur est censé présenter des réparations ». Il y a quelque chose à apprendre même pour les Canadiens qui sont de l’avis que ce sont leurs ancêtres et pas eux qui sont des oppresseurs. « Une grande partie de ça dépend de votre façon d’aborder le privilège », explique Kanatakta. « La plupart des Canadiens ne savent pas qu’on enlève plus d’enfants aujourd’hui qu’à l’apogée du système des pensionnats. » Il poursuit en ajoutant que « Dunn voulait que les gens comprennent l’histoire du Canada – la vraie histoire, pas la fausse histoire colonialiste qu’on nous apprend à l’école, mais l’histoire de ce qui s’est véritablement produit. »

Ces vérités difficiles ont été relayées dans les chansons de Dunn, et exécutées avec gentillesse et compassion pour tous les publics. « Willie partageait sa musique parce qu’il voulait que le côté humain des gens comprenne ça », affirme Kanatakta. « Il ne cherchait pas à blâmer ou réprimander les gens. Il voulait simplement chanter la vérité et laisser les gens décider par eux-mêmes, en pleine conscience, comment ils se sentaient par rapport à tout ça. » Kanatakta dit qu’une autre raison qui explique la compassion de Dunn était qu’il essayait de comprendre la façon de penser des gens racistes comme en témoigne le texte de sa chanson « I Pity the Country ».

I pity the country
I pity the state
And the mind of a man
Who thrives on hate
(librement : Je plains le pays, je plains l’état, et l’esprit d’un homme qui se nourrit de haine).

Essayer de comprendre son oppresseur n’est pas une mince tâche et c’est pour cette raison et d’autres que Lucie Idlout, une auteure-compositrice-interprète folk rock d’Iqaluit, admire Dunn dont la musique, comme elle le dit, « parle aux gens », et dont l’exemple l’a menée à croire qu’elle aussi pouvait créer de la musique.

« Il a été un mentor pour tellement d’entre nous », affirme-t-elle. « On a appris notre culture à travers Willie de la même façon que les noirs avaient la musique soul pour apprendre la leur. » Idlout est devenue amie avec Dunn. « Il était tellement doux et gentil et il était toujours prêt à partager avec tout le monde, et c’est ce qu’il a fait

à travers sa musique également », dit-elle. Elle se souvient de son « redoutable sens de l’humour » et éclate de rire en se remémorant un de ses spectacles : « un jour, il racontait comment une de ses chansons avait été écrite et il a fait une démonstration sur scène de la façon dont un ours se déplace. » Quant à la profondeur de ses textes, elle dit que « peu importe à quel point ça pouvait être douloureux, sa musique et sa façon de jouer de la guitare sont très enjouées. » Kanatakta abonde dans le même sens et il compare le jeu de guitare inimitable de Dunn – que l’artiste lui-même considérait comme un instrument de percussion – au son d’un train.

Contrairement à Kanatakta et Idlout, le renommé auteur-compositeur-interprète William Prince, de la Première Nation Peguis, n’a jamais connu Dunn personnellement. Quand on lui demande le mot qui lui vient à l’esprit lorsqu’il pense à Dunn, Prince répond « méconnu », avant d’ajouter « quand on pense à la définition d’un héros folk inconnu, je pense à sa musique ». Prince admire Dunn pour plusieurs raisons, incluant sa persévérance face aux nombreux obstacles qu’il a dû surmonter en tant qu’auteur-compositeur des Premières Nations. « Pour réussir, dit-il, c’est comme s’il fallait travailler deux fois plus fort pour la même reconnaissance, ou moins. » Quand il pense à tout ce que Dunn a accompli, Prince dit « savoir qu’il a existé me donne du courage, de l’espoir et me permet de continuer à porter son message. »

Prince aurait aimé avoir la chance de rencontrer Dunn au moins une fois. « Je ne le connais que par personne interposée grâce à mon ami Raven Kanatakta », confie Prince. « Si Raven a été si influencé par Willie, quand on considère le talent de Raven, Willie a dû être une personne incroyable, parce que l’influence qu’il a eue sur Raven est magnifique. » L’une des façons les plus profondes dont Dunn a influencé Kanatakta a été de lui apprendre que la musique peut être un outil puissant pour aborder de questions lourdes. « Quand tu joues de la musique, explique Kanatakta, tu ne peux pas faire de place à ton ego, car c’est un obstacle. Il faut que tu sois totalement ouvert. C’est Willie qui m’a appris ça. » Selon Kanatakta, c’est cette ouverture qui facilite la transformation personnelle.

