« En tant que DJ, c’est mon devoir de dire aux gens ce que je trouve génial en général. Et maintenant, en tant que producteur, je peux faire passer ça au niveau supérieur, c’est-à-dire créer des chansons avec ces artistes et les faire monter sur scène avec moi – parce que je me voyais simplement comme un trait d’union entre la musique et les gens. »

4KORNERS, Ogwula

Cliquez sur l’image pour faire jouer la vidéo « Ogwula » de 4KORNERS (avec EverythingOShauN)

Kirk St Cyr, plus connu sous le nom de DJ 4Korners, ne nous répond pas seulement en tant que DJ qui a joué dans des clubs du monde entier, mais aussi en tant qu’artiste à part entière qui vient de sortir son premier album. À l’instar des parutions par plusieurs autres DJ canadiens, 4Korners of the World ne met pas seulement en avant ses compétences d’auteur-compositeur et de producteur dans une variété de genres musicaux ; il met également en valeur les nombreux rôles en constante évolution que doit de plus en plus avoir un DJ au-delà de ses compétences de base, bien rodées et essentielles pour faire vibrer une foule de fêtards.

4Korners of The World est un « mashup » de différents genres qui amalgament des styles musicaux aussi variés que l’afrobeats, le hip-hop, le R&B et la musique électronique qui est fidèle à l’éclectisme de ses « sets » de DJ. Grâce à sa liste d’artistes invités émergents de partout au Canada, 4Korners of the World est véritablement à l’image de la diversité canadienne.

« La raison numéro un pourquoi j’ai choisi ces artistes c’est parce qu’ils sont tous “dope” », dit 4Korners. « Deuxièmement, à cause du concept de l’album, j’ai volontairement recruté des gens de la diaspora et des Canadiens de première génération avec des origines internationales. Je pense qu’on porte des expériences uniques. Je crois qu’on voit le monde et le Canada d’une façon intéressante. Je crois que ça transparaît dans la musique. »

Pour 4Korners, l’album est une extension logique de la musique qu’il joue dans les clubs et lors des matchs de basket en tant que DJ officiel des Raptors de Toronto. Son image de marque est désormais assez forte pour que 4Korners lance, récemment, une vitrine baptisée Wonderful in Toronto. « Sa mission est de mettre en vedette des artistes PANDC émergents et établis afin de célébrer nos musiques et nos cultures », explique 4Korners au sujet de cette vitrine qui est mi-spectacle, mi-party.

Une autre DJ déterminée à mettre en valeur les nouveaux artistes émergents est DJ Rosegold, née à Toronto et basée à Los Angeles. « J’adore faire découvrir de nouveaux artistes et de nouvelles musiques que personne ne connaît, autant que je sache », explique la DJ née Dahlia Harper. « Je le fais de manière sélective en faisant jouer une nouveauté entre deux autres chansons que tout le monde connaît, peu importe l’âge ou la race. »

« En tant que DJ, c’est mon devoir de dire aux gens ce que je trouve génial… et maintenant, en tant que producteur, je peux faire passer ça au niveau supérieur » DJ 4Korners

Pour décrire les sonorités qui lui sont typiques, elle dit qu’il la s’agit de la « musique que tu ne savais pas que tu avais envie d’entendre », et DJ Rosegold a manifesté son éclectisme sur son EP intitulé Université Rosegold : Homecoming où elle rend hommage à ses racines reggae et à ses prochaines productions musicales attendues début de 2023.

Non seulement la musique qu’elle produit elle-même met en valeur des styles musicaux de toute la diaspora, mais les produits dérivés accrocheurs de sa ligne Rosegold University montrent clairement qu’elle reconnaît l’importance de l’image de marque à l’ère des réseaux sociaux. Son approche lui a permis d’être DJ pour des événements en l’honneur de Barack Obama et Lauren London, entre autres.

Rosegold souhaiterait malgré tout qu’accorder autant d’importance à l’image de marque ne soit pas nécessaire. « Maintenant, c’est comme si le talent n’était pas la chose principale sur laquelle les gens se concentrent, malheureusement », dit-elle. « Donc, pour moi en tant que DJ, la majorité de mes “bookings” sont du bouche-à-oreille ou des gens qui me trouvent sur Instagram. Mes réservations dépendent fortement de mon image de marque sur les réseaux sociaux. » Rosegold s’est adaptée à cette réalité et a utilisé sa confiance en elle et sa motivation à son avantage en créant une agence de talents appelée House of Milo.

