Le 16 juillet dernier, l’organisation du Prix de musique Polaris dévoilait la liste des dix albums candidats au titre du meilleur album canadien de l’année, titre qui sera décerné le 14 septembre prochain à Toronto. Du lot, une grande surprise : la nomination de Le Mal, premier album du quartet FET.NAT, qui suivait six mini-albums parus durant la décennie. « On ne s’attendait pas du tout à ça, même apprendre qu’on faisait la longue liste était étonnant pour nous », admet le multi-instrumentiste Olivier Fairfield.

« En fait, on n’a jamais vraiment opéré avec cet objectif-là, poursuit le musicien. Ça fait presque dix ans qu’on fait des disques, qu’on donne des concerts, on a notre « fan base », tout fonctionne très bien, mais il semble que depuis la sortie du dernier c’est… c’est comme si la réalité qui entoure la façon dont on fait les choses avait changé. Tout d’un coup, les gens sont fascinés [par notre travail], et pas juste les fans, pas seulement ceux qui aiment un type de musique précis. Tout est devenu plus gros et ça, on ne s’y attendait pas du tout. »

C’est que le groupe basé à Hull a toujours fait cette musique pour lui d’abord et à sa manière, sans chercher à entrer dans le moule, pour reprendre l’expression qui repousse les apôtres du « do it yourself », ce que sont les quatre gars de FET.NAT – tous musiciens autodidactes, Pierre-Luc Clément aux guitares, Linsey Wellman au saxophone, JFNO (Jean-François Nault) aux textes et au chant et Fairfield, à la batterie et aux synthés sur scène, aux commandes du navire en studio.

Leur son est un défi à décrire, ce qui constitue déjà une bonne raison de s’empresser d’écouter Le Mal. Une attitude et une énergie punk plaquée sur d’intrigants collages sonores, jeux de textures et rythmiques électroniques desquels éructe un jet de free jazz, l’improvisation faisant partie intégrante de leur démarche. « À toutes les fois qu’on se fixe un but concret, qu’on se dit : On devrait explorer cette esthétique-là, cette direction musicale, c’est un échec total », rigole Olivier pour ajouter au flou de leur approche. « Ce qui finit par se passer en studio, c’est qu’on ramasse des bouts d’idées, généralement improbables, et on les suit. Et ça finit par donner des résultats intéressants. »

« Donc, tenter de circonscrire notre style ou le genre de méthode qu’on emploie est un peu difficile », enchaîne Olivier qui, hors de FET.NAT, travaille comme réalisateur (pour Medhi Cayenne Club, entre autres) et accompagnateur (pour Leif Vollebeck). « Ce qu’on peut dire par contre, c’est qu’on est ouvert à tout, même les styles qui font rire, c’est ça qui est le fun. Les idées très mauvaises, drôles ou farfelues qu’on trouve peuvent devenir sérieuses assez vite. » Abonnés au Festival international de musique actuelle de Victoriaville et au Suoni per il Popolo, FET.NAT fait des disques épris de liberté et d’expérimentation que l’on ne devrait normalement pas retrouver sur la même courte liste que le dernier disque de Jessie Reyes, pour ainsi dire.

Ainsi, le travail de composition se fait avec le même instinct, la même propension à aller où le groupe ne s’était encore rendu. Tout le monde met la main à la pâte, mais JFNO se charge avant tout des textes, « mais les autres aussi contribuent.  Par exemple, une de ses façons d’écrire les textes : il a ouvert un Google Doc privé où il met ce qu’il écrit pour qu’on s’en serve. Or, j’allais puiser dans ces textes que je passais dans un outil de synthèse vocale [text-to-speech, qui génère une lecture audio du texte]. Après, je pouvais changer la vitesse du débit, le registre de la voix de l’ordinateur, ces choses-là. En mettant cet outil dans le processus de création, ça générait de nouvelles idées », certaines voix synthétiques ayant été gardées sur l’album, ou bien JF réinterprétait le texte à la manière de la synthèse vocale.

La nomination sur la courte liste du Polaris bouleverse FET.NAT jusque dans ses racines. Dès ses débuts, les Outaouais s’identifient au mouvement Rock in Opposition du groupe rock avant-gardiste/expérimental et militant anti-capitaliste britannique Henry Cow de Fred Frith, mouvement créé à la fin des années ‘70 pour manifester contre l’industrie musicale qui levaient le nez sur leur musique faite sans compromis.

