Vulvets

C’était la 3e soirée des Francouvertes, une édition à dominance folk-rock. On avait tous hâte d’entendre la musique d’un groupe qui avait eu l’audace de se nommer les Vulvets. Si je les avais vues quand j’étais ado, les Vulvets seraient aussitôt devenues mes modèles. Il y a quelque chose qui détonne dans leurs prestations. Un côté broche à foin irrésistible, du gros fun, des musiciennes spontanées et libres qui s’amusent sans se prendre au sérieux en s’échangeant le micro… « La désinvolture juvénile des psycho beach partys des sixties qui tournent mal à l’aube », c’est ainsi qu’elles se présentent.

« C’était notre 4e ou notre 5e show à vie, dit Isabelle LaTerreur Ouimet, bassiste de la formation et programmatrice du Coup de cœur francophone. On appréhendait un peu ce qui allait se passer, parce qu’on travaille toutes dans l’industrie musicale ; jouer devant nos pairs nous rebutait un peu et on n’est pas très « concours ». En plus, on ne fait pas nécessairement une musique facile et appréciée du grand public. Le reverb et le fuzz ne sont pas des sonorités au goût du jour. On joue fort, c’est l’esthétique garage donc distortionnée et brouillonne. Et nous, c’est ce qu’on aime. »

Le charisme et la forte présence scénique des Vulvets ne sont pas passés inaperçus, ce qui a valu plusieurs prix aux musiciennes, dont quelques prestations rémunérées qui leur permettent de jouer un peu partout cet été. À Osheaga, au FRIMAT, au Festival de l’Outaouais émergent, au Festival OFF de Québec, vous risquez de croiser les Vulvets sur votre chemin.

L’esprit Vulvets

L’aventure des Vulvets a débuté au fil de soirées bien arrosées au cidre : « Dorothée Parent-Roy (guitare, voix) et moi, on traînait souvent à l’Esco. On jouait toutes les deux dans des bands (moi avec Buddy McNeil and the Magic Mirrors et elle dans Ultraptérodactyle et Dearbunnies). Ça nous arrivait de parler du fait que c’est tough d’être une fille dans un band de gars. À moment donné, toutes les deux on a eu envie d’un projet féminin avec une dynamique différente. Des liens avec mon amie Marie-Ève Bouchard (batterie, voix) se sont tricotés rapidement, puis quelqu’un nous a présenté Marie-Claire Cronier (guitare, voix), une auteure-compositrice-interprète qui venait de quitter Sudbury pour Montréal. Nous avions des influences musicales en commun. Au premier jam, la chimie a opéré. »

Le nom du band est à l’image de l’humour qui unit les musiciennes. : « Au début, on chantait en anglais, raconte Isabelle. Mais un jour Marie-Claire est arrivé avec une chanson en français. Moi, je ne vis pas bien avec des albums bilingues : on est passées de l’anglais au français, de Velvets à… Vulvets ! Quand on est entre nous et qu’on parle d’activités féminines, on dit « des sports de vulves ». T’sais on évolue dans une industrie très masculine, des jokes de mononcs dans des trucks de tournées, on en a entendues ! Au début, on définissait notre musique comme étant du « plotte-surf ». Plotte-surf ? « Oui, du surf avec une approche féminine grivoise ! »

« C’est en s’habituant à voir des filles là où on les attend moins qu’on finira par en revenir du fait qu’elles soient de sexe féminin », Isabelle LaTerreur Ouimet, Vulvets

Les Vulvets ont été parmi les premières à signer la lettre écrite par le regroupement Femmes En Musique (F.E.M.) pour dénoncer le sexisme dans l’industrie. « On trouvait ça important de souligner les déséquilibres entre la présence artistique féminine et masculine, mais on a décroché quand certaines se sont mises à pointer du doigt des cibles précises. On ne va pas arriver à nos fins avec une approche négative. Nous, on croit que c’est par la sensibilisation et l’éducation qu’on arrivera à changer les choses. »

Vulvets

Est-ce que ça dérange les Vulvets de se faire qualifier de « band de fille » alors qu’on ne réfère pas à leurs confrères comme étant des « band de gars » ? « Non, on comprend l’effet de rareté, même si pour nous ça ne change rien au niveau musical. On est féministes, avec la nouvelle approche qui vise l’équité et la parité. » Un peu comme pour les lectrices de nouvelles – nombreuses aujourd’hui, mais auparavant quasi absentes des ondes – c’est en s’habituant à voir des filles là où on les attend moins qu’on finira par en revenir du fait qu’elles soient de sexe féminin. La seule affaire qui nous gosse, précise Isabelle, c’est que parce qu’on a un côté « garçonnes, gars manqués », plusieurs se demandent si on est lesbiennes et ça finit par être gossant. Pourquoi je perdrais ma féminité parce que j’aime la distorsion, le reverb, la sueur : le vrai rock ? »

Il faudra patienter encore un peu avant de pouvoir se jouer de nouvelles chansons des Vulvets dans le tapis. Le premier album devrait paraître au printemps 2018. Les filles lanceront deux nouvelles chansons d’ici la fin de l’été. Entre-temps on pourra aller se faire saigner les oreilles au son du plotte-surf fuzzé des Vulvets dans un des nombreux festivals auxquels elles prendront part.