Pour les artistes de la trempe de Jocelyn Alice, le voyage est aussi important que la destination. Baignant depuis toujours dans le monde de la musique, elle crée et enregistre dans sa ville natale, Calgary, depuis l’adolescence. Elle s’est d’abord fait connaître en tant que finaliste au concours Popstars alors qu’elle n’avait que 16 ans, et plus tard en tant que moitié du duo soul-pop jocelyn & lisa, puis, désormais, comme artiste solo.
On a pu entendre ses chansons dans des téléséries populaires telles que One Tree Hill et Pretty Little Liars ainsi que dans des publicités pour de grandes marques telles que Target, mais c’est toutefois son plus récent simple, intitulé « Jackpot », qui a finalement attiré l’attention du grand public et qui fut certifié Or au Canada l’été dernier.
« Pour moi, « Jackpot » n’était qu’une autre de mes chansons et je la trouvais “cool,” mais je ne m’attendais pas à une telle réaction du public! », s’étonne Alice. « Je suis vraiment chanceuse de pouvoir poursuivre mon rêve avec le soutien de tout le monde. Il n’y a pas de mots pour expliquer ce que cela représente pour moi. J’espère pouvoir travailler fort encore très longtemps afin de créer d’autres chansons qui sauront émouvoir les gens. C’est tout ce que je demande. »
Elle met actuellement les dernières touches à son prochain EP en compagnie de son ami et producteur Ryan Guldemond (Mother Mother).
Photo par Kim Gaudreault
À 2, c’est mieux : 2Frères
Article par Philippe Renaud | lundi 19 octobre 2015
Nous poursuivons notre série d’entretiens portant sur ces mariages heureux du mystère de la création que l’on appelle… les duos d’auteurs et compositeurs. Un thème taillé sur mesure pour nos prochains sujets, Sonny et Érik Caouette, deux frères dans la vie et 2Frères sur scène qui n’hésitent pas à sortir de leur noyau familial pour dénicher de bonnes chansons.
La belle saison qui tire à sa fin aura été au Québec celle du jeune duo 2Frères : Nous autres, chanson-titre de leur premier album, a atteint, fin août, la première position des palmarès radio Top 100 BDS (métropole) et Top 100 Correspondants (régions).
La chanson francophone de l’été 2015? « Ben… je pense qu’on peut dire ça! », réagit Sonny, 25 ans. De deux ans son aîné, Érik : « On ne s’attendait à rien en lançant l’album… Ça se prend bien », d’autant que durant la semaine du 11 août, ce premier album des frères devenait aussi le numéro un du palmarès des ventes d’albums francophones au Québec (Soundscan et iTunes).
La statistique la plus étonnante demeure cependant la position de tête au palmarès radio dans la métropole, pour une chanson de type folk-pop (paroles et musique de Steve Marin) qui suscite généralement plus d’intérêt auprès du public des régions. « Cette chanson a été beaucoup demandée [par les auditeurs] sur les radios à Montréal, tente d’expliquer Sonny. Le Démon du midi et Maudite promesse ont beaucoup tourné sur les radios en région, et pas tant que ça à Montréal. J’imagine que c’est un peu comme pour David Jalbert : au début, il était très connu en région, peu en ville. Aujourd’hui, tout le monde connaît Jalbert. C’est comme si la région était une sorte de test : si ça marche fort sur les radios là-bas, Montréal sera moins frileuse ensuite. »
« C’est comme si la région était une sorte de test : si ça marche fort sur les radios là-bas, Montréal sera moins frileuse ensuite. » – Sonny Caouette, 2Frères
« C’est vrai, renchérit Érik, mais d’un autre côté, Le Démon du midi [composée par les 2Frères et Stéphane Dussault], la première radio qui l’a acceptée, c’est CKOI. Les autres ont suivi. Montréal nous a ouvert la porte! »
Existe-t-il vraiment une pop des villes et une pop des champs? Et si oui, nos deux Caouette ont-ils trouvé la recette pour faire une chanson qui sache rassembler ces publics apparemment distincts? Les 2Frères ont en tout cas une intime connaissance des goûts en chanson de leur public. Originaires de Chapais, en Jamésie, Sonny et Érik ont attrapé la piqûre de la musique de leurs parents, musiciens amateurs, et ont formé leur duo durant l’adolescence. En 2008, ils s’installent dans les Cantons de l’Est pour tenter de vivre de leur musique. « On vit de ça exclusivement depuis cinq ans », assure Érik. Comment? En jouant dans les bars. Les demandes spéciales, « du Cowboy Fringants, du vieux Corbeau, y’en a pour tous les goûts », précise Sonny. Les gars donnent plus d’une centaine de concerts par année, aux quatre coins de la province.