« Dès le début de FET.NAT, on fait les choses pour nous-même, mais aussi on autoproduit tout ce qu’on fait. Des subventions, on n’en a jamais demandé – tout est produit par nous, de l’enregistrement jusqu’à l’impression des disques, c’est entre autres pour cette raison qu’on est étonnés d’avoir été considérés pour le prix Polaris. Cela dit, notre filiation avec Rock in Opposition n’est pas par mépris pour tout ce qui est différent de ce qu’on fait. C’est simplement qu’on a toujours tenu à faire les choses à notre manière. C’est dans la nature du groupe, dans la nature surtout de l’ensemble des personnalités des membres du groupe… pour le meilleur et pour le pire! »

« Le Polaris, ça nous place donc dans une drôle de situation. En fait, ça nous force à nous regarder en nous disant : on fait quoi, on est quoi là-dedans? Est-ce qu’on est encore « rock in opposition »? On vit une petite crise d’identité – qu’on prend à la légère quand même… »



De rockeuse au cœur écorché à réalisatrice et compositrice de musique de film, la musicienne et femme d’affaires nourrit sa passion pour le court, le moyen et long métrage.

Anik Jean« Sois-sage, mon amour », sont les mots lancés par le personnage joué par Anik Jean à Nathan, son fils de six ans et demi en quittant pour la soirée en compagnie de son mari (joué par Jean-Nicolas Verrault). La gardienne, bête comme ses pieds, passera un mauvais quart d’heure gracieuseté du gentil petit monstre… Voilà en gros, le scénario du court métrage de douze minutes, Sois sage, qu’elle a récemment réalisé et présenté au Festival Fantasia dans le cadre des Fantastiques Week-ends du cinéma québécois. Produit par sa boîte de production, Nathan Films, qu’elle codirige avec Milaine Gamache. Elle est également partenaire avec son chum Patrick Huard dans Jesse Films, qui s’attarde aux longs métrages et à la télé.

« Je produis de la télé et du cinéma, je suis dans un boum de créativité, c’est hallucinant. Je joue au ping-pong avec mes projets. Et je veux prouver au monde du cinéma que je ne suis pas un imposteur ».

Anik Jean s’est aussi révélée avec Bon Cop Bad Cop 2. « Patrick me voulait. Trouvez-vous un plan B que je lui aie dit, mais dans sa tête de cochon, c’était moi. Il y a quand même 72 cues de musique pour une durée de 85 min de film, c’est une grosse charge. Par exemple, faire accélérer en musique des voitures qui ne vont pas assez vite. J’y ai mis beaucoup d’instruments à percussion pour susciter l’effet de vitesse. Parfois, on a besoin de douze secondes de musique, d’autres fois 47 secondes. Tout dépend de la scène. Dans Bon Cop 2, on sait qu’il y a de la musique, mais on ne l’entend pas ».

« J’aime être en studio, le processus est trippant, le travail de gang entre autres avec le réalisateur et le monteur, la communication est continuelle. Mais le plus difficile, c’est de plonger. Pour un film comme Bon Cop Bad Cop 2, je travaille avec des logiciels d’effets sonores digitaux qui reproduisent des bruits d’explosion ou de vrombissements, mais pour Sois sage, c’est moi au piano et Catherine Ledoux au violon. Y a des moments creepy que seuls deux instruments peuvent illustrer. J’étais dans mon élément parce que j’aime l’horreur, mais c’est important de bien calibrer la musique sinon ça va scrapper le film ».

Sois sage est le troisième film où elle appose aussi sa musique. En février dernier, elle présentait La Porte en ouverture des Rendez-Vous Québec Cinéma, un court métrage de 15 minutes dans lequel Huard tient le rôle d’un peintre agoraphobe. Puis en 2016, son film de 62 minutes Lost Soul, sans dialogues et purement musical lançait sa filmographie. L’artiste travaille présentement à l’écriture de deux longs métrages, dont un avec le maestro de l’horreur Patrick Sénécal comme conseiller à la scénarisation, et à la musique d’une série télé très connue dont elle ne peut en dévoiler l’identité pour l’instant.

