Il n’existe plus seulement que les concours pour faire découvrir ses talents, vous le savez bien. Les réseaux sociaux nous ont permis de faire la découverte, pour le meilleur ou pour le pire, d’une myriade de talents canadiens qui ont marqué les dix dernières années : Alessia Cara, Justin Bieber, Shawn Mendes, pour le meilleur. Pour le pire, on se passera de faire l’énumération des feux de paille.

Dans la francophonie canadienne, ce n’était qu’une question de temps avant qu’un talent ne se fasse découvrir sur l’un ou l’autre des réseaux sociaux. Si la rumeur est vraie, il serait arrivé, ce talent.

Il s’appelle Jordan Hébert, a 24 ans et est suivi par tout près de 30 000 abonnés sur sa propre chaîne YouTube. Mise en branle il y a deux ans, cette page compte des dizaines de vidéos qui font état des réinterprétations de succès de l’heure – Ed Sheeran, The Chainsmokers et The Weeknd, – mais également de chansons francophones – Jason Bajada, Louis-Jean Cormier et Vincent Vallières.

Questionné quant aux avantages de la vie de YouTubeurs, le principal intéressé avance qu’il « est évident que d’opérer sur une base Web possède ses avantages ». Il en va de même pour les inconvénients, explique-t-il : « Il est facile de créer une plateforme avec constance et consistance sur YouTube. D’y publier chaque semaine ou chaque deux semaines encourage le public à s’y référer fréquemment et à s’attacher au contenu produit. »

« Le développement d’affaires y est très facile également ; envoyer son public sur d’autres plateformes connexes pour pouvoir leur présenter du contenu varié tout en conservant sa base primaire est encouragé pour tous les fameux Youtubeurs. Cela présente cependant quelques difficultés. En musique, le rapport investissement/résultat est très faible. On peut passer une vingtaine d’heures sur une capsule qui durera 3 minutes alors que d’autres joueurs du web peuvent prendre leur caméra, parler 10 minutes et hop, le tour est joué. Ceci représente un obstacle pour la musique puisque YouTube réfère les vidéos ayant le plus de  »durée regardée », question de revenus publicitaires. »

Quoi qu’il en soit, c’est la musique qu’il met de l’avant avec la parution toute récente d’une première composition, « Dehors », premier titre aux grooves délicats et aux tendres supplications. Et qui suscite déjà d’excellentes réactions puisqu’il vient tout juste de remporter le tout premier concours Découverte 2017 de Play, émission musicale de VRAK !

« Après tout ce temps passé à enregistrer de façon semi-professionnelle et pratiquement sans budget, c’est avec grande joie que je m’adonne à ce qui m’est présenté sous la bannière PLAY : première prestation télévisée, tracking radio de ma première composition publiée… j’en suis encore bouche bée. Je commençais justement à me questionner sur la pertinence de paver mon chemin artistique sur YouTube lorsque soudainement, c’est exactement ceci qui m’a permis de remporter le concours et de poursuivre dans l’industrie. Il va de soi que la performance live, télé, tracking radio sont des médiums plus crédités et convoités que des vidéos YouTube. Je suis donc très reconnaissant de ce qui se déroule en ce moment et j’ai très hâte d’en apprendre sur le déroulement de l’histoire. Il est à noter que toute l’équipe de tournage est très charmante et l’environnement de production est très sain. »

De fil en aiguille, il a pu également participer à un premier événement musical d’envergure, celui de Santa Térésa, festival inaugural de Sainte-Thérèse qui s’est tenu fin avril. Un premier spectacle qui s’est déroulé à guichets fermés : « J’ai pu présenter une chanson originale de type math rock intitulée SP33DST1CK et ma chanson Dehors. Après mes années YouTube, de monter un groupe représentait un défi puisque je m’étais habitué à ma zone de confort ; enregistrer, filmer, monter et hop, le tour est joué. Ce n’est cependant pas suffisant. J’ai donc loué un studio pour la préparation de mon premier spectacle », affirme le jeune homme qui humblement ajoute qu’il refuse de prendre tout le crédit du succès du spectacle puisqu’il partageait la marquise avec les auteurs-compositeurs de la relève William Monette, Miro Belzil (anciennement de Blé) et Soran Dussaigne, trois musiciens qu’il considère comme des artistes « très, très, talentueux ».

C’est sur la base de ces premières expériences qu’il compte désormais travailler à un spectacle complet, un album qui sera inspiré des formations britanniques Foals et Bombay Bicycle Club – « Une combinaison de la rythmique math du premier et de l’aisance planante du second, » conclut l’auteur-compositeur qui devrait passer 2017 à se renseigner quant aux différentes offres qui s’offrent à lui.

 



L’étiquette de « pop noir » suit le groupe Del Bel depuis des années, et c’est une description qui réjouit encore Tyler Belluz. Le compositeur et réalisateur du groupe admet que la musique de son groupe peut parfois être ardue à catégoriser en raison de son amalgame de styles musicaux — qui va du trip-hop au jazz en passant par la musique classique —, mais le fil conducteur demeure son habileté à créer des atmosphères. Lent, sulfureux et délibéré, le son de Del Bel est l’équivalent musical d’un polar en noir et blanc aux nombreux degrés de lecture et qui hypnotise les auditeurs un peu plus à chaque percussion, « riff » de guitare ou note de cuivres. Puis, à l’avant-plan de tout cela, on retrouve la voix jazzée de Lisa Conway, une voix qui épouse à merveille chacune des tortueuses notes de la chanson.