L’idée de présenter leur propre matériel original les gagne alors qu’ils s’entendent avec Mario Pelchat et sa boîte MP3 pour préparer un premier album. Si le travail d’auteur-compositeur est nouveau dans l’univers des frères, c’est d’instinct qu’ils parviennent à ficeler leurs compositions.
« Ça fait longtemps qu’on fait de la musique, mais c’est tout nouveau qu’on compose, explique Sonny. Sur l’album, y’a que deux chansons qui nous appartiennent à 100% », M’aimerais-tu pareil et Pépé. Trois autres coécrites en collaboration avec Stéphane Dussault; le reste composé par Steve Marin (réalisateur et directeur artistique), Alexandre Poulin, la parolière Amélie Laroque, et encore Dussault, bassiste des Respectables. Règle générale, c’est Sonny qui pond une première ébauche de chanson. Le thème, la musique, la mélodie, des bouts de textes. Érik :« On travaille comme ça, à partir des idées de Sonny. »
Les Caouette ont les visées claires : les bars, c’est chouette, mais présenter ses propres compositions, dans des salles ou des scènes de festival, c’est encore mieux. « Je vais être franc, dit Érik, le but, c’est d’arrêter de faire les bars. Quand tu commences là-dedans, c’est une magnifique école. ‘Faut que t’apprennes à aller chercher un public qui n’est pas forcément là pour te voir. Seulement, lorsque tu les gagnes, lorsque tu y retournes, tu le sens que le public te suit. »
Cent fois sur le métier d’auteur-compositeur les 2Frères remettront leur ouvrage, toujours en profitant des conseils de leurs expérimentés collègues musiciens. « Si je peux dire quelque chose à tous ceux qui ont l’espoir de faire de la musique, lance Sonny, c’est de bien savoir s’entourer. Érik et moi, on a un talent pour la musique. Mais le talent de s’entourer des bonnes personnes, c’est tout aussi important. »
Article par Marie Hélène Poitras | jeudi 15 octobre 2015
On se rejoint dans un café de la rue Beaubien, le Vieux Vélo, à deux pas de chez Philémon Cimon. Il fait beau soleil, une lumière dorée d’été plane dans l’air. Philémon est sur le point de lancer son troisième album, dont deux extraits sont parus en juillet dernier. L’un est en quelque sorte un art poétique et s’intitule La musique. « La musique est un amour à sens unique, chante-t-il. Elle me déchire, m’inspire ». Il la dépeint comme une maîtresse despote à qui l’on donne tout sans rien attendre en retour. « C’est une chanson qui traite de mon rapport à l’art. Il y a quelque chose de beau dans l’amour à sens unique. Même qu’à la base, l’amour devrait être ainsi. Ensuite, chanceux celui qui trouve la réciprocité. »
En moins de cinq ans, Philémon a fait paraître trois albums. Les femmes comme des montagnes fait suite à L’été, paru au cœur de l’hiver il y a un an et demi. Apparemment la musique est aussi une muse et l’envoûtement dure. L’heure des bilans n’a pas encore sonné, mais quand il jette un œil dans le rétroviseur, Philémon s’avoue surpris de son parcours. « Impossible de savoir où la création va t’emmener… Sinon qu’elle va t’emmener! Pour moi, le nouvel album fait la somme des deux premiers. »
« Impossible de savoir où la création va t’emmener… Sinon qu’elle va t’emmener! »
