C’est à l’âge de 17 ans qu’Ingrid St-Pierre quitte son patelin natal de Cabano dans le Bas-St-Laurent pour s’installer à Rimouski. Après avoir vécu un an à Québec et étudié à l’Université Laval, la jeune femme part à l’aventure avec son sac à dos avant d’aboutir à Trois-Rivières pour terminer un baccalauréat en psychologie. C’est dans cette ville qu’elle découvre un endroit aussi chaleureux qu’intrigant : le Café Morgane. Sans le savoir, c’est là même que sa carrière d’auteure-compositrice-interprète prendra véritablement son envol.

« Ce fut le plus beau hasard de ma vie, avance-t-elle. Si je fais de la musique aujourd’hui, c’est grâce à une amie qui m’a poussée dans le dos. Elle voulait à tout prix que je rencontre le propriétaire. Je lui ai joué quelques chansons au piano même si je ne savais pas vraiment jouer. Je n’avais aucune notion musicale. Je parvenais à peine à m’accompagner. Malgré tout, il m’a engagée et c’est là que j’ai fait mon école. Tous les week-ends, pendant cinq ans. J’ai appris énormément de chansons. J’ai découvert comment me tenir sur une scène et échanger avec le public. Certains font leur formation d’artiste dans les bars, moi ce fut dans ce café. »

De nouveaux horizons
Forte de son expérience, la jeune femme s’installe à Montréal, participe au concours Ma première Place des Arts et propose un délicat premier album, Ma petite mam’zelle de chemin, en 2011. Avec ses chansons doucement mélancoliques et agréablement naïves, ouatées à souhait et remplies d’humour, Ingrid parvient à séduire public et journalistes. C’est l’automne dernier qu’elle récidivait avec L’escapade, un second opus aux arrangements orchestraux plus élaborés et au propos davantage personnel. Coréalisé avec Louis Legault (Dumas), l’album étonne avec ses histoires d’amour en filigrane. Ça s’entend : la petite mam’zelle est ici devenue femme. « Le premier album était constitué de chansons que j’avais écrites il y a plusieurs années. Certaines avaient dix ans. Au niveau des textes, c’était assez usé. Pour L’escapade, j’ai tout écrit en un an. Le contenu est plus actuel et introspectif. Pour le premier album, j’avais écrit les chansons en pensant à de simples arrangements piano/voix. Pour le nouveau, j’entendais déjà des arrangements plus éclatés et grandioses dans ma tête. Je me suis permis d’y aller avec d’autres instruments que j’avais envie d’entendre comme le violon chinois et les cuivres. Je suis allée beaucoup plus loin parce que je croyais fermement que ces chansons étaient en mesure de porter des arrangements plus costauds. Et puis, j’ai aussi senti que ma voix avait mûri. Je me suis permis d’explorer à ce niveau. Tout ça fut une belle aventure, » explique la jeune chanteuse de 27 ans.

« Je suis encore toute nouvelle là-dedans. J’essaie d’élargir mes horizons le plus possible. Je ne prends rien pour acquis. J’ai encore tout à apprendre, mais j’ai du plaisir à vivre cet apprentissage au quotidien. »

Avec des titres tels que « Les avalanches » et « Feu de bengale », la blonde Ingrid prouve que sa plume s’est affinée et a pris de la maturité. Toujours intéressée à raconter des histoires, elle considère que sa méthode d’écriture est assez particulière. « C’est étrange, j’écris par périodes, par phases. Parfois, je m’assois au piano et j’enregistre des mélodies à la volée sur mon iPhone ou sur le répondeur! J’ai souvent fait ça. Lorsque j’accumule les mélodies, on dirait que c’est plus difficile de trouver le bon texte qui colle avec la bonne musique. Ce que j’aime beaucoup est d’avoir une idée d’histoire, de savoir un peu où je m’en vais avec le texte, de m’assoir au piano et de compléter la chanson. Ça donne toujours quelque chose de magique. »

La maline et la gamine
Si la musique des Françoise Hardy, Richard Desjardins, Georges Moustaki, Bob Dylan et Neil Young a marqué au fer rouge la demoiselle, son plus grand coup de cœur musical fut pour une artiste néo-brunswickoise. « Adolescente, je me suis retrouvée assise devant la télé et il y a une chanson que j’ai entendue. J’étais subjuguée. Je n’en revenais pas de la force du texte, de cette voix unique. J’ai écouté en boucle ce petit bout de chanson pendant une semaine en tentant de mettre un nom sur cette voix. Puis, j’ai découvert que c’était Marie-Jo Thério. Je suis devenue une fan inconditionnelle. Elle m’a démontré que je pouvais créer mon propre univers musical. Un monde qui m’est propre et qui ne ressemble à rien d’autre. Sa musique m’a prouvé que c’était correct de faire ça, de faire à sa tête, » soutient-elle.

Encore tout à apprendre
En plus de multiplier les spectacles cette année et d’effectuer une petite escapade du côté de l’Europe, Ingrid cumule les projets. Amoureuse de musique de films, l’artiste rêve d’en écrire, de collaborer avec d’autres artistes, mais aussi, éventuellement, de publier un recueil de nouvelles. Ayant rédigé une lettre publiée dans le recueil Mille mots d’amour, Ingrid prend de plus en plus de plaisir à élaborer ses scénarios sur papier. « Je me suis rendu compte que j’adorais écrire dans une autre forme que celle de la chanson. J’ai ramassé plein d’idées d’histoires et je me demandais comment j’allais faire pour tout rentrer dans un format de trois minutes et demie! Finalement, je me suis mise à écrire des nouvelles et j’ai adoré l’expérience. Ça m’inspire beaucoup. Tu sais, je suis encore toute nouvelle là-dedans. J’essaie d’élargir mes horizons le plus possible. Je ne prends rien pour acquis. J’ai encore tout à apprendre, mais j’ai du plaisir à vivre cet apprentissage au quotidien. »