Le 7 avril 2017, Del Bel a lancé son troisième album, iii, sur lequel le groupe explore encore plus son univers sonore déjà très riche avec la participation du rappeur torontois Clairmont the Second sur la pièce d’ouverture, « Do What the Bass Says ». Belluz raconte qu’il a découvert cet artiste hip-hop à travers la Wavelength Music Series de Toronto et qu’il a tout de suite été frappé par son « énergie brute ». « Je me suis dit que ce serait extrêmement intéressant de collaborer avec un artiste encore en émergence, mais aussi avec quelqu’un qui saurait écrire des rimes pour un groupe qui n’a jamais tenté ce genre de collaboration auparavant », explique Belluz. Les résultats furent probants et Belluz espère retravailler avec Clairmont très bientôt.

Les membres de ce septuor sont désormais établis aux quatre coins du pays, alors planifier des prestations sur scène est devenu complexe, mais ce n’est là qu’un des nombreux plans de Belluz en 2017. D’ici la fin de l’année, il espère avoir complété un premier groupe de démos pour le prochain album afin de « nous concentrer sur le prochain “son” incontournable » en plus de tourner une vidéo.



Peu de gens seraient en désaccord avec le fait que le trombone n’est pas l’instrument de musique le plus populaire, que le jazz n’est pas le genre musical le plus vendeur et qu’Edmonton n’est certes pas le plus important marché musical au monde.

Mais alors, comment expliquer que la tromboniste jazz edmontonienne Audrey Ochoa soit parvenue à se bâtir une carrière florissante ?

« En jouant dans tous les styles possibles avec le plus de musiciens différents dans le plus de situations différentes », explique la principale intéressée qui, le 5 mai 2017, a lancé son deuxième album intitulé Afterthought, un opus de jazz contemporain aux accents latins et funk. « Je dis “oui” aussi souvent que je peux, et je prends plaisir à répondre aux demandes étranges comme porter un costume, chanter les chœurs, danser, sauter, et tout le toutim, et même jouer du sousaphone dans un cabaret annuel. »

« Je tente de normaliser le trombone dans toutes les situations. Ça veut dire, par exemple, jouer du trombone rythmique dans un quatuor de blues où je joue le rôle de l’harmonica, ou encore jouer en utilisant des pédales d’effets et de “loops” lorsque je joue avec des groupes hip-hop ou de musique électronique, et, par-dessus tout, que je tente de respecter le fait que chaque genre musical a son propre langage et ses propres conventions. Mais je prends soin de toujours faire passer la musique à avant moi. »

« Je tente de normaliser le trombone dans toutes les situations. »

Ochoa est une présence incontournable de la scène jazz canadienne et une puissante tromboniste. Comme bien des musiciens jazz, Ochoa est diplômée en musique de l’Université de l’Alberta. Comme très peu de musiciens, elle a joué avec The Temptations, Dan Aykroyd, Carol Welsman, Hilario Duran et plusieurs autres à titre de tromboniste sur appel pour tous les artistes qui sont de passage à Edmonton.

Fait plutôt rare également, Afterthought ne contient aucune reprise, que des compositions originales. « J’aime composer », avoue Ochoa. « De toute façon, toutes mes pièces sont dérivées des classiques du genre. Le médium jazz est fondé majoritairement sur le langage de l’improvisation, alors pourquoi ne pas explorer cette impro dans le cadre de mes propres compositions ? »

Alors quel est son processus de composition ? « Pour cet album, j’ai écrit la majorité des chansons à la guitare et ma voix pour ensuite peaufiner chacune d’elles sur [l’appli de notation de musique] Finale », explique-t-elle. « J’écris toujours seule, et j’enregistre souvent mes idées de mélodies en les chantant dans mon téléphone pendant que je conduis, et par la suite, j’y ajoute des “grooves” et d’autres éléments individuels. Ça commence toujours par une mélodie. Au stade final, je me fie toujours à l’incroyable talent de mes musiciens Mike Lent et Sandro Dominelli afin qu’ils apportent leur touche personnelle à leurs sections. C’est du jazz, après tout ! »

Fidèle à son éclectisme et à son ouverture d’esprit musicale, Afterthought inclut deux remixes par son compatriote edmontonien DJ Battery Poacher (alias Dallas Budd). « C’est lui qui a réalisé et enregistré l’album de mon amie auteure-compositrice-interprète Amber Suchy », explique Ochoa. « Elle m’a fait écouter certaines de ses œuvres électroniques, un jour, et j’ai tellement aimé ses trucs dès la première écoute que j’ai demandé ses coordonnées pour communiquer avec lui et je lui ai tout de suite envoyé un texto. JE lui ai demandé s’il accepterait de collaborer avec moi sur quelques pièces et il a accepté sur-le-champ. Il sera sur scène au lancement de l’album à Edmonton et j’espère pouvoir partager la scène avec lui de nouveau. »