(Divulgation complète : ma femme est l’agente publicitaire canadienne de Julian Taylor. Donc, après une brève introduction, l’article sera uniquement les propos de Taylor au sujet de son album. J’aurais écrit le même article, peu importe qui est son agent publicitaire. Certaines citations ont été éditées par souci de concision et de clarté.)
Tout semble indiquer que Julian Taylor est sur le point de solidifier considérablement son élan vers la reconnaissance internationale entreprise en 2020.
Cette année-là, son album The Ridge a été écouté plus de cinq millions de fois sur Spotify en plus d’être encensé par la presse internationale et d’avoir été tourné à la radio au Canada, aux États-Unis, en Australie et au Royaume-Uni. Porté par la version pleine de soul de son Americana et son « twang » country, The Ridge a valu à Taylor le titre d’artiste solo de l’année aux Canadian Folk Music Awards en plus d’être nommé deux fois pour un JUNO (Album folk contemporain et Artiste ou groupe autochtone de l’année) et inscrit à la longue liste des 40 meilleurs albums au Canada du prix Polaris. Il a également remporté le trophée du Meilleur artiste aux International Acoustic Music Awards.
En octobre 2022, le Globe and Mail écrivait que « Taylor est une voix unique et importante de la scène de musique traditionnelle et folk canadienne ». Sur son site Web, la liste des personnes à contacter s’allonge rapidement avec l’apparition d’agents de tournée, de pisteurs radio, et d’agents publicitaires pour les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, les Pays-Bas et la France. En 2023, il présentera sa première tournée européenne en tant qu’artiste solo. Avec son nouvel album Beyond the Reservoir, qui sortira le 14 octobre 2022, son talent déjà redoutable d’auteur-compositeur a fait un immense bond en avant et ses sujets sont plus puissants que jamais, tout comme ses mélodies mémorables et ses refrains à chanter en chœur.
Originaire et toujours établi à Toronto, Taylor est fier de ses origines noires et mohawk. « Je suis issu de deux cultures et de deux traditions orales très fortes », dit-il. « L’une d’elles s’est fait arracher à sa terre natale pour arriver ici tandis l’autre s’est fait voler son territoire. C’est un combat difficile depuis toujours, et il est loin d’être terminé… »
« Moonlight »
« Quand j’avais 21 ans, je venais à peine de sortir d’une période où j’ai été assez rebelle et je ne voulais pas passer de temps avec ma famille. J’étais tout le temps dans la rue, dans les parcs, à faire ce que je pouvais. Ma tante Roberta m’a donné une bague avec une petite pierre incrustée. Quand j’avais six ans et qu’on habitait Maple Ridge, on allait ramasser des pierres dans lac Alouette. C’est une de ces pierres-là qu’elle a fait incruster dans cette bague – quel merveilleux cadeau. On dit que nos ancêtres vivent dans ces pierres. Ça m’a ramené à la source, au noyau qu’est la famille et j’ai compris que j’étais sur la mauvaise voie. »
“Murder 13”
« Celle-là parle d’un de mes amis qui a été la victime du 13e homicide à Toronto en 2005. Il a disparu et tout le monde se demandait où il était. On savait qu’il essayait de se reprendre en main. Des fois, les gens se rendent à un point où il est trop tard pour revenir sur la bonne voie et il y a du monde qui ne veut même pas que tu essaies parce qu’ils ne veulent pas que tu sois mieux qu’eux. C’est un endroit très difficile dans la vie. »
« It Hurts (Everyone Was There) »
« Celle-là se déroule dans un espace où j’étais dans ma jeune vingtaine quand mon groupe [Staggered Crossing] a commencé à se faire connaître et je me fais plein d’amis dans le circuit des “micros ouverts”. J’ai eu l’idée de la première phrase, “Everyone was there, everyone was happy” (librement : “Tout le monde était là, tout le monde était heureux”). C’était une époque où j’aurais pu finir comme mon ami [le sujet de “Murder 13”] ou aller dans une autre direction. Mais quand je dis que c’est douloureux, c’est parce que j’ai perdu plein de gens que je connaissais, à cette époque-là. Je me demande souvent si ces gens qui sont morts ou qui ont fini en prison étaient peut-être le ciment qui nous unissait. »
