Ezra Jordan, l’un des participants à la première saison du concours musical The Launch, diffusé sur les ondes de CTV, était de passage au Harmony Lounge de notre siège social de Toronto pour nous offrir une Session SOCAN le 17 avril dernier.

Jouant des claviers en compagnie de son groupe d’accompagnateurs — basse, guitare et batterie — il a interprété ses chansons originales pendant une trentaine de minutes avant de répondre aux questions de l’auditoire. Jordan a joué six de ses pièces — incluant ses simples « Only Got Eyes for Her » et « Lonely Now » — qui proposent un accrocheur amalgame de R&B, de soul, de funk et de pop, tandis que le registre de sa voix passe d’un chaleureux baryton à un falsetto surprenant.

Pendant la période de questions, il a parlé de sa participation à The Launch et décrit le tourbillon d’activités qui ne lui permettait de dormir qu’environ quatre heures par nuit. Il a également confié avoir la plupart de ses idées de chansons lorsqu’il est au volant de sa voiture et comment il a tendance à commencer à écrire une chanson avec à peine quelques lignes, mais parfois avec un concept complet, pour ensuite les peaufiner. Lorsqu’on lui a demandé ce que la SOCAN pouvait faire de plus pour lui, il a répondu à la blague « ajouter quelques zéros à mes chèques ! »

Depuis son passage à The Launch, où il a impressionné les juges-vedettes Fergie et Stephan Moccio, ses chansons ont été collectivement écoutées plus de 600 000 fois. Bien que son succès dans l’émission de télé ait indéniablement donné un coup de pouce à sa carrière, Jordan — qui est le fils des membres auteur-compositeur-interprète de la SOCAN Amy Sky et Marc Jordan — joue de la musique depuis l’âge de quatre ans.

À l’âge de 18 ans, il a souffert d’une blessure potentiellement mortelle à une jambe. Forcé d’abandonner ses études en piano durant sa convalescence, il s’est tourné vers le chant et l’écriture de chansons. Une fois complètement guéri, Jordan a été recruté par le finaliste aux JUNOs Scott Helman comme claviériste et choriste. Il s’est ensuite établi à L.A. pour parfaire son art au Musician’s Institute tout en se concentrant sur sa carrière solo.

La SOCAN remercie Jordan Ezra pour sa prestation et tous les employés lui souhaitent tout le succès qu’il mérite.



La saison KILLY bat son plein.

Cinq ans après sa première prestation dans un club, Khalil Tatem, alias KILLY, de Scarborough, fait tout un tabac : ses pièces, dont notamment « Killamonjaro » et « No Romance », lancées en 2017, accumulent des écoutes et visionnements qui grimpent dans les huit chiffres.

Aujourd’hui, à la veille du lancement de son album indépendant de 11 pièces intitulé Surrender Your Soul et d’une tournée estivale qui le verra se rendre aussi loin que Varsovie, le jeune homme de 20 ans signale haut et fort au monde entier que « The 6ix » a produit un troisième innovateur R&B/hip-hop qui semble prêt à marcher dans les traces de Drake et The Weeknd.

« On parle d’un son qui est plus grand que la ville », se vante KILLY au sujet de son « flow » — inspiré de 808 s & Heartbreak où se mélangent improvisation et jargon, et où la voix est traitée électroniquement en bercée par des échantillonnages en boucle de claviers et de synthés. « Personne d’autre ne fait ça ailleurs. »

Si l’on considère la réaction du public comme épreuve de vérité, il n’a pas tort de se vanter : Collectivement, les pièces de KILLY, incluant celles lancées en 2017 ne figurant pas sur Surrender Your Soul – « Distance », « Forecast », et « No Romance » – approchent les 50 millions de diffusions en continu tandis que ses vidéos sur YouTube en récoltaient 33 millions au moment d’écrire ces lignes. « C’est cool de voir que les gens le réalisent et le remarquent enfin », dit KILLY. « Pour moi, il ne s’agit que d’une année. »

KILLY a raison lorsqu’on se limite à sa visibilité et au nombre grandissant de ses fans. Mais lorsqu’on s’attarde à la progression de sa carrière, comme il le souligne lui-même dans « Surrender (Intro) », il a « donné son premier show à 15/sorti son premier vidéo à 16 » (Had my first show at the end of ’15 [yeah]/First video came summer ’16 [yeah]). De vastes pans de Surrender Your Soul portent sur son ascension fulgurante, et le fait que cet album soit lancé de manière indépendante sur sa propre étiquette, Secret Sound Club, est d’autant plus impressionnant.