Lancé en 2008 de façon indépendante, le EP Les sessions cubaines avait rallié la critique dès sa sortie. La sensibilité à fleur de peau, la vulnérabilité offerte courageusement. Et cette douce mélancolie juvénile contrebalancée par les cuivres des musiciens cubains du mythique Studio Egrem. Audiogram avait signé Philémon pour lancer à nouveau les chansons bonifiées de plusieurs nouveaux titres. « Pour moi, ce disque représente mon passage à l’âge adulte. »
Vint ensuite L’été, un album qui nous entraînait ailleurs, loin de Cuba, créé cette fois avec des musiciens montréalais. « Mes musiciens et moi, on se connaît mieux maintenant. Pour Les femmes comme des montagnes, j’ai voulu faire un album de band. On a travaillé sur les arrangements ensemble, je leur ai laissé beaucoup d’espace; on peut maintenant aller plus loin ensemble. On a commencé à répéter les nouvelles chansons et puis soudainement, j’ai eu envie de retourner à Cuba, avec eux. Dans les pays où il fait très chaud, les choses sont moins contrôlées et il y a un peu plus de place pour la vie. »
Philémon a contacté les gens du Studio Egrem, quartier général des musiciens du Buena Vista Social Club. Les dates concordaient pour tout le monde; il s’y est rendu à nouveau, cette fois accompagné de ses complices montréalais – dont Philippe Brault, toujours à la coréalisation. Là-bas, Philémon a renoué avec ses amis-musiciens de La Havane, son cousin Papacho, pianiste, et avec la chanteuse à l’accent charmant que l’on entendait sur Je te mange.
Philémon n’a pas tort de dire que son nouveau cru fait la somme des précédents : on renoue avec les cuivres cubains qui nous avaient manqué sur L’été, avec le jeu de piano de Papacho, un esprit qui évoque les sixties par petites touches, suggère la classe d’un Gainsbourg. Il y a de la place pour faire résonner les guitares et on se paye la traite en studio sur une chanson comme Maudit. Les textes sont bien ficelés, respirent. Philémon est libre, agile dans son interprétation. Mine de rien, le métier rentre. Il se permet d’étirer la note, de durcir un peu le ton, d’explorer de nouveaux registres. Comme s’il s’était autorisé à quelque chose de nouveau.
« J’ai dû aller plus loin que là où j’étais habitué d’être parce que je voulais dire autre chose. Les années passent, on découvre des choses qu’on ne connaissait pas avant parce qu’on n’avait pas besoin de les découvrir à ce moment-là. Et que ce qu’on voulait exprimer était déjà exprimable avec les outils qu’on avait. Sur mon premier album, je dialoguais avec une fille. Je m’adresse désormais aux gens en général à partir de mes profondeurs et de ma vérité, qui s’avèrent être celles d’à peu près tout le monde (Vieille blonde, Maudit, Ève) et ça commande un langage vocal un peu plus métaphorique. »
Parlant de figures de style, qui sont ces femmes comparées à des montagnes? Qu’est-ce que ce titre énigmatique évoque pour Philémon? « Les grands classiques de la littérature m’inspirent, les œuvres dans lesquelles il est question de s’élever vers un idéal. Dans Don Quichotte de Cervantes ou La Divine comédie de Dante, il y a cette idée de gravir une montagne pour se rendre jusqu’à une femme. Chez Milton, Adam et Ève sont au paradis sur la montagne avant de s’en faire chasser… »
De la jolie soie noire, que cet album. Une fibre délicate dont on se fera une belle écharpe pour l’automne.