Après avoir remporté les honneurs du Festival en chanson de Petite-Vallée en 2001, Guillaume Arsenault faisait irruption l’année suivante avec un premier album aux racines essentiellement rock (Guillaume et l’arbre). L’auteur-compositeur-interprète revenait à la charge en 2006 avec Le rang des îles, un compact plus folk et délicat. Paru en 2009, l’ingénieux Géophonik proposait des arrangements sophistiqués et un habile métissage sonore empruntant à la musique électronique et au folk. Réalisé par Arsenault lui-même, Oasis station-service débarquait en septembre dernier. Longue disette pour l’artiste gaspésien, résidant de Baie-des-Chaleurs.

« En création, on ne peut pas forcer les choses. On peut juste se préparer à recevoir l’inspiration. Je m’étais donné le mandat d’aller dans une autre direction. C’est ma manière de faire à chaque fois : explorer de nouvelles avenues. Je m’étais donné des défis d’écriture et de composition. Des façons de faire qui n’étaient pas habituelles pour moi. Voilà une des raisons pour lesquelles ça m’a pris autant de temps. Le fait d’être avec des musiciens qui sont à Montréal et d’autres en Gaspésie en est une autre, » soutient l’homme de 37 ans.

Artiste aventurier

Nées à la suite de multiples sessions de création, les 12 pièces de l’album mettent en lumière une plume souple, toujours aussi imagée, un timbre de voix chaleureux avec juste ce qu’il faut de nonchalance, des ambiances poussiéreuses élaborées à partir de belles envolées de guitare twang et d’effluves morriconesques. Étonnant détour pour l’artiste originaire de Bonaventure. « Je suis allé rejoindre des musiciens à Montréal, on a eu quelques sessions et on enregistrait toute la journée. À mon retour, en train, je réécoutais le tout et je découpais les parties d’improvisation intéressantes pour ensuite créer des chansons à partir de ça. C’est le son qui a émergé. Je suis tombé en amour avec une guitare baryton électrique. Ça venait équilibrer les lentes mélodies mal rasées et le côté plus nerveux de l’électronique. Je voulais faire du cinéma pour les oreilles en quelque sorte. Je pensais aux films de Sergio Leone et aussi au Fred Fortin des débuts. C’était un défi pour moi et le résultat est beaucoup plus mélodique. Mon objectif premier est de m’imprégner dans la création pour qu’ensuite, je n’aie pas à me demander si ce que je faisais est bon ou mauvais. »

« On se fait sculpter l’âme par l’horizon, par ce que l’on voit autour de soi, et j’essaie de capter au vol des images. »

Ayant composé de la musique pour le théâtre ainsi que pour de nombreux documentaires et capsules web, Guillaume se dit musicien à plein temps depuis 2009. Artiste libre et curieux ayant passé beaucoup de temps dans l’Ouest canadien au cours des dernières années, l’homme offre également de nombreux ateliers d’écriture dans les écoles primaires et secondaires ainsi que dans un camp à Petite-Vallée. Carburant aux voyages et à la musique, Arsenault se souvient d’un périple particulièrement mémorable. « J’ai parcouru les États-Unis et le Mexique sur le pouce. Puis, je suis revenu sans aucune photo et sans trace concrète. C’est un souvenir qui nourrit mon écriture encore à ce jour. Je remarque que le mot “horizon” revient souvent dans mes chansons. On se fait sculpter l’âme par l’horizon, par ce que l’on voit autour de soi, et j’essaie de capter au vol des images qui proviennent de mon entourage et de la nature. Si je vivais à Montréal, je parlerais d’asphalte, mais je regarde autour de ma maison et il y a des champs, des arbres, des ballots de foin. Elle est là mon inspiration, » raconte l’ébéniste de formation, animé.

Travailler différemment

Vers 2002, alors qu’il commence à donner des ateliers d’écriture de chansons, Guillaume se voit forcer d’analyser sa façon d’écrire. Un exercice nécessaire. « Lorsque j’ai compris comment je procédais, je n’avais pas envie de refaire la même chose à chaque fois. Ça m’a amené à travailler différemment au fil des ans. Pour moi, ce sont les ambiances musicales qui sont là d’abord. Ensuite, le mariage entre la mélodie et le texte entre en ligne de compte : les phrases fortes, puis le reste du texte. Souvent, avant de faire le dernier album, j’étais très difficile avant d’accepter une phrase, une image. Je voulais dépeindre exactement ce que je ressentais ou ce que je voulais dire et je jetais beaucoup de choses intéressantes. Avec Oasis : station service, je me suis détaché de cette approche et ça fait du bien. »

Actif, l’homme multiplie les projets à un rythme impressionnant. En plus de poursuivre sa cueillette de sons pour son projet de recherche et de création sur l’univers sonore gaspésien (Tourisme Sonore), des spectacles, de la musique pour le théâtre, une pièce et une tournée des écoles secondaires se retrouvent à son agenda. Assurément, l’artiste n’a pas fini d’explorer les méandres de la chanson. « Il ne faut pas oublier que ça demeure un témoignage. On peut parler de soi en chanson, mais il y a une façon de faire. L’approche est celle du “montre-moi, dis-moi pas”. Et moi, je sens que j’ai encore beaucoup de choses à montrer aux gens. Ça regarde bien pour la suite des choses. »