Das MörtalDepuis le retour en vogue des sonorités new-wave et la tornade electroclash d’il y a quinze ans, reste-t-il encore de la substantifique et fluorescente moelle à tirer des années 80 musicales ? Oui, répond sans hésiter Cristobal Cortes, qui déploie ses grooves synthwave sous le pseudonyme Das Mörtal : « L’important, c’est de s’en inspirer et pas d’imiter, dit le compositeur. C’est quand on imite qu’on reste coincé dans le passé, alors que s’inspirer des années 80 permet de créer quelque chose d’actuel. »

Certes, il serait injuste de réduire le son de Das Mortal aux vieux rythmes et synthés des années Depêche Mode. Sur son premier album paru sur étiquette Lisbon Lux, Always Loved, le Montréalais né à Santiago, au Chili, met le cap sur une musique dansante évoquant autant le techno et le house progressif des années 90 et 2000 que le son électro rugueux d’il y a trente ans. Human League autant que Tiga. The Safety Dance autant que Harder, Better, Faster, Stronger.

« Das Mörtal, c’est un peu n’importe quoi pour moi – c’est à dire, beaucoup d’expérimentation, abonde Cortes. Je peux faire un morceau très disco, puis celui d’après plus techno, mais tout ça confiné à un univers sonore bien défini. Aussi, il y a un côté un peu « cinématique » au projet, puisque chaque parution se veut une histoire en soi. Ce ne sont pas des chansons aléatoirement mises ensemble, il faut que ça raconte une histoire, du début à la fin. »

Celle qu’il raconte dans Always Loved est simple et efficace – il le faut, puisque la moitié des chansons sont instrumentales. C’est, explique-t-il, celle d’un type qui rencontre une femme dans un club, et les deux passent une nuit ensemble, « jusqu’au lendemain matin alors qu’ils se disent : À la prochaine fois, peut-être… » Les pulsions rythmiques, densément habillées de gros synthés reluisants, donnent à la fois envie de danser et de… enfin, vous aurez compris.

Si la dernière est dans notre nature, danser n’est pas une fonction acquise pour tout le monde. Cristo a dû s’exiler à Berlin, il y a une douzaine d’années, pour le comprendre. « À cette époque, la scène électronique montréalaise me semblait tourner en rond, musicalement. Tout gravitait autour de la SAT, MUTEK, ce son house et techno minimaliste, c’était répétitif, j’étais tanné d’entendre ça. »

Il avait des pulsions plus agressives, disons, le Cristo, alors fan des productions hardcore électro-industrielles du (défunt) label allemand Digital Hardcore Recordings (Alec Empire, Atari Teenage Riot). « Pour moi, Berlin, c’était ça. Une musique électronique beaucoup plus punk, proche du métal, qu’on retrouvait peu à Montréal. Je débarquais à Berlin avec l’idée de produire ma musique en m’inspirant de l’énergie là-bas, du son, pour trouver de nouvelles manières de faire de la musique. »

Cortes avait alors pris le nom de scène Elektro-boy, frayait avec les producteurs de la scène, notamment ceux du label (plus techno) BPitch Control d’Ellen Allien. C’est en côtoyant ces musiciens qu’il a réalisé ce qui lui avait échappé à Montréal : le goût de la danse et la fonction du maître d’orchestre d’un plancher, le DJ.

« J’ai compris la culture DJ que je cherchais à fuir. Tout d’un coup, ce n’était plus ennuyant. »

« On m’a appris que je pouvais faire beaucoup plus de choses que je ne le pensais en tant que DJ, détaille-t-il. Je ne pensais pas que cette manière de travailler pouvait me permettre de m’exprimer pleinement. Or à l’époque, la compagnie Native Instruments a lancé [le logiciel de musique pour DJs] Traktor, et les bureaux de BPitch avaient reçu la toute nouvelle version. Avec ça, je me sentais plus libre et ça m’a intéressé. Me suis dit : Tiens, on peut mettre plein d’effets, c’est comme faire du montage sonore, mais en direct. J’ai compris la culture DJ que je cherchais à fuir. Tout d’un coup, ce n’était plus ennuyant. »

Après une poignée de singles et de mini-albums, Das Mörtal a trouvé auprès de Lisbon Lux des partenaires lui permettant de faire rayonner sa musique hors de nos planchers de danse ; ces derniers mois, il a donné des concerts live en France, en Hongrie, en Russie et en Grande-Bretagne. « Lorsque je suis invité à jouer ici, chez nous, c’est très souvent en tant que DJ… et c’est ben correct de même ! », assure le musicien autodidacte, qui compose à l’oreille, avec un bon sens du rythme et beaucoup d’intuition.

Une question qui nous brûle, Cristo, en terminant : pourquoi avoir re-mixé… Je danse dans ma tête interprétée par Céline Dion ? « Moi je l’aime, cette chanson! En fait, je déteste l’expression « plaisir coupable » : à mon sens, on a le droit d’aimer ce qu’on veut. Et j’aime cette chanson de Céline, qui me rappelle quand j’étais jeune – je n’aime rien d’autre venant d’elle, par contre… Je sais pas, c’est son côté un peu kitch ? Mais le groove est bon, c’est un morceau qui sonne encore bien ! Évidemment, c’est un vieux succès, mais il remplit tous les critères d’un bon hit de musique dance. »