Il vient tout juste d’avoir 18 ans et il est en dernière année de ses études secondaires à Mississauga, Ontario : Johnny Orlando est considéré par de nombreux observateurs de l’industrie comme le prochain auteur-compositeur-interprète pop canadien à percer sur la scène internationale, suivant les traces de son idole de jeunesse, Justin Bieber, et de Shawn Mendes.

Il est déjà sur la bonne voie si on se fie sur son immense popularité sur les médias sociaux : plus de 500 000 abonnés sur Spotify et 9 millions sur TikTok, et plus de 880 millions de « streams » de ses chansons. En 2019 et 2020, Orlando a remporté le MTV Europe Music Award du Meilleur artiste canadien, mais il précise modestement que « c’est un prix décerné par le public, par pas une quelconque académie. Je n’ai jamais vraiment été du genre à recevoir des récompenses, mais l’EMA signifie beaucoup, car c’est l’accomplissement des fans, pas le mien. »

Après une nomination aux JUNOs 2019 dans la catégorie découverte de l’année, Orlando est de nouveau en lice cette année, dans la catégorie Album pop de l’année pour son succès de l’an dernier, It’s Never Really Over.

Son immense succès de 2020, « Everybody Wants You », a cumulé plus de cinq millions de diffusions en continu à travers le monde, et Orlando est actuellement de retour dans les palmarès avec le simple « I Don’t », une collaboration avec les producteurs EDM de Toronto DVBBS.

« Nous n’avions qu’un seul démo de ce titre datant d’il y a quelques années et la seule piste de voix que j’ai enregistrée pour cette chanson date de cette époque », explique Orlando. « L’idée de collaborer avec DVBBS pour cette chanson n’est venue que tar l’an dernier. Je craignais que ce soit trop différent pour moi, mais en fin de compte, je pense qu’il est bon de faire preuve de variété dans le matériel que l’on publie. Je suis vraiment en amour avec ce morceau. »

“Plus t’écris de chansons, plus tu te rapproches de celle que tu adores absolument”

*« I Don’t » est principalement l’œuvre de l’auteur-compositeur australien établi à L.A. Louis Schoorl, et le texte très intimiste a touché Orlando. « J’ai besoin de croire pleinement à une chanson, et celle-là s’articule totalement autour de la peur de dire la vérité », dit-il. « C’est difficile d’avoir ce genre de conversations, surtout avec quelqu’un avec qui on est depuis un certain temps. C’était le cas à l’époque où j’ai enregistré “I Don’t”, et ça l’est toujours, pour être honnête. »

Orlando est de plus en plus impliqué dans la co-écriture de ses chansons et c’est une évolution qu’il accepte à bras ouverts. « Je ne suis vraiment pas un puriste lorsqu’il est question de choisir des chansons », dit-il. « Si j’aime vraiment une chanson et je crois en son message, ça n’a aucune importance pour moi qui l’a écrite. Cependant, je considère l’écriture de chansons comme un défi très stimulant dont je ne me lasse pas. Plus t’écris de chansons, plus tu te rapproches de celle que tu adores absolument. »

Il collabore avec un grand nombre d’auteurs-compositeurs de Toronto et de Los Angeles, et il admet sans ambages que le processus en est un fait d’essais et d’erreurs. « Au début d’un cycle d’album, il y a toujours quelques séances qui ne donnent rien de bon ! On n’arrive pas à trouver notre “groove”, mais on apprend quelque chose à chaque session. C’est une des raisons pour laquelle j’aime ça. »

Parmi les collaborateurs musicaux d’Orlando, on retrouve les Canadiens Geoff Warburton (qui coécrit souvent avec Shawn Mendes), Jeff Hazin, Nathan Ferraro, Matthew Burnett (qui est un des principaux coauteurs et coproducteurs de Daniel Caesar), Liz Rodrigues (qui coécrit des chansons pour Céline Dion) et Mike Wise, tandis que sa coauteure la plus fréquente reste sa sœur aînée, Darian Orlando. « Dans 90 % des cas, le travail se fait avec moi, Darian et un autre auteur », explique le jeune artiste.

Il se consacre actuellement à l’écriture et à l’enregistrement de nouveaux morceaux pour un album complet, dont la sortie est prévue pour la fin de 2021, mais Orlando admet que les concerts lui manquent cruellement. « C’est très difficile à décrire, mais la sensation que procure le fait de jouer en concert ne ressemble à rien d’autre de ce que j’ai pu ressentir », dit-il. « C’est un sentiment de fierté et de bonheur pur, comme surfer sur une vague de bonheur pendant tout le spectacle. Je veux être en tournée pour le reste de mes jours ! »



Laurence Lebel est en train d’éclore dans le printemps musical avec la rapidité d’un cerisier. « On m’a donné les clefs d’un label et du volet management et je chapeaute les deux départements ».