Mais en fin de compte, que vous soyez un DJ ou un artiste, ce qui compte c’est d’insuffler votre style unique à votre musique. L’album Studio Monk de Junia-T paru en 2020 a été sélectionné sur la courte liste du prix Polaris quelques années après son mandat en tant que DJ pour Jessie Reyez lors de sa première tournée mondiale. D’abord connu en tant que MC, il se considère désormais principalement comme un DJ et producteur, mais il sait très bien qu’être DJ a ses avantages comme artiste interprète.

DJ Rosegold, Chantel, Come Closer

Cliquez sur l’image pour faire jouer la vidéo « Come Closer » de DJ Rosegold (avec Chantel)

« C’est une seule et même chose pour moi », dit Junia-T au sujet de son approche. « Tous les DJs ne sont pas comme ça, mais perso, j’aime jouer en tant que DJ de la même façon que je choisis la musique pour un projet. J’aime jouer des trucs qui me plaisent réellement. C’est pas important si les gens connaissent une chanson ou non, c’est un test de mes goûts. »

DJ Rosegold abonde dans le même sens. « Ce qui est cool dans le fait que je sois maintenant du côté de la production, c’est qu’en tant que DJ, je sais ce que les gens aiment. Et je veux dire par-là ce qu’ils ont vraiment envie d’entendre dans un party », dit-elle. « Je vois leurs réactions, ce qui les excite, et je n’ai qu’à me mettre dans les souliers de ces fêtards… C’est comme ça que j’amalgame les deux et c’est pour ça que je suis vraiment contente d’avoir commencé par être DJ avant de me lancer en production – ça m’a permis de comprendre ce que les gens aiment vraiment. »

Pour 4Korners, qui a grandi à Toronto dans une famille trinidadienne où il était entouré de musiques aussi variées que la soca, le funk ou le rock, il y a des similarités das la mentalité requise pour être un DJ et un artiste interprète.

« C’était naturel pour moi de jouer toute la musique que j’aime et ç’a toujours été une palette très variée », dit-il. « Maintenant que je suis producteur et artiste interprète et que je crée la musique que je fais jouer, c’est du pareil au même. Y’a tellement de genres musicaux qui m’habitent, tellement de sons et d’influences, que ce ne serait pas authentiquement moi si ça ne s’exprimait pas dans ma musique. Impossible pour moi de faire un seul truc. Je ne suis juste pas comme ça. »



À l’heure des bilans de fin d’année, Lionel Kizaba s’accordera une pause du temps des Fêtes avec le sentiment du devoir bien fait. « Cette année fut vraiment la meilleure de ma vie! », s’exclame-t-il, soulignant la trentaine de concerts qu’il a donnés, ici et ailleurs dans le monde, ces douze derniers mois, ainsi que la parution le 18 novembre dernier de Kizavibe, son nouvel album d’afropop électronique coécrit et coréalisé avec le complice Gone Deville. 

Kizaba, Soso

Cliquez sur l’image pour faire jouer la vidéo « Soso » de Kizaba

Pour l’auteur, compositeur, batteur et interprète originaire de la République démocratique du Congo (RDC), 2022 s’est terminée comme elle s’était (à peu près) commencée, soit par une invitation au festival Mundial Montréal/M pour Montréal. La ligne de départ de ce cycle créatif, explique-t-il : « Le concert à Mundial en 2021 dressait la table pour l’année à suivre, que j’ai terminée par un grand concert à la Société des arts technologiques [SAT] pour le lancement de l’album », en guise d’after-party de M pour Montréal. 

« Son directeur Sébastien Nasra avait vu mon concert à Mundial ; après, il m’avait dit : Mais je croyais que tu faisais de la musique africaine, alors que c’est de la pop ! », d’où l’invitation l’année suivante à l’affiche de M pour Montréal. L’observation du directeur illustre bien le chemin parcouru par les musiques pop du continent africain ces dernières années, plusieurs d’entre elles s’étant débarrassées de la clivante (et désormais désuète) étiquette de « musique du monde » pour enfin être reconnue pour ce qu’elle est : de la sacrée bonne pop, dansante et moderne, qui mérite de fouler le pied des plus grandes scènes du monde, comme l’a fait le Nigérian Burna Boy l’été dernier à Osheaga, ou comme le fera son confrère Wizkid le 18 mars 2023 au Centre Bell. 

