Près de 15 ans après ses débuts, le producteur High Klassified dévoile son premier album, le réjouissant et (très) hétéroclite Ravaru.
« C’est un reflet de la musique que je consomme. Et en ce moment, je n’écoute presque plus de musique instrumentale », explique le fier Lavallois à propos de Ravaru (traduction libre de « Laval » en japonais), un album entièrement francophone réunissant des artistes du Québec, de la France, de la Suisse, et de la Belgique.
Exception faite de LomeLaval, dans lequel High Klassified renoue avec sa signature hip-hop sombre aux rythmiques complexes, l’œuvre explore de nouveaux territoires, empruntant autant aux musiques arabes (Honeymoon) qu’au nu-disco (Besoin d’amour) et au R&B américain (Lifestyle, Mixed Feelings). « Je consomme énormément de R&B depuis plusieurs années – beaucoup de Lucky Daye, de Sailorr – et je suis également encore obsédé par The Internet. De là l’influence afropunk de Rouge blanc. »
Percutant duo avec Hubert Lenoir, Rouge blanc ne sonne comme aucune autre chanson québécoise. Ses accents rock décapants lui donnent une couleur insoupçonnée. « Je suis vraiment content de cette chanson-là. Elle m’a sorti de ma zone de confort. Au début, j’hésitais à la mettre sur l’album. Je me disais que les gens auraient de la difficulté à la digérer. »
La chimie entre ces deux musiciens aux parcours et aux styles musicaux très distincts est palpable sur cette chanson – une collaboration qui fait suite à Octembre et Dimanche soir, toutes deux parues sur le plus récent album de Lenoir. « Hubert est un grand fan de rap (…) mais je pense que ce qui nous unit d’abord, c’est l’humour. On est deux gars avec un sarcasme vraiment deep. C’est actually drôle quand on est ensemble. On fait aussi preuve de beaucoup de transparence l’un envers l’autre. »
Trois des sept chansons de l’album ont été réalisées dans le cadre de camps d’écriture organisés par la SOCAN : Honeymoon avec la rappeuse suisse Chilla, Lifestyle avec le rappeur franco-camerounais Tuerie, et Besoin d’amour avec le chanteur parisien Tsew the Kid et la jeune sensation Dau, révélée à Nouvelle école, populaire télé-réalité française axée sur le rap. « C’est fou parce qu’avant, je refusais toujours d’aller dans des writing camps. J’avais l’impression que c’était une usine à beats… mais pour être franc, j’avais jamais vraiment essayé », admet le compositeur. « Généralement, je suis à la maison quand je travaille. Et quand je collabore, c’est souvent avec mes bros, mes amis, les gens avec qui je suis confortable. Je suis très près de mes émotions, donc imagine si je me ramasse dans une session avec des gens qui ont une mauvaise énergie ! »
Tout s’est finalement bien déroulé pour le producteur, qui révèle même avoir changé sa façon de voir et d’aborder la création musicale suite à ces sessions d’écriture. « Si tu regardes tous mes projets avant Ravaru, tu constates qu’ils sont 100% produits par moi. Cette fois-ci, c’est presque comme un album de Kanye : on est 2-3 sur le même beats, la liste de crédits est longue… Pour être capable d’avoir un nouveau son, c’est important de travailler avec d’autres personnes. Ça m’amène à ouvrir mes horizons. »
Parmi ces « autres personnes » qui ont marqué son parcours, on retrouve les superstars belges Damso et Hamza, avec qui il a collaboré dernièrement. Plus que jamais, le Lavallois veut développer le marché européen plutôt que le marché rap américain, qui lui ouvrait pourtant les portes en 2018, à la sortie du succès international Comin’ Out Strong, chanson qu’il a produite pour The Weeknd et Future. Malheureusement, High Klassified n’était pas en mesure de voyager aux États-Unis à cette époque : après plusieurs allers-retours chez nos voisins du Sud sans visa de travail, le producteur a été banni du pays pendant cinq ans. « Moi, pour travailler avec un artiste, je dois être assis en studio avec lui. Je ne fais pas des type beats (compositions sur mesure) pour des artistes. J’ai fait la paix avec ça, et c’est correct. »
« Je ne suis pas un gars jaloux ni un gars de compétition. Je suis juste content de ce que j’ai », ajoute-t-il. « Je crois que je suis exactement là où je mérite d’être. I mean… je ne suis pas le plus gros studio rat qui se réveille tôt le matin pour travailler. Je suis un gars qui joue aux jeux vidéo, qui va au gym, au resto, au club… Y’a plein de monde qui mérite d’être rendu plus loin que moi. »
Peu ont toutefois réussi.