Cette possibilité de transformation est également disponible pour les non-autochtones s’ils écoutent la musique de Dunn avec un cœur et un esprit ouverts, en mettant leurs égos de côté. Bien que cela puisse être difficile, la musique de Dunn peut aider les auditeurs à développer de la compassion (et pas seulement de l’empathie) en comprenant mieux le traitement brutal des peuples des Premières Nations. Ce n’est qu’en faisant face à l’horrible vérité de l’histoire du Canada et des inégalités systémiques qui continuent d’exister que l’on peut reconnaître les privilèges et prendre des mesures en vue de la réconciliation. S’il est trop tard pour que le rêve de Dunn se réalise de son vivant, les Canadiens peuvent dès maintenant travailler ensemble pour le bien de son héritage, l’amélioration de notre culture musicale et, par extension, celle du Canada. Tel un oracle, il l’avait expliqué dans sa chanson « Son of the Sun » :

I had a dream of my own accord
We laid to rest the gun and the sword
Buried the hatchet, buried the stake
Bowed to each other, peace to make

(librement : J’ai rêvé de mon propre traité/nous avons déposé nos fusils et nos épées/enterré la hache de guerre et la lance/nous nous sommes salués pour faire la paix).



La SOCAN a présenté une classe de maître « Cooking Beats » en ligne avec le beatmaker et producteur FORTHENIGHT, lauréat d’un Grammy, dans le cadre de l’édition 2022 d’IMSTA FESTA, une conférence gratuite d’une journée sur la technologie musicale qui avait lieu en personne au SAE Institute de New York, et en ligne dans le monde entier, le samedi 1er octobre 2022. L’événement fut également l’occasion de nombreux autres panels, kiosques, démonstrations et classes de maître.

FORTHENIGHT (Charles Jr. Ocansey), de Brampton, ON, a gagné un Grammy pour son travail sur le succès de Bad Bunny « P FKN R » tirée de son album YHLQMDLG qui a été le plus écouté sur Spotify en 2021. Le jeune homme de 24 ans a également travaillé avec Cardi B et Sizzla, il est sous contrat avec le label Wonderchild de WondaGurl, une coentreprise lancée en collaboration avec Sony/ATV Music Publishing et la maison d’édition Cactus Jack Publishing de Travi $ Scott.

La classe de maître « Cooking Beats » était animée par le responsable des relations créatives de la SOCAN Houtan Hodania et il a brièvement interviewé FORTHENIGHT afin de recueillir quelques conseils et astuces pour les futurs beatmakers avant de laisser place au producteur qui a créé un beat en direct pour les spectateurs. Vous pouvez revoir le tout ici.

 



Indigenous Song Camp 2022

De gauche à droite : Charlie Wall-Andrews, Kim Wheatley, Ila Barker, Nimkish

La Fondation SOCAN a eu le plaisir et la fierté d’organiser son tout premier camp de création autochtone au centre de création Kilometre House de Tkaronto/Toronto du 19 au 22 septembre 2022 pendant l’édition inaugurale de la Semaine Chanson & Composition.

Au cours d’un voyage créatif de quatre jours, 18 auteurs-compositeurs, artistes et producteurs autochtones et non autochtones se sont réunis pour explorer de nouveaux styles d’écriture, développer de nouvelles relations de travail et créer une expérience communautaire positive. Organisé par Alan Greyeyes et le festival sākihiwē, ce camp de création a permis aux participants d’élargir leurs réseaux de connaissances tout en création des chansons dans un cadre inspirant avant de présenter leurs créations lors d’une séance d’écoute à l’intention de membres de l’industrie.

Greyeyes, la directrice générale de la Fondation SOCAN Charlie Wall-Andrews et Rodney Murphy de Kilometre Music Group avaient prévu que le camp aurait lieu en 2019 ou 2020, mais il a été reporté en raison des restrictions sanitaires imposées pour faire face à la pandémie. « C’était magique d’enfin voir ce projet se concrétiser », a confié Wall-Andrews.

Les participants retenus provenaient d’un peu partout au pays et représentaient une grande variété de styles musicaux. Cette cohorte était composée de :

« Participer au camp de création autochtone a été une expérience vraiment enrichissante », a dit Ila Barker. « J’ai vraiment l’impression d’être repartie de ce camp, une personne transformée, une artiste différente. Ça m’a poussé hors de ma zone de confort en tant qu’auteure, j’ai beaucoup appris au sujet de mes aptitudes et ça m’a aidé à me fixer de nouveaux objectifs. Je ressors de cette expérience avec une vision hyper claire de la direction que mon art va prendre à partir de maintenant, et j’ai maintenant quelques chansons de plus dans mon catalogue et plusieurs nouveaux amis pour la vie. »

« J’avais l’impression qu’on passait beaucoup de temps sur des formations en matière de commerce pour les artistes autochtones, mais pas assez lorsqu’il est question de renforcer leur art, ce qui est le véritable moteur d’une carrière dans l’industrie de la musique », explique Alan Greyeyes. « Je suis vraiment ravi de voir ce que ce groupe fera à l’avenir, parce qu’il n’y a aucun doute qu’ils ont trouvé une grande quantité et de talent et de motivation. »

Le camp de création était présenté par Artistes émergents RBC en partenariat avec la Ville de Toronto, la Fondation SOCAN, le Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens et le festival sākihiwē. Remerciements extraordinaires à Kim Wheatley, une grand-mère Ojibway Anishinaabe de la réserve des Premières Nations de Shawanaga, qui a accepté d’exécuter une cérémonie de purification pour ouvrir le camp.