Car c’est aussi le terrain de jeu musical de Kizaba, qui fusionne la pop, le rap et les musiques électroniques dansantes aux rythmes de son Congo natal, soukous et rumba en tête. « J’ai mis beaucoup d’efforts sur cet aspect, abonde Kizaba. Je voulais amener ailleurs le son congolais en faisant des mélanges avec d’autres styles musicaux. Je voulais arriver avec des influences musicales diversifiées, car je ne veux pas qu’il n’y ait que des Congolais d’origine à mes spectacles, je veux que tout le monde y assiste, tout le Québec, toute la planète. C’est l’univers entier que je propose. » 

Kizaba, Ingratitude

Cliquez sur l’image pour faire jouer la vidéo « Ingratitude » de Kizaba (avec Luciane Dom)

Un univers qui débute à Montréal – littéralement, puisque c’est le titre de la douce chanson qui ouvre l’album Kizavibe, une lettre d’amour à sa ville, « à la vibe d’ici, aux artistes que j’ai rencontrés ici, comme frère Pierre Kwenders », Congolais de cœur lui aussi qu’on entend en duo sur la chanson Bella, ponctuée par une rythmique dancehall. « De toutes les villes que j’ai visitées, j’affirme que Montréal est la meilleure – la meilleure vibe, la musique qu’on y découvre, le vivre-ensemble, j’avais besoin de rendre hommage à tout ça ». 

Lionel Kizaba avait tout fait seul sur son premier album paru en 2017. « Pour ce nouveau, j’avais envie de pouvoir compter sur une autre paire d’oreilles ». Un ami l’a mis en contact avec le compositeur et DJ Gone Deville (Pierre Belliveau), qui cherchait un percussionniste pour l’accompagner lors d’un événement qu’il organisait. Ça a cliqué tout de suite : « Pierre m’a dit : Lionel, je ne te laisse plus, je te suis ! Il m’a fait entendre des beats sur lesquels il travaillait, je suis passé au travers de sa banque pour en choisir quelques-uns, ce fut la base de l’album », enregistré à Montréal et en partie en RDC. 

 Gone Deville tient aussi le rôle de directeur technique des concerts de Kizaba, qui a passé 2022 à jouer dans des fuseaux horaires différents : « Après mon concert à Mundial Montréal, j’ai été invité à jouer dans plein de gros concerts – aux États-Unis en première partie de Lionel Richie, en tournée en Louisiane, en Grande-Bretagne, en Italie, en Colombie-Britannique… » L’année qui se pointe le nez sera aussi riche en engagements, la tournée reprenant le 12 janvier 2023, avec notamment une présence au prestigieux festival WOMAD, qui se tient cette année en avril au Chili. 

 



Ray-On, Ludivine Lavenant, Iohann Martin, Mitsou Gélinas« Ça fait plus de 25 ans que nous travaillons ensemble, Iohann et moi, avec nos partenaires qui sont compositeurs de musique à l’image », explique Mitsou d’entrée de jeu. « Avec les trois acquisitions que nous avons faites (Harris & Wolff, Maisonnette et Ray-On), nous voulions offrir un service sous la bannière unique de Ray-On ». Ray-On offre donc des services musicaux uniques pour les productions audiovisuelles, comprenant la composition de musique originale, la recherche et supervision musicale, la libération des droits, ainsi que l’accès à une banque de musique prélibérée comptant plus de 3000 œuvres principalement québécoises et canadiennes.

Iohann Martin, qui a co-fondé Dazmo (25 films, 15 séries télé) avec Mitsou, sa partenaire d’affaires, il y a un quart de siècle, avait déjà des liens d’affaires avec Harris & Wolff, spécialistes du placement de musique à l’image. Il a flairé le bon coup, afin de diversifier ses activités de production musicale.

« On envisageait d’offrir un service complémentaire de musique qui meuble une scène, qui n’est pas nécessairement reliée à une trame narrative de musique, mais plutôt pour l’ambiance, pour colorer, un complément d’une bande sonore. Il y a une volonté de maximiser le potentiel artistique à réaliser de la musique qui entre dans un genre que j’appelle nuance musicale ».

« C’est vraiment en travaillant sur la musique de la série à succès La Galère que nous avons mesuré le défi, se souvient Martin. On devait écrire trois ou quatre tounes par émission en plus de la trame sonore, la commande était devenue lourde ».

Avec l’achat de Ray-On, l’offre musicale devenait complète. Son catalogue de musique préexistante comporte une plate-forme intuitive avec des accès directs pour les monteurs, les réalisateurs et les producteurs, mais aussi précise Mitsou, « avec une sélection d’artistes d’ici dont les œuvres sont renouvelées fréquemment ».

La série Mégantic, qui sort prochainement sur le Club Illico, est le nouvel accomplissement du collectif. Dazmo, c’est d’abord une équipe de compositeurs, Sari Dajani, Rudy Toussaint, Pierre-Luc Rioux et Iohann Martin, dorénavant sous la gouverne Ray-On, qui a chapeauté tout l’aspect musical via son nouveau service de supervision musicale.