Laurence Lebel, ArtificeArtifice, la boîte de Québec spécialisée en promo radio (notamment des Louis-Jean Cormier, Les Louanges, tous les artistes signés chez Bravo Musique) n’a pour l’instant qu’une adresse postale à Montréal, donc pas de locaux. Elle possède aussi treize artistes en gérance, seize pour lesquels elle fait les relations de presse et neuf sous la bannière Disques Artifice. En plus d’œuvrer dans l’édition et la distribution numérique. L’enthousiasme de la jeune femme de 33 ans est évident. « Je ne pouvais pas rêver mieux comme environnement de travail ».

Même si elle est novice dans le domaine de la gérance, elle fonde ses ententes sur le contact humain en premier lieu. « Il y a tout en plan personnel à gérer au-delà des stratégies numériques, 95% de mes décisions personnelles et professionnelles sont basées sur l’instinct, la petite voix intérieure qui me parle ».

Ceux qui la connaissent ont tous été foudroyés plus d’une fois par son sourire radieux, ses ricanements communicatifs, sa bonne humeur proverbiale. Arrivée de Sherbrooke en 2010, Lebel a mis son nez dans plusieurs rouages de l’industrie de la musique au Québec.

« Pas facile de trouver un job en musique, tout le monde veut faire ça ! C’est insécurisant quand t’as pas trouvé ta place, j’ai été angoissée, j’ai même songé à tout laisser et faire un bac en ressources humaines. Ma plus grande qualité ? Je suis très résiliente. Plus grand défaut ? Le lâcher-prise ».

À 33 ans, dans son écosystème musical montréalais, ami.es journalistes, baladodiffuseurs, employés de l’ombre, diffuseurs, attachés de presse, sa gang comme elle dit, Lebel est l’un des visages de cette génération pour qui la promotion de la musique émergente francophone est une passion.

« Je suis toujours aux lancements de disques, comme tout le monde, j’essaie de voir les partenariats possibles avec mes projets », d’expliquer la mélomane. Et comment on recrute les prospects ? Une question de flair, bien sûr, mais encore ?

« Super Plage qu’on a signé l’été dernier, on a pris trois mois à se connaître, à se fréquenter dans des parcs, prendre des bières, à suivre l’évolution de son projet musical. Pour la stratégie de mise en marché de l’album Super Plage 2, on voulait absolument opter pour YouTube sur les dix jours précédant la sortie de l’album, une nouvelle chanson étant dévoilée chaque jour (ce qui augmente l’affluence sur la plate-forme). C’est toujours une question de ton sans dénaturer le projet. Il y a des artistes qui ont beaucoup de difficultés avec les réseaux sociaux et d’autres qui embrassent la méthode. Je dis toujours aux musiciens de ne pas se forcer si le geste ne vient pas naturellement ».

Son premier boulot en musique, elle l’obtient chez HMV en tant que disquaire section punk ! La mère de Laurence, l’illustre chanteuse country Renée Martel, fille du légendaire Marcel Martel a eu ce conseil pour sa propre fille : « elle ne voulait pas nous inclure dans son monde (le showbizz) à moins que mon frère et moi on ne le demande ».

À Montréal, elle obtient un poste à la radio étudiante CISM pour gérer les bénévoles et les émissions. Un an plus tard, elle s’engage pour quatre ans à la SOPROQ, société de gestion collective des droits des producteurs d’enregistrements sonores et de vidéoclips. « C’est là que j’ai fait mes classes, appris sur les métadonnées, tout le background d’une chanson ».

Elle passe ensuite chez Believe Digital et Dep où elle s’occupe de distribution, une aventure qui durera quatre ans, jusqu’à la faillite de ce dernier. Trois semaines plus tard, elle passe chez Audiogram pour occuper un poste en marketing numérique. « Ma première expérience en label. Au départ je ne voulais pas travailler pour une seule marque et ne m’identifier qu’à ses artistes, sauf Audiogram. Avec mon père, j’ai beaucoup écouté les musiques de Lhasa, Pierre Lapointe ou Daniel Bélanger, ils ont bercé mon enfance, c’était comme retourner dans ma famille ».

L’aventure a duré un peu moins de deux ans. « Je n’ai pas de bac en communication ou de formation en web, j’apprends sur le tas. Je butinais de job en job parce que je deviens rapidement bored si je ne suis pas stimulée par la nouveauté et que je ne peux prendre en main des projets. Plus j’avançais, plus je voulais faire de la gérance. À la fin, je sentais que j’avais fait le tour de la gestion des réseaux sociaux ».

Catherine Simard, qui venait de fonder La Maison Fauve l’a prise sous sa gouverne pour l’aider au marketing et à la coordination de gérance avec Eli Rose. Huit mois plus tard, remplie de certitudes sur son futur en gérance, Lebel quitte avec la ferme intention de partir sa propre boîte pour travailler ses propres projets.

Finalement, fin mars 2020, en pleine pandémie, Laurence est officiellement engagée par Alex Pouliot, président d’Artifice.

Qu’est-ce que son illustre mère pense du chemin professionnel parcouru par sa fille ? « Quand j’ai commencé à travailler dans l’industrie, j’entendais souvent : oh! t’es  la fille de Renée! Aujourd’hui, c’est: oh ! Vous êtes la mère de Laurence !  (Rires).
Ça la fait bien rigoler parce qu’elle croise dans des émissions de télé des musiciens qui me connaissent, ou des journalistes, des recherchistes. Elle a une très grande fierté de mon parcours, sans que j’ai eu à jouer la carte de ‘la fille de’ ».



