C’est de la faute à un gars que tout le monde appelait Fern, si Louis Cyr, alias Ludwig Wax, a été inoculé par ce virus communément appelé le rock’n’roll. « Son vrai nom, c’est Pierre Ferland », se souvient-il au sujet du type qui lui donnera envie de consacrer une partie de vie à se brasser les foufounes avec un masque de luchador sur la tête, à occuper toute la scène à genoux et à chaque soir flamber dans le feu de l’action (quitte à finir seul comme tous ceux de sa race). Autrement dit : à un jour devenir au sein du Nombre un des plus flamboyants chanteurs de rock de la province de Québec, moitié saltimbanque, moitié trompe-la-mort.

Drogue, Ludwig WaxNous sommes à Québec, au début des années 1990. « Fern était DJ le mardi soir au Midnight et il avait parti avec Gourmet Délice [bassiste des Secrétaires Volantes, de Caféïne et du Nombre, fondateur de l’étiquette Blow the Fuse, aujourd’hui dans le giron Bonsound] un groupe de reprises obscures de punk et de rock. Ça s’appelait Kaopectak et c’était incroyable ! Fern était un gars très calme, mais sur scène: wo ! On s’imagine toute sorte d’affaires sur les rockstars, mais Fern, c’était la vraie première personne que je voyais monter sur scène, entrer en transe et après retourner à sa petite vie. Je me suis dit: Moi aussi, je vais faire ça. »

Il enregistre en 1996 « dans une cave à Cap-Rouge » Fun Bomb!, unique disque de Demolition, son premier groupe, dont je lui montre la pochette depuis mon côté de la visioconférence. « Regarde à l’intérieur ! Tu vois qui a réalisé l’album ? » Oui, je vois très bien qu’il s’agit de Stéphane Papillon, avec qui Ludwig Wax renouait récemment au sein de Drogue, nouveau supergroupe québécois aussi composé du héros de la six cordes Jean-Sébastien Chouinard, ainsi du bassiste Fred Fortin et du batteur Pierre Fortin (de Gros Mené et Galaxie).

« Quand j’ai terminé mon cégep, les deux groupes en finale de Cégeps en spectacle, c’était le groupe à Papillon et le groupe à Jean-Philippe [Dynamite Roy, guitariste des Secrétaires Volantes, du Nombre et parolier de Drogue]. Papillon avait chanté I Wanna Be Your Dog et c’était la première fois que j’entendais du Stooges avant même d’entendre du Stooges. »

Funambule du rock, grand enfant lâché lousse, trublion aussi magnétique que vraisemblablement un peu masochiste; Ludwig Wax deviendra lui-même une sorte de Iggy Pop québécois, n’hésitant jamais à enrouler son fil de micro autour de son cou, à grimper partout, à se catapulter dans la foule et à faire la couleuvre par terre, un modus operandi qu’il adopte dès Demolition et qui le guidera jusqu’au troisième et ultime du Nombre, Vile et fantastique (2009)

« C’est-tu l’aube, c’est-tu l’aube, c’est-tu l’aube, c’est-tu l’aube ou le crépuscule ? / Un jour je me bats, y’en dix autres où je capitule », hurle-t-il aujourd’hui dans L’aube ou le crépuscule, galvanisant brûlot tiré du premier EP de Drogue.

« Pour moi, Jean-Philippe Roy, c’est un auteur-compositeur extrêmement important de notre francophonie punk rock », plaide Louis au sujet de son camarade de longue date, que l’on pourrait qualifier de semi-retraité du rock. « Dans cette chanson-là, Jean-Philippe se demande: Est-ce qu’on a les pieds dans la tombe ou en dehors de la tombe? Quelle est l’attitude à prendre par rapport à la vieillesse à notre âge, alors qu’on a tous à peu près 50 ans ? »

Quelle attitude Ludwig Wax adopte-t-il lui-même face à son vieillissement ? Inventaire de ses bobos : Ludwig Wax a « des rotules typiques de quand t’as souvent décidé de sauter de très haut pis d’atterrir sur les genoux comme un innocent » et des problèmes de colonne vertébrale liés à ses cascades, en plus d’une épaule qui lui fait des misères depuis qu’il se l’est séparée pendant un spectacle de Demolition présenté au Japon à l’occasion d’un sommet du G8 en 2000.

« L’attitude que j’ai décidé de prendre par rapport à la vieillesse ? » Réponse sans équivoque offerte dans un grand éclat de rire: « J’ai décidé de jouer dans Drogue ! »

Si c’est en usant de ruse que Stéphane Papillon et Jean-Sébastien Chouinard sont parvenus à l’enrôler – il croyait en se pointant à une réunion qu’il ne collaborerait qu’à une seule pièce d’un album solo de Papillon – le chanteur se meurt, maintenant qu’il a le doigt dans l’engrenage, d’à nouveau « sentir le souffle des amplis ». Comprendre: à cause d’un certain virus (malheureusement plus ravageur que celui du rock), les membres de Drogue ne se sont jamais encore tous retrouvés dans la même pièce. Et c’est ainsi que seul Ludwig Wax apparaît (en homme-sandwich!) dans le vidéoclip de De la poudre aux yeux, un hommage au personnage de Guy L’Écuyer dans Au clair de la lune (1983) d’André Forcier.

« Quand je monte sur scène, je veux être en communion avec la musique. Je veux être transpercé par les ondes de la batterie, des guitares, de la basse. Je sais que ce n’est pas tout le monde qui aime la musique forte, mais moi, j’adore ça. Ça rend plein de musiques plus intéressantes. Il vient toujours un moment, quand j’écoute de la musique ou quand je chante, où je me dis: il faudrait que le son soit encore plus fort. »