FM Le Sieur est un cas spécial dans le domaine des compositeurs de musiques de film. Introduit à notre oreille par le biais d’un groupe pop dans les années 80 (Tango Tango, gagnant de L’Empire des futures stars en 1989), François-Maurice (d’où le FM) est devenu, de fil en aiguille, l’un des compositeurs de films les plus prolifiques et recherchés au Québec. Il cumule une bonne douzaine de trames sonores de longs métrages, parmi lesquels tous les films d’Alain Desrochers, de La Bouteille à Gerry. On retrouve aussi dans cette liste Nuit de noces, Mambo Italiano, De père en flic et Le Sens de l’humour, tous des succès au box-office québécois.

FM Le Sieur a également apposé sa touche personnelle sur une dizaine de téléséries, parmi lesquelles C.A., Musée Éden, Nos étés et Music Hall, Les sœurs Elliot, Les Bougon, Charlie Jade, une coproduction internationale tournée en Afrique du Sud, et Being Human, adaptation américaine de la populaire série de la BBC. En tout, le compositeur cumule pas moins de trois Prix Gémeaux et neuf nominations aux Prix Génie, Jutra et Gémeaux.

Lorsqu’on évoque sa période pop pré-cinématographique, FM Le Sieur a le réflexe de l’autodérision : « Tango Tango, tout le monde haïssait ça , je ne sais pas pourquoi, s’exclame-t-il en riant. Maintenant il y a plein de petits bands qui font de la pop, mais dans ce temps-là c’était ben sérieux la musique, on aurait dit que c’était mal vu de faire des trucs plus légers. Mais avant même qu’on commence à monter le répertoire de Tango Tango, j’avais fait de la musique pour les premiers courts métrages étudiants d’Alain Desrochers à Concordia, vers 1986. J’y ai rencontré Erik Canuel, et par la suite [les futurs réalisateurs] André Turpin, Podz et Pierre Gill. Ce qui fait que lorsque l’aventure Tango Tango s’est terminée, j’avais déjà entamé une carrière de compositeur dans le domaine de la publicité, mais toujours dans le but d’en arriver au cinéma. »

« j’avais déjà entamé une carrière de compositeur dans le domaine de la publicité, mais toujours dans le but d’en arriver au cinéma. »

Celui qui se décrit comme un boulimique de cinéma et qui achète parfois les trames sonores avant de voir les films, peut citer autant Ennio Morricone que Maurice Jarre ou Philip Glass (dont la classe de maitre, à laquelle il a assisté lors de son court passage à l’Université McGill, l’a convaincu qu’il pouvait se débrouiller seul). Malgré tout, il ne s’en cache pas, il est issu de la musique rock et pop et croit que c’est ce qui l’a aidé à se démarquer : « Ça m’a permis d’utiliser mes influences au moment où a débuté cette vague de métissage de la technologie aux orchestrations classiques, à la manière de Danny Elfman (compositeur quasi attitré du cinéaste Tim Burton). »

« Mon but c’est de faire ce qu’il y a de mieux pour le film, pas d’imposer ma signature, » précise FM lorsqu’on lui demande comment on arrive à se forger un style particulier tout en composant pour des œuvres cinématographiques ou télévisuelles aussi diversifiées. « Il faut être caméléon, traduire ce que le réalisateur entend pour son film. C’est lui le capitaine du navire. Et les gens qui connaissent ça vont remarquer un style qui s’en dégage. Mais les réalisateurs ne cherchent pas des compositeurs qui ont une signature sonore, ils cherchent des compositeurs qui seront capables de faire matcher parfaitement de la musique avec leurs images. La sensibilité au cinéma est plus importante que la signature sonore. »

Justement, parlant de sensibilité, partant de la prémisse que la quête des acteurs et actrices est d’être le plus possible dans la vérité des émotions, comment sent-on que la composition musicale est en adéquation parfaite avec l’aspect dramatique à l’écran? « Je le sens, tout simplement, répond FM instinctivement. Des fois quand je réécoute ce que je viens de faire, si je n’aime pas ça, j’ai comme un inconfort viscéral, il y a quelque chose qui ne marche pas. C’est un signe que je suis soit en train de me battre avec le dialogue, soit ça ne commence pas à la bonne place ou que c’est trop chargé, ou encore que ça manque de oumpf… C’est vraiment un feeling qui ne ment pas. Mais c’est sûr que si au départ la magie dramatique n’opère pas à l’écran, ça rend mon travail encore plus complexe. »

L’homme compose en général seul dans son studio maison, improvisant les partitions au clavier ou à la guitare en faisant défiler les images. Un copiste, un orchestrateur et des musiciens parmi les plus chevronnés (souvent de l’Orchestre symphonique de Montréal) ajouteront leur expertise dans le processus. Pour celui qui n’a jamais complété sa formation académique, cette collaboration constante avec des musiciens bourrés de diplôme a été intimidante pendant longtemps. « C’est un vieux complexe que j’ai développé à force de travailler avec des violonistes qui jouent depuis l’âge de neuf ans. Et un jour il y en a un qui m’a dit : “FM, nous autres on est là pour jouer, si toi tu n’étais pas là, on n’aurait rien à jouer.” Je n’ai donc plus de complexes avec ça. Il y a des choses qui s’apprennent, mais mettre de la musique sur des images, tu l’as ou tu ne l’as pas. » Et, de toute évidence, FM Le Sieur possède remarquablement bien ce don!