« Martin Léon m’a aidé pour Bon Cop 2, toutes les fois que je freakais, je l’appelais, j’ai besoin de me faire sécuriser. Et Antoine Gratton a aussi été un allié indispensable. Je recevais des scènes montées du film pour m’inspirer et une fois visionnées, je lui chantais au téléphone des mélodies qu’il transcrivait sur des partitions musicales. Il a ajouté huit violons, quatre cuivres sur certains passages, c’est génial travailler avec lui. Autant que le guitariste Guillaume Doiron, un ami d’enfance, qui a tout un arsenal de pédales qu’il utilise savamment ».

Délaisse-t-elle pour autant sa carrière d’auteure-compositrice qui a pris son envol en 2005 avec un premier disque, Le Trashy Saloon, réalisé par Jean Leloup (Juno de l’album francophone). Et propulsée par sa présence en première partie des Rolling Stones au mois de janvier 2006 ? Ses Gibson Firebird et Télécaster Ron Wood Signature (elle possède 19 guitares) autographiées par Keith Richards et Ronnie Wood? Puis, sa ‘’Révélation de l’année’’ au Gala de l’ADISQ ?

« J’étais tannée de faire un album, une tournée, un album, une tournée. Mais là, j’ai commencé à écrire mon prochain disque. Et tu sais quoi ? Je suis allé au lancement du dernier disque de Jean Leloup c’est là que j’ai eu le gout de refaire un album. J’ai un concept dans ma tête de mix entre best of et collaborer avec des auteurs-compositeurs qui m’ont inspiré à faire de la musique. Je les ai appelés et ils ont accepté de se joindre à mon aventure pour mon prochain album. Alors on coécrira eux et moi quelques nouvelles chansons. »



Les membres du duo Young Bombs ont signé leur premier remix officiel en 2015 quand on les a chargés de mettre leur imprimatur sur la chanson « Teacher » de la vedette pop Nick Jonas. Bien qu’il y ait là de quoi être fier, le duo vancouvérois se souvient de ce processus comme quelque chose d’« hyper pointilleux », comme l’exprime dans ses mots Martin Kottmeier. « On s’était mis tellement de pression parce qu’on n’avait jamais rien fait d’aussi gros ou pour un artiste d’une telle stature. » Il affirme néanmoins que cette expérience des plus stressantes lui a appris, ainsi qu’à son collègue Tristan Norton, une leçon importante qu’ils ont depuis appliquée à leurs autres productions et remixes : « faire de la musique doit être amusant et expressif. »

Depuis, Young Bombs a ajouté de nombreux artistes importants à sa feuille de route de remixes, dont notamment Lady Gaga, Selena Gomez, Post Malone et Khalid. Du côté de l’EDM, leurs productions ont été saluées par des noms non moins importants comme Tiësto, Don Diablo, Oliver Heldens, The Chainsmokers et Galantis, ce que, dans les mots de Martin « veux tout dire pour nous, ces gens-là sont nos héros, alors chaque fois qu’ils soutiennent nos productions ou nous témoignent leur appréciation, c’est une leçon d’humilité. »

L’an dernier seulement, Young Bombs a produit 45 remixes et le duo a cumulé plus de 100 millions d’écoutes en à peine quatre ans. Ils ont donc décidé, cette année, de passer à la prochaine étape logique de leur évolution : écrire leurs propres chansons. En mars, Young Bombs a lancé « Starry Eyes », une pièce dance stellaire pleine de battements de mains, et de pistes de voix superposées qui s’amalgament pour former un bijou électro pop irrésistible.

Young Bombs a déjà lancé un nouveau simple, « Don’t Let Them », qui est en lice pour le titre de chanson de l’été, et le duo a hâte de continuer à produire du nouveau matériel et à collaborer avec d’autres artistes. Qui figure à leur liste de collaborateurs de rêve ? Caleb Followill de Kings of Leon et Lou Bega, du célèbre mégasuccès « Mambo No. 5 ». « Son travail est incomparable et trop souvent ignoré », ajoute Kottmeier au sujet du mégasuccès de Bega. « Ramenez Lou ! »