En février et mars 2021, on a assisté à une prolifération soudaine et généralisée des jetons non fongibles (JNF ou NFT, en anglais, pour non-fungible tokens) dans l’industrie de la musique. Voici donc un petit guide qui explique leur fonctionnement.

Les JNF sont un moyen de vendre un morceau de musique unique (ou une peinture, une photo, un graphique, un collage, une vidéo, un écrit, ou n’importe quoi d’autre, semble-t-il), exclusivement à une personne, ou à un petit groupe de personnes, par le biais d’un jeton non fongible (JNF) – intrinsèquement lié à l’œuvre originale. En substance, l’acheteur achète la propriété d’un fichier de données qui contient la musique (ou une autre œuvre d’art) dans le cadre d’une transaction unique. La transaction est contrôlée par la technologie blockchain, une sorte de grand livre numérique capable d’enregistrer les transactions entre deux parties de manière efficace, vérifiable et permanente.

Pour l’instant, la seule façon d’acheter un JNF est à l’aide d’une cryptomonnaie nommée Ethereum. Une fois que l’artiste a approuvé la vente, le jeton d’Ethereum est déposé dans son « portefeuille » numérique et peut être transféré sur son compte bancaire et retiré sous forme d’argent réel. La combinaison de la technologie blockchain et des cryptomonnaies rend l’achat d’un NFT très sûr. Une fois que l’acheteur, ou un petit groupe d’acheteurs (généralement des fans de l’artiste), a acheté l’article, la seule façon pour quiconque de l’obtenir est de le revendre.

En général, il y a toujours un intermédiaire, car l’artiste vend au fan par l’entremise d’une société qui prend généralement un pourcentage pour faciliter la transaction et une commission pour l’énergie nécessaire à la création du jeton. Mais il se peut aussi que la transaction ne nécessite que peu de professionnels typiques à l’industrie musicale ; maisons de disques, services de diffusion en continu, fournisseurs de services numériques, agents, gérants, publicitaires, promoteurs, salles de spectacle, etc., tous peuvent être rendus caducs.

Il y a beaucoup d’argent à faire avec les JNF. Les transactions se font souvent dans le cadre de ventes aux enchères, ce qui fait grimper les prix pour des artistes très populaires. Un musicien canadien mondialement connu a vendu aux enchères une œuvre d’art vidéo accompagnée d’une démo de chanson pour environ 490 000 $CAD. Le groupe Kings of Leon a amassé plus de 2,5 M$ CAD en vendant des JNF de diverses versions exclusives, dérivés et produits dérivés de leur plus récent album, When You See Yourself. C’est semblable au sociofinancement ou aux avantages d’un abonnement Patreon, avec différents produits offerts par les artistes à leurs fans à différents prix ou niveaux de financement, sauf que dans le cas des JNF, la vente ne se fait qu’à un seul fan, ou à de très petits groupes exclusifs de fans, soit une seule fois, soit en édition très limitée.

Et l’argent peut être touché plusieurs fois. Comme ce sont les artistes qui fixent les conditions de la vente, ils peuvent décider de recevoir le pourcentage qu’ils veulent de toutes les ventes futures du produit, quel que soit le nombre de fois où il est revendu. Donc, par exemple : Si la personne qui a acheté l’œuvre d’art vidéo de ce musicien canadien pour 490 000 $ la revend 800 000 $ et que le musicien a établi une part de 20 % des ventes futures, il empochera 160 000 dollars canadiens supplémentaires lors de la revente. Et son œuvre pourrait être revendue de nombreuses fois.

Mais, selon les lois éternelles de l’offre et de la demande, pour faire monter le prix des JNF aux enchères, ou pour fixer un prix initial élevé, la demande doit déjà exister. Ainsi, si un musicien attire des centaines de fans plutôt que des centaines de milliers, ou des auditeurs occasionnels plutôt que des fanatiques purs et durs, il ne gagnera pas forcément plus d’argent avec des JNF qu’avec des offres de sociofinancement ou sur Patreon.

Le principal inconvénient actuel des JNF est qu’Ethereum est dommageable pour l’environnement. Voici un extrait du magazine Time publié le 18 mars 2021 : « Les critiques affirment que l’exploitation qui rend les NFT possibles est peut-être le moyen le plus direct pour l’humanité de gagner de l’argent en polluant la planète — Ethereum consomme environ 26,5 térawatts heure d’électricité par an, soit presque autant que l’Irlande, un pays de presque cinq millions d’habitants. » Mais cela pourrait s’améliorer avec le temps grâce aux nouvelles avancées technologiques, de sorte que le problème pourrait finir par être résolu.

À l’heure actuelle, le « buzz » autour des JNF semble davantage motivé par leur potentiel lucratif que par leur valeur musicale intrinsèque. Certains y voient l’avenir de l’industrie de la musique, d’autres n’y voient qu’une mode passagère. Seul le temps nous le dira.