Ce qui amène dans ce nouvel environnement des experts en synchro et en libération de droits musicaux. Ludivine Lavenant est très fière de ce catalogue unique et diversifié d’artistes compositeurs canadiens et québécois. L’une dont elle vantera tous les mérites aux Netflix et autres Disney+ du monde compétitif du placement musical est la nouvelle Olivia Khoury « qui fait du jazz-folk à la Bon Iver » pour incorporer sa musique dans des séries, des films et des publicités.

« Et c’est une manière tellement efficace pour les musiciens de se faire connaître, ajoute la patronne. Nous voulons démocratiser, faire connaître le service de supervision musicale, qui est trop peu connue au Québec. Pour nos clients, Ray-On est un one stop shop, une opportunité pour les productions d’avoir des services intégrés. La synchro d’une chanson sur une télésérie ou un film peut avoir un impact majeur sur le développement du profil d’un artiste. Les superviseurs de musique sont des curateurs de musique, ils jubilent quand on leur envoie de la nouvelle musique originale qui n’est pas encore sur le marché. C’est le edge d’offrir une musique qui va sortir dans trois mois : avoir quelqu’un de très connu à proposer a beaucoup moins d’importance à leurs yeux », confie-t-elle.

« Quand nous avons commencé en 2013, on se faisait souvent demander de la musique préexistante, raconte la chevronnée gardienne des sons. Une banque de plus de 3000 œuvres comme la nôtre pour la télé, le cinéma et la publicité, avec un moteur de recherche qui répond aux commandes musicales du client : un homme ou une femme qui chantent, une chorale, un bpm en particulier… ça n’existait pas au Québec. »

« C’est l’un de nos objectifs des prochaines années, explique Mitsou, faire connaître nos compositeurs à travers nos plateformes et appuyer une nouvelle génération de musiciens d’ici. Dès le départ, je me suis donné le mandat de favoriser davantage le talent féminin en composition de musique à l’image et en réalisation » Une étincelle traverse son regard : « la musique est aussi importante pour une production visuelle que l’éclairage! Il faut savoir bien s’en servir ».

Ray-On, Ludivine Lavenant, Iohann Martin, Mitsou GélinasSimon Bourdou travaille étroitement avec Mitsou, c’est lui qui sollicite des contrats pour les membres de son équipe de compositeurs chez Ray-On dans la jungle infinie de productions visuelles mondiales. Il a passé cinq ans à M pour Montréal et Mundial Montréal avant de faire le saut en 2017. « J’ai toujours été près des artistes émergents, faire découvrir de la musique c’est l’essence même de mon travail, dit-il avec en arrière-plan quelques Prix SOCAN sur les murs de son bureau, entre autres pour la série canadienne How It’s Made.

« Les réalisateurs et producteurs nous expriment leurs besoins musicaux et ensuite l’on recrute l’équipe de compositeurs qui cadre le mieux avec la musique demandée. On s’est rendu compte que le plus gros potentiel d’exportation et de revenus pour les artistes, c’est vraiment l’audiovisuel, observe Bourdou ».

Parmi les artistes de l’écurie, on note le rappeur et producteur Boogat, le compositeur Mathieu Vanasse, le chanteur latin Ramon Chicharron, le guitariste jazz derrière Les Triplettes de Belleville, Benoît Charest, la pop électro de Carole Facal, l’auteure-compositrice prometteuse Naïma Frank, presque tous ont leurs œuvres en synchro hébergées chez Ray-On.

Les meilleurs coups de placement musical chez Ray-On? Mitsou les défile par cœur : Emily in Paris et Tiny Pretty Things (Netflix), Soulmate (Amazon Prime), Woke (Sony Pictures) – et on en passe – des clients publicitaires appelés Nike et Red Bull, un jeu vidéo d’Ubisoft, Crew 2 en synchro (libération de droits et catalogue), le film The Death and Life of John F. Donovan (2018) de Xavier Dolan, la comédie canadienne Wong and Winchester

Ray-On laisse augurer une offre alléchante, surtout que la compagnie a atteint son degré de cohésion en un an. Mitsou est directrice artistique, un rôle pivot pour créer les bons liens avec les producteurs, réalisateurs et artistes.

« Faut le dire, Mitsou, t’es passionné de ça les trouvailles, lui lance Iohann. Quand ta curiosité musicale commence à s’amoindrir, compte sur elle pour te faire découvrir plein d’affaires! ».