Einstein a bien pu dire que l’information n’est pas une forme de « connaissance », mais le manque d’information est voué à l’échec. David Farrell se consacre à l’information dans un grand nombre de domaines de l’industrie musicale canadienne depuis près de quatre décennies. Grâce à son magazine actuel, FYI Music News, il fournit, gratuitement et électroniquement, un résumé des nouvelles et des événements sur lesquels les professionnels de la musique, les agences gouvernementales, les associations, les musiciens et les fans peuvent se renseigner directement sur l’appareil de leur choix.

Malgré un léger contretemps au début de la pandémie, Farrell télécharge tous les jours quelque 300 courriels qu’il trie en fonction de leur urgence, de leur intérêt, de leur profondeur ou de leur simple utilité en vue de les utiliser dans des articles de fond, des entrevues, des recensions ou des tableaux dans l’une ou l’autre des trois éditions hebdomadaires (lundi, mercredi et vendredi) de sa publication. Le choix du matériel à utiliser n’est pas difficile.

Un rédacteur chevronné

Durant les années 70, David Farrell a notamment été le rédacteur canadien de Billboard. Dans les années 80, lui et Patricia Dunn (qui était sa femme à l’époque) ont fondé The Record, une publication hebdomadaire qui est devenue la bible de l’industrie musicale canadienne et dont il a continué de s’occuper pendant une vingtaine d’années tout en contribuant à la fondation de la Canadian Music Week, le congrès national annuel de l’industrie musicale de langue anglaise au pays. Le magazine FYI a été lancé en 2000 avec le soutien de la Slaight Foundation, de CIMA (Canadian Independent Music Association) et de Music Canada. La profondeur de ses connaissances et de son expérience de la musique canadienne ont valu à David Farrell une intronisation au Canadian Music & Broadcast Industry Hall of Fame en 2018.

« Les nouvelles sont les nouvelles », tranche Farrell au téléphone depuis son quartier général de Toronto, et elles n’arrêtent pas de se produire même en temps de pandémie. Il sélectionne son matériel « en fonction de l’intérêt intrinsèque du sujet », explique-t-il. « Comment ça affecte les gens, ce que veut dire la nouvelle. L’argent est toujours un sujet intéressant et, dans mon cas particulier, ça recouvre un tas de choses parce que mes articles ne portent pas uniquement sur l’industrie de l’édition, mais sur les spectacles en direct, l’industrie de l’enregistrement et le rôle des artistes eux-mêmes au sein de l’industrie. Ça ratisse large. »

Chaque édition renferme une cinquantaine d’articles. Pour Farrell, la mise en page de FYI ressemble à « un casse-tête parce que nous avons trois éditions par semaine et que chacune contient au moins 10 nouveaux articles (sauf l’édition du mercredi, qui en renferme 14). Sur ces 10 articles, il y a l’enregistrement du jour, les brèves nouvelles musicales (on peut facilement en avoir 20 ou 30) – plus des titres qui suscitent beaucoup d’intérêt au Canada et à l’étranger et qui paraissent dans la presse de grande diffusion, ce qui peut aller de Rolling Stone au Globe and Mail.

« Même avec une équipe de rédaction réduite, nous couvrons une foule de domaines. En ce qui concerne le choix des sujets d’articles, les priorités sont évidentes dès qu’une nouvelle nous arrive. Il est rare que je n’aie pas sous la main un texte qui s’impose comme article principal. »  Les principaux collaborateurs de Farrell sont Kerry Doole (dont on peut souvent lire les articles dans Paroles & Musique), Bill King, Jason Schneider et quelques autres pigistes.

« Au quotidien, ça se passe entre Kerry et moi » explique Farrell. « Une chose qui ne cesse de nous étonner, c’est qu’il y a essentiellement deux façons d’évaluer l’intérêt [des lecteurs]. La première, c’est le nombre de vues, et la seconde, c’est le nombre de partages. » Certains articles se propulsent d’eux-mêmes, et c’est toujours une surprise. »

Il en donne comme exemple une annonce de Patrimoine canadien qui a paru dans FYI un vendredi et qui avait été partagée à 4 500 reprises une semaine plus tard. Un article de Tom Wilson [de Blackie & The Rodeo Kings] sur la vie en isolement a été partagé à environ 2 000 reprises.  Par contre, il y a des articles sur lesquels nous peinons, » observe Farrell, « et qui pourront être partagés à 11 reprises. Allez essayer d’interpréter ça comme un signe de l’intérêt des lecteurs. Je n’écris pas consciemment de pièges à clics, mais il est toujours surprenant de constater ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. »

La couverture médiatique et la COVID

« En ce qui concerne la façon dont la pandémie [a] affecté le flux des informations », explique Farrell, « j’en ai profité pour faire de [FYI] une publication beaucoup plus centrée sur les individus, pour communiquer avec les gens, comme journaliste, et leur demander comment la pandémie les affecte. Au point de vue financier, mais aussi, comme je suis venu à l’accepter, concernant le problème important qu’est devenue la santé mentale… Beaucoup de [nos lecteurs] ont l’habitude de travailler en groupe, ce qui fait que l’isolement peut avoir des effets très débilitants pour les artistes. Je pense que, dans une large mesure, ils ont besoin de voir le public réagir à leurs œuvres. En être coupé peut être très déstabilisant. Après deux mois, plusieurs artistes ont fait preuve d’une certaine flexibilité en passant de la communication personnelle à la communication en ligne. Il est encore tôt. En à peine quelques semaines, on a vu des artistes adopter de nouvelles plateformes, de nouveaux équipements, et présenter des interprétations de plus en plus géniales… Des entreprises dirigées par de nombreux Canadiens ont fait preuve d’une grande initiative, ils ont démontré beaucoup d’originalité, de calme et de leadership, et il semble que même avec les immenses pertes subies par leurs entreprises, ils trouvent moyen de continuer de présenter des spectacles. »