Vous n’êtes plus de la relève, mais n’êtes pas non plus des vieux routiers de la musique québécoise. Comment vous situez-vous dans le paysage musical québécois?

Daniel : Si l’ancien modèle [de l’industrie] s’appliquait encore aujourd’hui, j’imagine qu’on serait à l’âge qu’avaient les Paul Piché, Richard Séguin et Michel Rivard à la fin des années 80 et qui lançaient des albums marquants. Là, c’est imprévisible. La bonne nouvelle, c’est que tout est à reconstruire. J’insiste ; c’est un métier riche en possibilités. L’avenir est trippant, mais il faut trouver le moyen de compenser les artistes pour les pertes de revenus.

Êtes-vous critiques à l’égard de vos premières oeuvres?

Daniel : Ça, c’est un des avantages de notre métier. On est censés être meilleurs avec le temps.

Les thèmes sont universels : l’amour, le manque d’amour, l’absence en général. Ce qui compte, c’est notre signature, ce qui nous rend unique.– Stefie Shock

Stefie : Mais Paul McCartney n’a pas fait un hit depuis quarante ans! Personnellement, je suis surtout fier de mon travail à partir du deuxième album. Je ne suis pas gêné par la réalisation, si bien qu’en concert, je n’ai pas besoin d’essayer de revenir au son de l’époque où je les ai enregistrées, peut-être parce que je n’ai pas fait de disques avec des sons de synthés infâmes. À la sortie de mon premier album (Presque rien, 2000), la tendance était déjà au retour des synthés analogiques et des belles tonalités, on avait déjà éliminé les instruments regrettables des années 80… Je crois que mes disques ont bien vieilli, et il en va de même de ceux de Daniel et Dumas.

Dumas : Ce métier, ce n’est pas une course, mais un marathon. Ça se peut quand même qu’à 25 km, t’aies besoin de t’arrêter un peu pour mieux repartir.

En vingt ans, qu’est-ce qui a le plus changé dans votre manière d’exercer le métier?

Dumas : Mon plaisir, c’est de m’ouvrir davantage aux autres, sur le plan de la création. À mes débuts, j’étais plus refermé. Forcément, tu veux t’affirmer, faire ta place avec tes idées. Aujourd’hui, je recherche les collaborations. J’ai même un coauteur sur le nouvel album. Ça me permet de sortir de moi-même en quelque sorte, et c’est là que mon métier devient intéressant et surprenant.

Daniel : À l’époque de ma première tournée, je traînais une valise bourrée de textes, des bouts de papiers. Les gars commençaient à avoir des laptops, pas moi. J’aimais ça écrire sur du papier. J’ai fini par en acheter un, et ça a changé ma vie : fini les napkins!

Dumas : Te laisser un message sur ton répondeur avec une idée de chanson, tu faisais ça aussi?

Daniel : Je crois que je n’avais même pas de cellulaire dans ce temps-là!

Stefie : Moi, j’ai encore gardé l’usage du crayon et du papier. Je n’arrive pas à me ramasser avec un clavier. J’ai toujours une montagne de papiers avec des bouts de rimes qui peuvent servir. Pour moi, la différence, c’est de pouvoir enregistrer chez moi des pistes d’une qualité telle qu’elles peuvent servir à l’album. La technologie me permet ainsi d’économiser.

Est-ce que vos thèmes, vos préoccupations, vos inspirations ont aussi changé avec le temps?

Daniel : Ça, c’est intéressant. Pour mon nouvel album, les musiques venaient aisément. Avec les textes, j’angoissais.

Dumas : Moi aussi, ça a beaucoup changé avec les années. Je ne sais pas si c’est l’âge, mais j’écris moins. Sauf que de travailler avec quelqu’un d’autre pour les textes m’a fait du bien. Ça m’a fait voir autrement des thèmes que j’avais déjà abordés, c’était rafraîchissant.

Stefie : Ça a changé simplement parce que j’ai vécu des choses nouvelles. J’essaie de rester en phase avec le moment présent, d’être fidèle à ces émotions, je n’ai pas le souci d’écrire quelque chose que je n’avais jamais abordé auparavant.

Daniel : Vieillir, c’est aussi se renouveler…

Stefie : À mon sens, y’a pas de mauvais sujets de chanson, tout est dans la manière de le raconter. J’écris ce que je ressens, et pareil pour Dumas et Daniel. Les thèmes sont universels : l’amour, le manque d’amour, l’absence en général. Ce qui compte, c’est notre signature, ce qui nous rend unique.