Au beau milieu de notre conversation avec le sensationnel Emanuel – dont le premier album a été qualifié de « projet R&B le plus attendu de l’année » –, nous nous sommes tous les deux mis à « googler » les légendes du jazz éthiopien.

EmanuelLes parents du jeune chanteur de London, Ontario, ont quitté l’Éthiopie pour s’établir au Canada il y a une quarantaine d’années et je lui ai demandé s’il a écouté ce genre musical dans sa jeunesse. « Oh ! bien sûr ! » dit-il avec enthousiasme. « J’adore le jazz éthiopien et de la tizita [une forme de ballade typique de l’Éthiopie]. »  Je lui chante les louanges de Hailu Mergia et Tsegue-Maryam Guebrou et propose de lui envoyer des liens vers leur musique. « C’est vraiment cool que tu parles de ça ! Et en plus tu prononces bien leurs noms ! » lance-t-il en riant. « Mais ma mère se moquerait de nous deux si elle était là ! »

Emanuel poursuit en me confiant qu’il aimerait bien, un jour, faire de la musique inspirée de cette époque. La famille et les racines sont primordiales pour l’auteur-compositeur-interprète signé chez Motown qui a eu son propre gigantesque panneau d’affichage à Times Square et qui est apparu sur le radar du monde entier en avril dernier grâce à Idris Elba. « Tout ça [les panneaux d’affichage et les critiques dithyrambiques] est vraiment cool », dit-il. « C’est génial de sentir le soutien du label, mais rien ne vaut la connexion humaine, que ce soit les gens qui réagissent à votre présence sur scène ou qui vous disent ce qu’ils ont ressenti en écoutant votre musique. »

Comment fait-il pour garder les deux pieds sur terre ? « C’est facile de rester terre à terre quand t’es proche de tes racines, mais j’ai quand même des moments où une bonne conversation s’impose », avoue-t-il. « Ma mère est une personne très sage et elle a une façon vraiment merveilleuse de me rappeler de demeurer humble. »

Depuis la sortie de son premier simple « Need You », qu’Elba a aidé à promouvoir auprès de sa légion d’abonnés sur les réseaux sociaux l’an passé et celle de son album ALT THERAPY, le 16 juin 2021, son auditoire n’a cessé de grandir. Emanuel dit qu’il voulait que l’album soit « quelque chose que les gens peuvent écouter dans les moments de calme ou lorsqu’ils ont besoin d’être apaisés – et les gens ont répondu à l’appel. Il y a eu des jours où je me suis réveillé avec des messages vraiment magnifiques. »

“La chanson parlait du profond besoin que j’ai pour les gens qui m’entourent”

« Personne ne peut m’enlever ça », dit le jeune artiste. « Personne ne peut faire disparaître ces moments d’amour pur. Je raconte comment la musique m’a guéri et je suis vraiment heureux que les gens puissent l’entendre. C’est une véritable bénédiction. »

Emmanuel dit que son intérêt pour la musique a toujours été motivé par un désir d’écouter les histoires des autres et il en partage certaines très personnelles dans son premier album. L’irrésistible « Addiction » – qui raconte sa propre dépendance – en est un excellent exemple. « Je réfléchissais à certaines des mauvaises relations que j’ai eues, et à mon propre comportement toxique dans le passé », dit-il en évoquant la genèse de la chanson. « Mon approche de la vie ne laissait aucune place aux gens qui voulaient m’aider et aucune place à la croissance ou à vivre dans l’instant présent. »

« Poser un regard critique sur mon comportement a été facile et “Addiction” raconte comment j’ai mis fin à un cycle et tout ce que ça m’avait coûté. Lorsque j’ai trouvé les paroles, elles m’ont fait penser à la peur et à l’anxiété » que certains d’entre nous ressentent lorsque nous sommes dans un avion en descente, explique-t-il, ajoutant que la chanson a pris forme peu après que ses producteurs lui ont fait écouter le « beat », un matin.

« Prodigal son fell asleep with the swine » (librement : « l’enfant prodige s’est assoupi en compagnie de cochons ») est une des lignes les plus frappantes de la chanson. « Ouais, c’est un passage très viscéral », dit doucement Emanuel. « Je voulais exprimer ça sans avoir l’air de m’y complaire. Je voulais montrer ma vulnérabilité sans avoir l’air de trouver des excuses pour un comportement répréhensible. »

La joie qu’il éprouve à communiquer avec ses auditeurs et à offrir sa musique comme une forme thérapie est devenue évidente lorsqu’il a lancé « Need You » un mois après le début de la pandémie. C’est Kardinal Offishall qui a envoyé la chanson à Idris Elba au moment où il se remettait de la COVID-19. Emanuel raconte qu’Elba lui a dit que la chanson lui avait été d’un grand secours et qu’il souhaitait la partager afin qu’elle puisse aider d’autres gens. L’acteur a demandé à ses abonnés sur les réseaux sociaux de soumettre des images illustrant comment ils gèrent leur confinement afin d’en faire un « collage inspirant ». En 24 heures, il a reçu plus de 3000 soumissions de partout à travers le monde pour cette vidéo collective.

Emanuel décrit cette période de sa vie comme un véritable conte de fées. En décrivant la chanson, l’auteur-compositeur dit qu’il « parlait du profond besoin que j’ai pour les gens qui m’entourent, de Dieu, et de toutes les autres choses dans ce monde qui me donnent la vie. »

Il affirme que la pandémie lui a permis d’apprendre à apprécier le calme et de s’engager sur la voie de la découverte de soi et de la guérison. « J’ai pris le temps de réfléchir à la manière d’avoir des relations plus saines et solides et ça m’a donné le temps de beaucoup réfléchir à mon avenir », explique Emanuel, ajoutant que cela lui a également permis de « guérir d’une perception négative de moi-même et d’un style de vie chaotique. »

« Je crois vraiment que tout le monde passe par là sur le chemin de la découverte de soi, alors je me suis dit que c’était un excellent sujet pour mon album. »