« Killamonjaro » a été le moment décisif où KILLY n’était plus qu’une sensation dans l’underground : c’est la pièce où instinct et spontanéité se sont mariés pour mettre en valeur la magie KILLY. « Pour “Killamonjaro”, j’ai entendu le “beat” et composé la structure, et j’ai dit à mon ingénieur, “faut enregistrer cette chanson immédiatement”. On s’est réunis et on l’a fait. Rien de plus, rien de moins, vraiment. »

« J’arrive en studio, on me joue un beat, et j’écris une chanson sur-le-champ. Si elle a besoin d’un peu plus de production, on y ajoute des guitares ou des impros. Penser moins, ressentir plus. Pour moi, c’est très libre, très libéral — ça arrive comme ça, comme je le sens. Je n’écris pas de paroles, tout se fait dans le feu de l’action. Je saisis l’énergie du moment. »

Mais comme c’est le cas de la plupart des artistes, nul n’est une île. Pour Surrender Your Soul, KILLY a fait appel à une communauté de producteurs qui sont à parts égales des vedettes établies et des nouveaux venus. Dans la première catégorie, on retrouve Boi-1da (Drake, Eminem, Kendrick Lamar), Daxz (Drake, Travi$ Scott), WondaGurl (Drake, Jay Z, SZA), 1Mind (French Montana, Lil Yachty) et Wallis Lane (Drake, Logic, PARTYNEXTDOOR, Trey Songz).

Pour KILLY, le niveau d’expérience de ses collaborateurs ne l’impressionne pas. « Ça m’importe assez peu s’ils ont besoin de cette visibilité ou s’ils sont déjà très connus. Si tu fais de la bonne musique, tu fais de la bonne musique », dit-il simplement. « Je me fous si t’as 50 chansons dans le Top 100 ou pas. J’ai 16yrold qui produit pour moi (“No Romance”) et j’ai aussi Boi-1da. Peu importe l’âge, le statut social, c’est juste une belle chose lorsque tout le monde s’unit. La plus grande notoriété d’être bien établi — c’est simplement qui fait de la bonne musique. »

« J’arrive en studio, on me joue un beat, et j’écris une chanson sur-le-champ. »

Originaire de Toronto, KILLY a passé la première partie de son adolescence dans sa maisonnée barbado-philippine de Victoria, en Colombie-Britannique, avant de revenir à Toronto, il y a quelques années, obsédé par son désir de faire sa marque, inspiré qu’il était par Speaker Knockerz, Kanye West, Tame Impala, Joey Bada$$ et James Blake.

« Je fais ça depuis que je suis tout jeune », poursuit KILLY. « Je ne me souviens pas d’un moment où je ne le faisais pas. C’est la première chose à laquelle je pense en me réveillant. Ç’a toujours été comme ça, même avant que je connaisse un quelconque succès. »

Il s’est rapidement bâti un réseau de contacts en s’impliquant dans le nightlife torontois. « Ça s’est fait rapidement », dit-il. « J’ai commencé par m’imprégner de la culture, des partys et des autres créatifs. Juste comme ça, tu vois ? Et de fil en aiguille, je me retrouvais dans la même pièce que tous ces gens dont j’écoutais la musique. Ç’a fait boule de neige. »

Le secret de son succès c’est d’être en contact avec ses émotions. « La musique se base sur mon mood, sur mon énergie », dit KILLY, qui a récemment lancé son nouveau simple « No Bad No Sad ». « C’est la meilleure façon de capter comment je me sens et comment les gens autour de moi se sentent. Mon environnement, mon espace mental — tout ça est capté par les sons. »

Il fournit les mots, ses producteurs fournissent les sons. Au risque de se répéter, KILLY choisit ses liens professionnels en fonction des vibrations personnelles qu’il perçoit. « Ce sont tous des amis, et pour moi, si nous pouvons établir une connexion personnelle, nous pourrons connecter au niveau musical. Ce sont mes potes. »

Bien qu’il soit avare de détails, tout semble indiquer que KILLY se prépare à jouer un rôle de mentor et à créer sa propre dynastie. « Tout ce qu’on fait, ou le fait ensemble », dit-il. « Secret Sound Club. Tout est fait maison. » « Secret Sound Club a été fondé par KILLY et c’est le label qui publie toute sa musique », explique son relationniste. « C’est une maison de disque indépendante. Nous n’avons pas officiellement annoncé les autres artistes qui font partie de l’écurie Secret Sound Club. »

KILLY a récemment dépassé les frontières nord-américaines pour la première fois afin d’enregistrer quelques pièces en Jamaïque avec « ma bonne amie » WondaGurl. « On a passé du temps à St. Elizabeth et à Kingston et on a rejoint des musiciens locaux. J’en ai fumé du bon et les “vibes” étaient bonnes. Je peux pas me plaindre. »

Il espère lancer le résultat de ce travail à l’automne, mais d’ici là, il vit l’« état euphorique » de ses prestations devant public, public auquel il fait découvrir Surrender Your Soul. Que ses chansons portent, un jour ou l’autre, sur un autre sujet que lui-même, KILLY n’a aucun remords à se mettre ainsi en valeur.

« Personne ne nous connaît aussi bien qu’on se connaît soi-même, alors pourquoi ne pas en parler ? » demande-t-il de manière purement rhétorique. « Ce sont mes histoires qui me conviennent le mieux. »



Everything that’s bad for the world is good for rock’n’roll, observa un jour le sage. Il aurait pu ajouter que tout ce qui est mauvais pour le monde – Trump, les tentatives de d’autocrédibilisation réussies de l’extrême-droite, la désignation de faux ennemis collectifs – est paradoxalement bon pour GrimSkunk (et leurs fans). La colère propulsant Unreason In the Age of Madness, le neuvième album des pères du rock alternatif québécois, se chauffe des brasiers nombreux constellant une planète sur laquelle règnent des puissants ayant tout intérêt à diviser pour mieux dominer.