« Wide Awake »
« Celle-là parle de la douleur et de la tristesse provoquées par certains événements de ma vie et mes relations personnelles et familiales, les choix que j’ai fait, la peine que j’ai causée et qui m’a été causée. En fin de compte, tu ne peux que te dire que tout va être OK. Au début, elle s’appelait “Aren’t We Lucky” [une des phrases durant le pont]. J’ai eu un grave accident d’auto pendant la pandémie. J’ai été chanceux de survivre. J’ai été chanceux de ne perdre aucun de mes membres. J’ai réussi à m’extirper de là par la fenêtre du côté passager. Quand je me suis réveillé le lendemain, je me suis dit “Wow! Je suis vraiment chanceux”. »
« S.E.E.D.S. »
« Je ne peux pas réclamer la parenté du refrain. Mon cousin m’a envoyé un texto après l’annonce de Kamloops [la première révélation à grande échelle des 215 tombes anonymes d’enfants autochtones morts dans les pensionnats]. Il m’a écrit “Ils ont essayé de nous enterrer, mais ils ne savaient pas qu’on est des semences”. Ç’a été le point de départ pour l’écriture de cette chanson. J’ai jasé avec mon ami [le célèbre poète canadien et fréquent collaborateur de Julian Taylor] Robert Priest qui a coécrit le texte avec moi. Il m’a envoyé un texto et m’a proposé quelques phrases merveilleusement poétiques. »
« Stolen Lands »
« L’école nous enseignait jusqu’à y’a pas si longtemps que “c’est notre territoire”, mais c’est pas vrai. Je voulais parler de ça dans une chanson afin de rendre hommage à mes deux familles. Je n’ai pas grandi sur une réserve, mais certains membres de ma famille, oui. Je n’ai pas grandi dans un ghetto, mais certains membres de ma famille, oui. Je n’ai jamais été un esclave, mais certains membres de ma famille, oui. Je suis vraiment chanceux que ma famille m’ait appris l’espoir et la résilience. Dans cette chanson, je parle de mon grand-père qui pleure parce qu’il a oublié comment parler la langue mohawk. Dans le deuxième couplet, je parle du fils d’un ami proche de notre famille, un jeune noir, qui a été abattu par la police de Toronto en plein jour. »
« I Am a Tree »
« On est ici dans le but d’être fidèle à notre propre chemin, et il est tellement semblable à celui de tout le monde. Il y a des chênes, il y a des érables, il y a des bouleaux, toutes sortes d’arbres vivant au même endroit, poussant de la même belle manière, et ils ne se nuisent pas les uns les autres. Mais nous, on se nuit. J’avais envie de dire ça d’une manière toute simple pour que même un enfant comprenne. »
« Moving »
« Celle-là n’est pas facile. J’étais dans une relation très spéciale pendant très longtemps. J’ai plus ou moins abandonné, dans un sens. Je me sentais vraiment mal d’avoir fait ça. Il ne faut pas faire ça [abandonner]. Des fois, on a juste envie d’abandonner, de tout laisser tomber, et pas juste une relation, mais soi-même. J’ai des regrets. Je me suis déjà retrouvé dans des états d’esprit où je ne pouvais pas prendre mes responsabilités parce que j’avais trop peur, j’étais trop détaché ou déficient émotionnellement. C’est une chanson déchirante qui parle d’avoir l’amour et de le perdre. »
« Opening the Sky »
« Cette chanson c’est ma façon de donner des conseils à ma fille, pendant que je suis encore là et après que je serai parti. “Opening The Sky” est aussi la traduction anglaise du nom mohawk de mon grand-père. Je pense qu’il veillait sur moi quand j’ai eu mon accident d’auto. Je pense qu’il était accompagné de plusieurs de mes parents et ancêtres. Comme s’ils me disaient “Pas toi. C’est pas le temps.” Tu as encore des choses à accomplir. » Je suis réellement chanceux : « Regarde j’ai encore mes bras. Je peux encore jouer de la guitare et je suis encore capable de marcher. »
Bonus Track : « 100 Proof »
« Tyler Ellis a écrite celle-là et je l’ai tout de suite aimée. Je crois qu’il est l’un des plus solides auteurs-compositeurs du domaine folk au Canada. J’adore son écriture. De grands pans de cette chanson s’appliquent à ma propre vie et j’avais l’impression qu’elle a écrite juste pour moi. »