GrimSkunk« Protestors are anarchists, dissenters are terrorists, you have no right, no right to resist », hurle d’emblée la formation sur Let’s Start a War, faux appel aux armes épousant, pour mieux le subvertir, un discours assimilant à des enfantillages le désir de manifester dans la rue son désaccord avec les diktats du néolibéralisme. Des raccourcis intellectuels avec lesquelles vous êtes sans doute familiers si vous avez un jour jeté un œil morbidement curieux aux commentaires s’empilant sous une publication Facebook d’une grande chaîne de télé, ou d’un tabloïd.

« Il y a malheureusement de plus en plus de gens qui avalent la bullshit totale que la droite leur sert depuis Reagan, qui prétendait que la fortune des riches allait bénéficier à tout le monde », observe le chanteur et guitariste Franz Schuller, pas exactement le genre de gars que vous avez à supplier afin d’obtenir une généreuse tranche d’éditorial au vitriol.

« La réalité, c’est que des tas de gens dans certains médias ont intérêt à ce que le 1% demeure en place et ils sont là pour prétendre que des mensonges sont des vérités, puis diviser la classe ouvrière, les gens moins instruits, les pauvres, en essayant de leur faire croire que leurs véritables ennemis, ce sont les élites intellectuelles ou les stars d’Hollywood. »

Enregistré à Gibsons en Colombie-Britannique avec Garth Richardson (le réalisateur derrière le premier album de Rage Against the Machine), le successeur de Set Fire! (2012) imagine toujours, en se jouant des limites entre les genres musicaux, une planète sur laquelle toutes les frontières auraient été abolies. Du reggae de Same Mistake, au vol plané très pinkfloydien de Starlight, jusqu’au punk bras-dessus-bras-dessous de Gimme Revolution, le caméléon GrimSkunk demeure fidèle à ses polyvalentes habitudes.

« Le but du band, c’est plus que jamais de faire réfléchir », explique Franz, au nom de ses compagnons de lutte, le claviériste et chanteur Joe Evil, le bassiste Vincent Peake, le batteur Ben Shatskoff et le guitariste Peter Edwards (qui balance sur Hanging Out in the Rain et Computeur Screen des solos trahissant l’amour jamais parfaitement camouflé du groupe pour le prog rock).

« Certains pensent qu’on est des sermonneurs, mais on ne dit pas aux gens ce qu’ils ont le droit de faire ou pas. T’as le droit de ne pas être d’accord avec ce qu’on pense. On veut juste mettre en valeur des idées différentes de celles qu’on utilise partout pour brainwasher les gens et les faire rentrer dans le rang comme des moutons. On veut les exposer à des idées différentes, qui vont peut-être éventuellement leur donner le goût de prendre des décisions citoyennes et politiques différentes. »

C’est l’évidence: le groupe qui célébrera son trentième anniversaire en novembre n’en est pas encore à la création du proverbial album folk pour punks pantouflards.

« Non, parce qu’on a encore les mêmes valeurs que lorsqu’on était jeunes et qu’on n’a pas envie de tourner le dos aux opprimés, qui ont besoin d’être soutenus », plaide celui qui chante sur Same Mistake le « redneck revival » de La Meute et autres groupuscules identitaires, vingt ans après avoir fustigé le nationalisme niais sur Lâchez vos drapeaux (extrait du mythique album Fieldtrip).

Autrement dit: comment décolérer quand les raisons de la colère, elles, restent les mêmes? « C’est pas parce que tu deviens plus vieux ou plus confortable que tu devrais cesser de te soucier des autres, surtout quand autant d’entre eux sont exploités, persécutés, tués, méprisés. On a une responsabilité humaine face aux autres êtres vivants sur cette planète. »

« Fuck the NRA », gueule d’ailleurs GrimSkunk sur The Right to Bear Harm, rageur pamphlet anti-armes. « Je pense que lorsqu’on sent de la colère face à quelque chose qui nous désole, il faut l’exprimer de la manière la plus naturelle et vraie possible. L’idée de base du punk, c’est que de dire les choses doucement, ça a une efficacité limitée. Dire les choses fortement, ça permet d’ouvrir un débat et de créer du questionnement. Regarde les kids qui ont pris la parole contre la NRA après la tuerie de Parkland. On les a traités de pathétiques, de juvéniles, mais ils ont fait bouger les choses. La colère peut être un bon moteur si elle est dirigée vers un but positif. »

Mais la colère du punk permet aussi plus simplement – c’est déjà beaucoup – de se délester de celle que fait bouillir en nous un monde où les injustices se multiplient. « Pendant un show de GrimSkunk, les gens trashent, ils se lançant de tous les bords, ils sortent de là avec des bleus parce qu’ils sont tombés par terre, mais ils ont aussi un smile gros comme le soleil dans la face. Ils ont été libérés de toutes leurs frustrations. » Jusqu’au journal du lendemain, du moins.